Harold, ce nom ne vous dira sans doute pas grand chose, mais voilà pourtant ce qui se profile comme un futur indispensable du petit monde des jeux dématérialisés. Vous nous connaissez, à Gamersyde, on s'intéresse toujours aux bonnes idées, et depuis quelques années maintenant, force est de constater que la scène indépendante est particulièrement généreuse de ce point de vue. Aussi, quand on se voit proposer un hands-on exclusif en tête à tête avec Olivier Derivière, compositeur sur le jeu, on n'hésite pas un seul instant à braver les joies du réseau routier parisien. Une bonne nouvelle ne venant jamais seule, sachez que Loris Malek, le président de Moon Spider, nous a accordé une interview téléphonique que nous vous livrerons (par écrit) d'ici quelques jours. Pour l'heure, on vous donne donc nos toutes premières impressions sur le jeu, un titre assez unique dont on n'a clairement pas fini d'entendre parler.
La tâche est rude, comment ne pas laisser mon enthousiasme vous contaminer au point que vos attentes n'en deviennent presque démesurées ? Un engouement à double tranchant tant il peut aussi générer les plus amères déceptions parfois. Et pourtant, quand un jeu parvient à vous accrocher dès les premières secondes, à vous donner envie de vous améliorer, d'abord en parvenant simplement à atteindre la fin du niveau, ensuite en tentant de truster les plus hautes marches du podium, c'est que quelque chose est en train de se passer. Au delà de sa réalisation admirable (sur laquelle je reviendrai d'ici peu), Harold est surtout un véritable concentré de game design où le moindre élément a été pensé pour donner au joueur toutes les clefs pour en tirer la substantifique moelle. Des personnages à leurs animations, de l'univers du jeu à sa bande son, tout semble minutieusement calibré pour se mettre au service de mécaniques de gameplay diaboliquement efficaces, mais aussi délicieusement fourbes et exigeantes. Car ne vous y trompez pas, Harold vous demandera déjà un bon investissement pour en comprendre les rouages, mais pour les maîtriser parfaitement, le chemin sera indéniablement plus long. Un apprentissage par l'échec pourtant jamais frustrant, la marge de progression étant à la fois grande et source d'une satisfaction personnelle que l'on n'avait pas ressenti depuis longtemps dans un jeu.
Cela vous surprendra peut-être, mais il y a bel et bien une histoire autour de cet étrange garçon prénommé Harold, une histoire qui s'intéresse plus particulièrement à son ange gardien Gabe. C'est en effet le rôle de ce jeune apprenti protecteur que vous endosserez, un surdoué pas toujours particulièrement apprécié de ses camarades ou ses professeurs, la faute à un manque très clair de sérieux dans le travail. Après tout, pourquoi s'investir quand on réussit tout haut la main sans se fatiguer ? Mais voilà, l'examen final pour obtenir enfin son statut d'ange gardien arrive et il va obliger le jeune prodige (vous, donc) à prouver sa valeur en accompagnant un humain à la victoire dans une série de 12 courses toutes plus tordues les unes que les autres. Seul problème, la tâche s'annonce plus difficile que prévue puisque c'est du malhabile Harold que vous héritez après tirage au sort. Le rouquin à lunettes vous colle donc tout de suite un sacré handicap, car il est sans aucun doute le participant le moins doué du lot. Il a cependant un bel atout dans sa manche de maillot de corps, une vitesse de pointe à faire pâlir la concurrence. Voilà donc en gros le pitch de départ, une histoire simple racontée sous la forme de petites séquences en 2D dans un esprit très cartoon (donc pleines d'humour), hommage aux Disney et Ghibli de notre enfance.
Tout cela est bien joli, mais il est grand temps de vous expliquer un peu comment Harold se joue. J'imagine sans mal que la première vidéo de gameplay diffusée par Moon Spider en aura laissé plus d'un perplexe. Après cette première prise en main, je comprends d'autant mieux à quel point on ne peut prendre la mesure du potentiel du jeu sans s'y être essayé au préalable. Harold est en effet de ces titres qui se jouent plus qu'ils ne se regardent, du genre que l'on peut difficilement lâcher une fois lancé dans une partie. Tout paraît simple de prime abord lorsque l'on se lance dans les deux tutoriels de la démo présentée à la PAX : le bouton A permet de faire sauter le personnage instantanément, une réactivité qui fait d'ailleurs plaisir à voir, tandis que la pression simultanée des touches LB et RB déclenche une accélération foudroyante. Bien sûr, avant de pouvoir utiliser cette fonction turbo, il faut d'abord récolter les petits anneaux (appelés les "wing rings") disséminés sur le parcours, sachant que ceux-ci ne fonctionnent que par paire. Subtilité supplémentaire, ces anneaux font également office de barre de vie. "Pourquoi une barre de vie ?" ne manquerez-vous pas de demander. Eh bien pour la bonne et simple raison que le parcours semé d'embûches que le pauvre Harold va devoir traverser sera votre premier adversaire. Et quel adversaire !
En effet, la route qui mène à la ligne d'arrivée est truffée d'obstacles qui seront autant d'occasions pour le game over de pointer le bout de son nez. À chaque faux pas du chétif Harold, vous perdrez deux de vos précieux "wing rings" (ce qui vous enlève un boost entier au passage), mais vous pourrez poursuivre la course tant qu'il vous en restera encore en réserve. D'où l'intérêt de les amasser au maximum pour se préserver d'un abandon forcé. Parce que ces fameux anneaux sont aussi indispensables aux accélérations du sportif binoclard, ils apportent une véritable dimension tactique au jeu : on vous incite à prendre des risques en usant de vos bonus d'accélération pour rester dans la course, mais leur utilisation peut aussi vous mettre dans une situation délicate si vos réflexes ne sont pas suffisamment affûtés pour survivre aux obstacles. Parlons-en d'ailleurs de ces obstacles avec lesquels vous, ange gardien, allez devoir interagir pour le bien d'Harold. Tantôt il s'agira de tourner une manivelle avec le mouvement de stick adéquat, de déplacer des plate-formes ou de lever ou d'abaisser des ponts de bois, tantôt il vous faudra couper des cordes, assommer des crocodiles, briser des planches pour dégager le passage, etc. Les deux gâchettes permettent de sélectionner l'obstacle désiré (certains passages les enchaînant de façon assez vicieuses) tandis que le stick gauche les active.
Sur le papier tout semble donc assez simple, mais croyez bien qu'une fois lancé dans une course, tout devient très vite assez infernal. Le fait même que les interactions ne se limitent pas à une simple pression d'un bouton, mais oblige à utiliser le stick gauche de différentes façons, oblige le joueur à une gymnastique autant manuelle que cérébrale. Réussir à tourner le stick suffisamment vite pour actionner une manivelle avant d'enchaîner avec la paire de ciseaux qui demande un va-et-vient gauche/droite rapide, tout cela avant de prendre le contrôle d'une plate-forme pour sauver Harold de justesse alors même que vous venez de le lancer dans une accélération fulgurante, voilà qui demande une bonne dose de sang froid, une maîtrise parfaite des commandes, et une capacité à gérer plusieurs choses à la fois. Heureusement, il est possible de préparer le prochain obstacle avant l'arrivée du jeune coureur, en s'y rendant directement par une simple pression du bouton B. Une option bien pratique qui va cependant vous en demander pas mal (de pratique). Car si elle donne l'illusion de temporiser un peu la partie, elle reste un outil dont il faut aussi savoir se servir vite pour être efficace. Inutile de vous dire que regarder quelqu'un jouer correctement au jeu amène à se poser bon nombre de questions sur ses propres performances.
Mais ce n'est pas fini ! Car si l'ange gardien que vous êtes doit évidemment tout faire pour aider Harold pendant la course, votre travail consiste également à mettre des bâtons dans les roues de ses adversaires humains. Pour ce faire, il ne faudra pas hésiter à interagir avec tous les éléments du parcours pour les ralentir et leur faire perdre une vie, action d'éclat qui vous fera gagner un "wing ring" et vous donnera donc une chance de plus de les rattraper et faire la course en tête. Chaque obstacle peut donc être retourné contre eux, mais puisque le temps joue toujours contre vous, il faut obligatoirement apprendre à agir vite et efficacement, sans perdre de vue votre poulain bien évidemment. L'utilisation de la touche B dont je parlais plus haut s'avère assez redoutable pour ralentir vos opposants, mais attention à bien faire en sorte que tout soit bien à sa place lorsque votre cher Harold fera son apparition. Course oblige, impossible de lui demander d'attendre bien gentiment que tout soit prêt pour son passage, le bougre continue sa course quoi qu'il arrive ! La prise de risque étant récompensée, chaque course possède son raccourci bien caché, un passage secret redoutable d'efficacité à condition de le trouver et de réussir à le passer en bon pénitent que vous êtes (voir vidéo ci-dessous). Chaque niveau a aussi été pensé de manière à proposer plusieurs itinéraires possibles, chacun ayant son lot d'obstacles à gérer et sa difficulté propre - selon vos affinités avec les pièges qui y sont disposés.
Manette en main, Harold est un exercice assez unique en son genre. Je vous l'avoue franchement, j'avais un mal fou à comprendre comment ce lointain cousin de Trials proposant un total de 12 épreuves en apparence très courtes (il est possible de terminer la course de la vidéo de gameplay en 53 secondes) pouvait prétendre à une durée de vie confortable (entre 6 et 10 heures selon que vous vous contentiez ou non de la 3e place qualificative). Sûr de moi, je pensais même qu'en ayant visionné ladite vidéo, la première place ne me résisterait pas longtemps et que mon sympathique hôte en resterait baba, admiratif de l'adresse légendaire made in Gamersyde. Harold ne l'entendait cependant pas de cette oreille, et il m'aura fallu batailler comme un beau diable avant de pouvoir atteindre la troisième place, à plus de vingt secondes du temps du vainqueur... Un nombre de tentatives ratées impressionnant, mais sans jamais que la frustration ou le sentiment d'injustice ne viennent s'immiscer dans la partie. Comme dans le jeu de RedLynx, les échecs ne peuvent jamais être mis sur le compte du jeu, ce qui donne toujours envie de repartir à l'attaque pour s'améliorer et comprendre comment passer au mieux tel ou tel obstacle. Comme dans Trials, la première place ne sera pas à portée de tous.
Un sentiment qui me saute encore plus au visage lorsque je découvre une course inédite dans la jungle. Alors même que je venais de voir l'épreuve dans sa totalité grâce à un Olivier Derivière très habile, impossible d'atteindre ne serait-ce que la moitié de celle-ci en m'y reprenant pourtant une bonne trentaine de fois. Alors certes, cette course n'apparaît qu'assez tardivement dans le jeu, et je n'avais guère eu le temps d'acquérir les bons réflexes nécessaires pour m'y frotter, mais le fait est que l'enchaînement des obstacles était tel qu'il était de toute façon inconcevable de franchir la ligne d'arrivée sans y passer un temps conséquent. J'y aurais d'ailleurs très probablement passé une bonne partie de la nuit si la bienséance ne m'avait pas amené à quitter Olivier Derivière après deux bonnes heures passées avec lui. Le pire dans tout cela ? La frustration ressentie le lendemain matin sachant que je ne pourrais même pas m'y remettre pour laver l'humiliation de la veille. Pas plus que je ne pourrais tenter ma chance sur les deux autres courses entraperçues le temps de quelques secondes et qui s'annonçaient, elles aussi, particulièrement revêches. Impossible, donc, de ne pas tomber sous le charme du bondissant Harold et son gameplay addictif déjà parfaitement calibré. Et dire que le jeu n'était présenté que dans sa version Alpha.
Même si le jeu commence à peine à faire parler de lui, tout le monde aura noté le travail fourni sur les animations des personnages et sur le rendu graphique, subtile mélange de 3D (pour les personnages par exemple) et de 2D (pour les effets spéciaux, entre autres). Le communiqué de presse ne manquait d'ailleurs pas de préciser le prestigieux parcours des animateurs de Moon Spider, en oubliant pourtant au passage de préciser que la talentueuse équipe ne comptait pas plus de 10 personnes. Premier jeu d'une lignée qu'on espère déjà longue, il aura donc fallu faire avec les contraintes d'un budget limité, bien loin de celui d'un Rayman Origins pour ne citer que lui. On a d'ailleurs bien tort de rapprocher les deux titres, en dépit d'une approche visuelle qui peut sembler similaire au premier abord. Sans minimiser le travail fait sur l'excellent jeu d'Ubisoft, les efforts portés sur les animations sont d'un tout autre niveau dans Harold, rappelant immanquablement l'âge d'or des longs métrages Disney en 2D. Les décors ne sont pas en reste, avec un effet de profondeur rendu possible par un nombre de scrollings parallaxe autrement plus conséquent que dans le cultissime Shadow of the Beast sur Amiga. Mais ce qu'il faut avant tout retenir de cette plastique aguicheuse, c'est qu'elle est là pour servir un game design audacieux, en faisant accepter au joueur ses échecs. Une petite animation amusante par-ci, un paysage agréable par-là, et tout n'est plus qu'ordre et beauté, calme, luxe et volupté.
Autre partie intégrante du jeu, de son univers et du game design, la bande son et les incroyables musiques qui accompagnent les différentes courses. Première chose à savoir pour comprendre jusqu'où Olivier Derivière est allé pour que ses compositions se fondent totalement dans le gameplay, la bande originale est totalement interactive. Vous allez me dire que cela n'est en rien nouveau dans notre média favori et vous n'aurez pas tort, du moins en partie. De nos jours, nous nous sommes habitués à ce que la musique évolue en fonction de nos agissements dans les jeux. Aussi, dans un titre qui mêle action et aventure, on ne sera pas étonné d'entendre résonner une composition musicale différente lorsque l'on entre en mode combat, avant que celle-ci ne disparaisse une fois le calme revenu. Dans Harold, tout est tellement bien intégré et lié qu'il est tout bonnement impossible de se rendre compte que la musique n'a pas été écrite de manière quasi figée, sans la moindre variation possible. Pourtant, en prenant les commandes, vous devenez aussi un véritable chef d'orchestre. Par exemple, les premières tentatives sur une course sont généralement assez prudentes, ce qui amène donc un rythme assez lent de percussion dans le niveau de la jungle. Dépassez un concurrent et le chœur de gospel utilisé pour le jeu commence à se faire entendre, la musique gagnant alors en intensité. Prenez vous un mur et tout s'arrête le plus naturellement du monde dans un grand cri de déception avant de reprendre dans le calme.
Mais les choses ne s'arrêtent pas là ! Car plus vous montez dans le classement, plus les chants vous portent vers une potentielle victoire, récompensant vos efforts par des paroles et des encouragements (en anglais) qui ne pourront que vous galvaniser totalement. Il n'est d'ailleurs pas impossible que certains passages de la partition ne soient jamais accessibles aux joueurs les moins déterminés, rendant l'expérience de chacun quasiment unique. Pour vous donner une idée, on ressent la même intensité que dans les passages les plus inspirés de la bande originale du Roi Lion, sans pour autant que les airs y ressemblent particulièrement. On imagine alors sans mal que les meilleurs joueurs pourront entrer dans les mêmes transes que ceux qui découvraient les deux premiers Wipeout à la belle époque de la Playstation première du nom. Dernier point important concernant la bande originale interactive, à chaque fois que vous vous projetez sur le prochain obstacle en laissant Harold poursuivre sa course de son côté, la musique se fera plus étouffée, le personnage faisant en fait office de véritable homme orchestre. Quel intérêt me direz-vous ? Eh bien tout simplement de permettre au joueur de garder une oreille sur la position de son protégé, de façon à anticiper son arrivée à l'écran et être prêt pour lui éviter le pire. Ça n'a l'air de rien dit comme ça, mais je vous assure que l'idée fonctionne à merveille.
Tous les commentaires (20)
Et les petits vont adorer.
notorious : solo uniquement mais avec leaderboards et comparatif des temps avec ta liste d'amis, comme dans le premier Trials finalement. :)
Moi je suis emballé, la marge de progression est assez énorme et promet donc un gros paquet d'heures de jeu.
D'une malgré le démenti se voulant rassurant concernant la jouabilité, ce qui en est raconté m'a l'air tout de même un chouille inutilement tarabiscoté (évidemment faut voir pad en main, ça se trouve je me gourre complètement).
De deux j'ai du mal à discerner les "hitboxes" avec ce genre de jeu aux graphismes tout plats (j'avais la même appréhension sur Rayman Origins et c'est ce qui m'a empêché de le prendre en fin de compte).
Au moins dans les temps anciens, sur cathodique, on arrivait à distinguer le pixel à partir duquel le saut n'était plus possible, tandis que là avec les jeux HD tout lissés ça me parrait un peu plus aléatoire.
Les animations pas assez décomposées - à mon goût - n'aidant pas. Aussi bien sur ce titre que sur Rayman Origins (je ne nie pas les efforts hein, juste que pour moi, c'est insuffisant. J'aimerais une totale fluidité - 60 im/sec et 60 sprites réellement différents par seconde - associée à une meilleure lisibilité).
Ca à l'air drôle et j'adore le style graphique, il devrait trouver son public, mais je ne pense pas en faire partie.
Je l'espère pour eux en tout cas.