Après une rencontre improbable avec le Rayman de Michel Ancel, c’est cette fois le personnage culte de Shigeru Miyamoto qui fait les frais de l’arrivée des Lapins Crétins dans son univers. Mario + Rabbids Kingdom Battle arrive en effet demain en exclusivité sur Nintendo Switch, l’occasion pour nous de revenir sur son système de jeu, son univers et surtout son intérêt. Ayant tout juste pu terminer le troisième monde et débuter le suivant, nous n’avons certes pas une vision globale de l'œuvre d'une vie de l'Italien Davide Soliani, mais nous en avons suffisamment vu pour être en mesure de vous aider à sauter le pas ou non. Bonne lecture !
Parvenir à intégrer deux univers opposés au sein d’un même jeu n’est pas toujours chose aisée, le risque de froisser les fans étant grand. Si un tel crossover fonctionne sans le moindre problème dans un Smash Bros., on pouvait se demander s’il en serait de même dans un titre à la dimension narrative un peu plus appuyée. Alors bien sûr, Mario + The Lapins Crétins Kingdom Battle ne s'embarrasse pas d’un scénario complexe, ni une écriture subtile (il s’agit des Lapins Crétins et de Mario après tout), mais on suit néanmoins les aventures du groupe de héros si chers à Nintendo et de leurs versions crétinisées via de nombreuses petites cinématiques très bien faites. Tout débute dans le sous-sol d’une inventrice fan de l’univers de Mario, alors qu’elle est en train de confectionner un casque permettant de fusionner deux objets entre eux. L’arrivée imprévue des Leporidae d’Ubisoft pendant sa pause déjeuner va bien évidemment venir semer un désordre sans pareil, qui va s’inviter dans le monde du plombier moustachu via la machine à laver à remonter le temps des fauteurs de trouble. En résulte un univers sens dessus dessous, où les objets du monde réel viennent s’imbriquer dans les décors habituels des paysages de Mario, et où les lapins eux-mêmes se retrouvent modifiés par l’appareil de fusion né de l'imagination de la jeune fille. Une intrigue fidèle à ce que l'on est en droit d’attendre des Lapins Crétins, avec le fils de Bowser en antagoniste principal, bien décidé à prouver à son père sa valeur en tant que vilain de service. Vous vous en doutez, on ne joue pas à Mario + The Lapins Crétins Kingdom Battle pour sa seule histoire, bardée d’un humour qui ne fera sans doute pas l’unanimité, mais qui a le mérite d’être beaucoup moins lourdaud que l’on pouvait le craindre de prime abord.
Miyamoto avait été très clair, il ne voulait pas entendre parler d'un jeu de plateforme quand il a été approché par Davide Soliani et Ubisoft. Une contrainte qui a amené l'équipe de développement à s'aventurer sur un nouveau terrain de jeu pour le célèbre plombier, qui était déjà connu pour ses incursions nombreuses dans d'autres genres (combat, golf, tennis, karting, etc.). Le pari de l'éditeur français est alors d'opter pour un style qui n'a pas forcément le vent en poupe auprès du grand public, le jeu de stratégie tactique. Si la série X-COM (entre autres) est indéniablement connue de nombreux joueurs, elle attire essentiellement les habitués du déplacement case par case, et peu sont les néophytes à s'y être risqués ces dernières années. Le choix surprend donc au départ tant il est clivant, certains joueurs se mettant aussitôt sur la touche, prétextant qu'ils resteront totalement hermétiques à un genre d'habitude plus tourné vers le PC. Pour être tout à fait francs, on ne peut pas dire que nous sommes nous-mêmes férus de tactical, mais cela n'a pas empêché le jeu d'attiser notre curiosité. Après tout, quitte à vulgariser un peu la définition même du genre, un jeu de stratégie tactique n'est ni plus ni moins qu'un Final Fantasy de la grande époque (comprenez au tour par tour), avec une gestion des déplacements des personnages sur une grille. Or, comment oublier qu'avant la sortie officielle de FF VII en Europe, très peu de joueurs s'étaient laissés tenter par le JRPG. Une envie qui avait été motivée par les articles dithyrambiques des magazines, les images aguicheuses du jeu, et son statut de prouesse technologique à l'époque, sans oublier le fait qu'il s'agissait avant tout d'une exclusivité de marque. Un jeu qui aura servi de porte d'entrée sur un genre pour une bonne partie des jeunes des années 90, et qui reste aujourd'hui encore très cher dans leur cœur.
À la vue de Mario + The Lapins Crétins, difficile de ne pas entrevoir une certaine analogie avec le titre de feu Squaresoft. Pas tant parce qu'il fait figure de vitrine technologique de la Nintendo Switch, mais plutôt grâce à son univers familier et sa fenêtre de lancement, savamment choisie pour venir équilibrer le rythme des sorties exclusives de la machine. Nous pensons donc que, au contraire d'un X-COM, le jeu d'Ubisoft a toutes les chances de séduire un public curieux, en attente de nouveautés un peu originales. S'il nous sera difficile de parler au nom des amateurs de jeux de stratégie tactique, nous pouvons assurer aux nouveaux venus que le titre d'Ubisoft s'assimile en douceur pour ne pas perdre le joueur en route. Le principe est d'ailleurs d'une simplicité enfantine : à chaque fois que l'on entre dans une arène de combat (indiquée par des drapeaux affublés de têtes de lapin), le jeu passe en mode pause et donne la possibilité d'analyser le champ de bataille en s'y déplaçant librement. Cela permet tout d'abord d'avoir un aperçu de la configuration des lieux, pour mieux en tirer profit plus tard, mais également d'observer le placement ennemi et la composition des rangs adverses (type d'attaque, amplitude de déplacement, portée des armes, etc.). Une fois cette phase (optionnelle) de reconnaissance effectuée, le combat peut commencer, la priorité étant donnée au joueur, qui engagera toujours les hostilités. Lors d'un tour, l'équipe de trois personnages (au choix, même si, au départ, seul un trio est disponible) peut effectuer diverses actions, dans l'ordre souhaité qui plus est. Les déplacements dépendent du nombre de cases autorisé pour ledit personnage, et de la manière de le faire. En effet, en prenant appui sur l'un de ses coéquipiers, il sera possible d'aller plus loin sur l'aire de combat. De plus, les fameux tuyaux de Mario ("lapinisés" pour l'occasion) permettent également de gagner du terrain ou de changer de niveau. À noter qu'il n'est pas possible d'enchaîner une impulsion sur un partenaire et l'utilisation de l'un de ces fameux tuyaux.
En plus de permettre de progresser sur le champ de bataille, les déplacements peuvent servir à attaquer un adversaire, sans que cela n'empêche ensuite d'utiliser l'une de ses armes dans le même tour. On peut donc tacler un ennemi avant de chercher refuge un peu plus loin ou, quand on a débloqué cette capacité avec Mario, lui bondir sur la tête. Cet aspect offensif des déplacements s'ajoute à l'arsenal de l'équipe en place, composé d'une arme à feu (il en existe de différents types, chacune étant associé à un personnage) et d'une arme de corps-à-corps ou de jet (une fois de plus, celle-ci dépend du héros choisi). Leur puissance de feu varie, de même que leur capacité à détruire les protections destructibles qui permettent aux combattants de rester à l'abri des tirs. Des effets particuliers sont également parfois associés aux armes, comme celui de geler un adversaire (pour l'empêcher de déclencher certaines actions quand vient son tour), de le repousser, ou encore de l'envoyer gentiment valser dans les airs. Des exemples parmi d'autres qui montrent que le choix de l'arme ne se fait pas uniquement en fonction de sa puissance destructrice. Précisons que l'armement s'acquiert dans le QG de combat (accessible à tout moment hors combat, ou dans le hub central), moyennant les pièces que l'on récolte au cours de l'aventure (en explorant le monde et en gagnant des affrontements). En dehors des attaques et des déplacements, une troisième manœuvre est disponible lors d'un même tour. Chaque personnage dispose en effet de deux capacités spéciales, qui peuvent octroyer des bonus de type offensif ou défensif en fonction du héros. Bouclier, partage des dégâts, annulation des effets liés aux armes adverses ou à certaines couvertures, tir automatique défensif sur un ennemi en mouvement, la liste est assez longue pour permettre de créer des équipes variées.
Avec un tel panel d'actions à la disposition du joueur et des ennemis, il devient donc important de bien penser le placement de son équipe, pour éviter les mauvaises surprises. Reste que l'on ne peut jamais être totalement certain d'être à l'abri, notamment quand on se retrouve face à des adversaires capables de se téléporter dans le troisième monde, ou même à des fantômes un peu joueurs qui prennent un malin plaisir à transporter un membre de l'équipe (ou un ennemi) de l'autre côté de la map. Il est donc toujours question de s'adapter à ce qui se passe, comme lorsque de méchants lapins sortent de terre près de l'un des héros pour venir en renfort des forces en présence. Dans les passages où il est question de rejoindre une zone (un personnage sur les 3) et non de la nettoyer entièrement, cela ajoute encore plus à la tension ambiante, l'arrivée des ennemis étant continue jusqu'à la fin de la manche. Il en va de même dans les missions d'escorte, qui fonctionnent sur le même principe, avec juste un personnage supplémentaire (incapable d'attaquer ou de se défendre) à guider jusqu'à l'objectif. À la mobilité adverse, il faut ajouter la friabilité de certains murs (de pierre ou de glace), qui ne peuvent pas protéger vos personnages à 100%. Le pourcentage de réussite d'un tir est d'ailleurs toujours indiqué pour favoriser les déplacements ou le repli, quand l'attaque est impossible. Parfois, des caisses à effets sont disposées sur la zone de combat, à éviter dans la mesure du possible pour ne pas se retrouver en fâcheuse posture, mais dont il ne faut pas hésiter à abuser quand un adversaire s'y poste en embuscade.
S'il est évident qu'il ne faudra pas s'engager dans Mario + The Lapins Crétins en espérant que l'aspect combat soit relégué au second plan, la potentielle lassitude qui pourrait résulter de l'enchaînement des batailles est habilement tuée dans l’œuf grâce à l'arrivée régulière de nouveaux types d'ennemis, qui poussent le joueur à varier son style de jeu et à remettre en question ses acquis. Toute cette philosophie de l'adaptation est également mise à profit lors des rencontres avec les Midboss et les boss. Chaque monde comprend en effet deux affrontements de plus longue haleine où le pic de difficulté pourra monter d'un cran, en fonction du trio de personnages choisis et de leurs compétences (nous y reviendrons). À mi-parcours, il faudra tout d'abord faire face à un ennemi unique accompagné de ses sbires, le danger venant autant du surnombre que du Midboss lui-même (sachez qu'ils peuvent même parfois être deux), plus dangereux offensivement, et plus difficile à battre du fait de sa barre de vie plus conséquente. Le point culminant de chaque monde sera bien évidemment l'affrontement ultime contre le big boss des lieux, généralement décomposé en plusieurs phases, qui obligent le joueur à mettre en place des tactiques particulières. Heureusement, les victoires et l'exploration donnent accès à des orbes de compétence (réinitialisables à l'envi), que l'on peut distribuer à loisir dans quatre arbres distincts : déplacement, attaque, techniques et "autres". On peut certes regretter la grande similitude entre ces derniers d'un personnage à l'autre, la distinction se faisant surtout sur leurs capacités spéciales. Dans la partie mouvement, il existe certes quelques petites variations entre les héros, mais pour le reste, il s'agit des mêmes capacités (augmenter son niveau de vie, l'amplitude de ses déplacements, etc.). Fondamentalement, ce n'est pas un réel problème, l’alchimie entre les trios possibles dépendant justement de ces petites variations. Gardez cependant en tête qu'il est impossible d'inclure trois personnages de l'univers de Mario dans l'équipe, puisqu'il faudra toujours au moins un lapin dans l'effectif. Dans le même esprit, Mario sera obligatoirement le leader de l'escouade.
On comprend donc très vite que pour améliorer ses personnages, il est important de bien fouiller son environnement pour découvrir des coffres pouvant renfermer des orbes ou des armes, entre autres. L'aspect exploration est certes limité, mais il n'en demeure pas moins important pour progresser dans l'aventure sans buter à chaque rencontre hostile. Des puzzles pourront également s'inviter à la fête, avec des blocs à déplacer ou détruire (après avoir débloqué la capacité correspondante de Beep-O, le robot qui guide la petite troupe), des statuettes à placer sur des socles, etc. Rien de particulièrement compliqué, mais cela amène le joueur à revenir vers les niveaux terminés pour y trouver les coffres manquants. Il est d'ailleurs important de préciser que chaque monde renferme un chapitre secret qui ne peut être atteint qu'une fois le monde suivant débloqué (car avec chaque monde arrive une nouvelle capacité pour Beep-O). Lorsque l'on retraverse une zone complétée librement, les ennemis y sont absents, mais des défis de combat à difficulté croissante sont proposés de manière facultative dans les arènes abandonnées. De quoi glaner encore quelques pièces d'or et autres orbes de compétence. L'exploration permet également d'obtenir divers bonus plus futiles, comme des artworks, des modèles 3D des personnages, des pistes de la bande originale et des cartes de tarot Lapins Crétins. Les différents chapitres proposent aussi des niveaux bonus, accessibles via des canons bleus, très rétros dans l'esprit. Ils consistent à ramasser dans un temps donné des pastilles de couleurs pour obtenir un coffre renfermant une arme (achetable ensuite dans le QG de combat). Dans le même genre, des anneaux rouges vous attendront de ci de là, leur activation déclenchant une course à la pastille rouge chronométrée (sans compteur apparent cette fois), ces dernières étant dispersées dans la zone tout autour des héros. Une preuve de plus des efforts des développeurs pour proposer un peu de variété entre les affrontements, qui restent malgré tout la pièce de résistance du jeu.
La progression dans la campagne principale de Mario + The Lapins Crétins donne accès à une autre facette du jeu, puisqu'il propose également un mode coopératif. Le Dome Coop se débloque une fois le Midboss du premier monde vaincu, et offre à deux joueurs la possibilité de se frotter ensemble à l'IA dans des arènes originales, différentes de celles de l'histoire principale. Il y est soit question de se débarrasser de toutes les forces ennemies, soit d'atteindre la sortie de la zone, le tout avec deux duos de personnages qui jouissent des améliorations qui leur auront été octroyées dans le mode solo. Il n'est pour l'instant pas possible d'y jouer en ligne ou en versus, mais qui sait si de futures mises à jour (ou DLC) ne viendront pas bouleverser tout cela. En l'état, on participe donc à ces épreuves dédiées avec un ami, dans le confort de son canapé, en partageant les Joy-Cons ou en faisant appel au controller Pro en renfort. Une assurance d'allonger la durée déjà très bonne du titre, sans le faire de manière artificielle. Pour ceux qui voudraient obtenir les 100% dans l'aventure solo, sachez que la "machine à laver dans le temps" permet de relancer les batailles zone par zone, avec la présence ennemie initiale, mais le niveau d'armement et de compétences des héros atteint dans votre partie. Cela facilite énormément les choses vous vous en doutez, mais cela procure tout de même une énorme satisfaction, quand en quelques tirs à peine, on ressort gagnant d'une joute où l'on avait remporté la victoire sur le fil du rasoir la première fois. Bref, vous l'aurez compris, Mario + The Lapins Crétins est un titre généreux en contenu qui fait le maximum pour accueillir petit à petit les néophytes, sans pour autant proposer une expérience dénuée d'intérêt stratégique. On ne doute pas que les aficionados des X-COM et autres Fire Emblem continueront de trouver leurs séries de prédilection plus riches en termes de possibilités, et c'est sans doute vrai, mais le travail d'Ubisoft sur cette improbable réunion entre Mario et les Lapins Crétins montre qu'il n'est pas nécessaire de sacrifier la difficulté sur l'autel du grand public quand on laisse au joueur le temps d'assimiler toutes les mécaniques. En cela, le jeu est indéniablement réussi.
Pour ne rien gâcher, le jeu affiche des graphismes qui ne le sont pas moins, avec une explosion de couleurs et une modélisation sans faille des différents protagonistes. On a d'ailleurs du mal à reconnaître le moteur Snowdrop, développé à la base pour The Division, et qui dévoile ici une surprenante polyvalence. Si l'on devait juste formuler une critique sur le rendu visuel, ce serait sans doute sur l'effet de flou un peu exagéré appliqué sur les décors en arrière-plan, qui empêche un peu de profiter de l'excellent travail des artistes d'Ubisoft. Les performances du titre quand la console est dockée sont tout à fait excellentes dans l'ensemble ; tout juste peut-on parfois déceler quelques petits couacs dans le framerate (en combat comme en exploration). Rien de très dommageable dans le sens où cela reste plutôt rare, et de toute façon jamais dommageable pour le gameplay. En mode portable, rien à signaler de ce côté à première vue, ce qui permet de jouer dans un confort absolu, où que vous soyez. À noter que le grand écran de la Switch permet d'appréhender les combats sans le moindre problème de lisibilité. Côté bande son, les différents thèmes sont tous très réussis, avec une mention spéciale pour le troisième monde (et son introduction de boss notamment), dont l'ambiance nous a particulièrement plu. Entre Luigi's Mansion et MediEvil, cet univers est un régal pour les oreilles (et pour les yeux) ! Quand on sait que le grand Grant Kirkhope, compositeur attitré des anciennes productions Rare, était à la baguette, on ne s'étonne pas de la grande qualité de la B.O, mais il fallait le souligner. Enfin, terminons ce grand tour d'horizon du jeu par sa maniabilité, sans faille visible, que l'on pratique l'aventure avec les Joy-Cons ou la manette Pro. Comme souvent avec une bonne partie des jeux sortis sur Switch à ce jour, nous trouvons les vibrations nettement moins convaincantes que chez la concurrence, mais en dehors de ce détail, c'est du tout bon !
Tous les commentaires (18)
Très sympa ce cross over !
Mais c'est juste génial d'avoir ce genre de jeu en nomade.
Cela serait génial de pouvoir streamer la console sur iPad afin de pouvoir jouer sur grand écran notamment à plusieurs !!
Le système de combat est bien pensé, reste à avancer.
Nintendo et Ubi vont me faire aimer le tour par tour, un exploit!