Quand on sort la même semaine qu'un Cyberpunk 2077, il ne faut pas craindre de finir noyé sous le flot d'articles consacrés au titre le plus attendu de ces dernières années, même si ce dernier risque apparemment aussi de faire parler de lui pour les mauvaises raisons. Pourtant, Call of the Sea a de réelles qualités à faire valoir, sans compter qu'il touche à un genre nettement différent qui ne vise pas nécessairement le même public. Et puis il y a aussi le fait que le jeu de Raw Fury intègre directement le Game Pass et ne va pas vous demander de vous y consacrer pendant des cinquantaines d'heures, lui. Autant de bonnes raisons de vous y intéresser et de jeter un œil curieux à notre review complète ou de visionner notre Gamersyde Offline dédié.
Note : Une fois de plus, les vidéos PC sont proposées en 5.1 dans leur version téléchargeable.
S'il est bien un mythe qui a régulièrement eu les honneurs d'adaptations vidéo-ludiques, c'est bien celui de Cthulhu. De Alone in the Dark à Eternal Darkness en passant par Bloodborne ou même Amnesia, Lovecraft a souvent servi d'inspiration aux artistes de l'industrie du jeu. On n'oublie évidemment pas l'inquiétant Dark Corners of the Earth, le Call of Cthulhu décevant de Focus, la maîtrise de la scène indépendante avec le maladroitement nommé Conarium ou le perfectible Sinking City. L'approche de Call of the Sea s'avère toutefois un peu différente, moins portée sur l'horreur pure, malgré l'intégration du thème de la folie. Norah Everhart est malade, touchée par un étrange mal qui voit sa peau se recouvrir d'étranges taches noires. Déterminé à trouver un moyen de la guérir, son mari décide de partir pour Tahiti en quête d'un remède, mais après avoir maintenu une correspondance régulière avec sa femme, son silence soudain pousse cette dernière à se lancer à sa recherche. La jeune femme quitte donc le domicile conjugal pour braver les océans et rejoindre l'île où son cher Harry a disparu. Fraîchement débarquée sur le sable fin de cet endroit paradisiaque, elle va rapidement retrouver les traces de l'expédition de son bien-aimé, qui vont la conduire à découvrir les secrets les plus enfouis de ce lieu. À grand renfort de documents, photos et lettres retrouvés dans les différents campements retrouvés, les mésaventures du groupe vont devenir de plus en plus claires. On a beau suivre la quête de Norah avec un certain intérêt, on trouve tout de même ici la partie la plus banale et la moins originale de Call of the Sea, qui n'est pas sans rappeler Conarium à ce niveau. Les écrits laissés par Harry et ses compagnons laissent entrevoir la lente descente aux enfers du groupe, caractéristique de la narration des autres jeux inspirés de Lovecraft. Parfois, les réactions de Norah semblent néanmoins un brin légères par rapport à la gravité de la situation, quand la jeune femme réagit sur un ton amusé à telle ou telle découverte, qui lui rappelle certains traits de caractère de son mari, alors même que plusieurs membres de l'expédition ont déjà trouvé la mort et que le sort de Harry devient de plus en plus incertain. Le jeu d'acteur est solide (Cissy Jones, déjà à l'œuvre dans l'excellent Firewatch) heureusement, et la particularité du personnage (sa maladie) va amener l'histoire et le gameplay vers des terres un peu moins connues dans la dernière partie de l'aventure. Du classique en partie pour l'habitué des univers lovecraftiens, mais une expérience narrative qui n'en reste pas moins agréable à suivre parce qu'elle se refuse finalement à suivre le même mouvement descendant que les écrits de Lovecraft.
Mais plus qu'une simple expérience narrative, Call of the Sea renoue avec l'esprit des jeux d'aventure d'antan, lorsqu'en plein âge d'or, le point and click menait sa barque d'une main ferme en proposant des énigmes à la hauteur de sa réputation. Alors bien sûr, le jeu de Raw Fury ne va pas jusqu'à surfer sur la vague des énigmes tarabiscotées de cette lointaine époque, mais il entend bien rythmer la progression du joueur par une succession de puzzles dont la difficulté va monter crescendo. L'île sur laquelle Norah est arrivée va en effet lui demander d'utiliser ses méninges et son sens de l'observation pour surmonter tous les obstacles qui se dresseront entre elle et l'objet de sa quête personnelle. Cela commence très simplement, avec l'ouverture d'une porte bâtie par les indigènes du coin, qui ne semblent étrangement pas partager la même culture que celle des Polynésiens. Puis il faut réussir à remettre en place un petit pont de bois pour atteindre un village, trouver une manière d'atteindre une zone de fouilles en activant un mécanisme révolutionnaire pour l'époque, utiliser une étrange machine dans le but de retrouver le bon schéma à reproduire dans un lieu tout aussi étrange, etc. Dans chacun des 6 chapitres (plus le prologue) que dure l'aventure, Norah devra s'acquitter d'un certain nombre de tâches pour progresser, rares étant les moments purement consacrés à la narration. En découvrant une nouvelle zone, plus ou moins grande selon le lieu, il faut déjà commencer par l'inspecter dans les moindres détails pour y dénicher tous les indices que la jeune femme inscrira régulièrement dans son (magnifique) carnet/journal. En complément de ces précieuses informations, vous tomberez également sur divers documents vous permettant de suivre les péripéties rencontrées par l'expédition de Harry, chaque camp faisant office de nouvelle étape. L'importance du journal n'est donc pas à négliger tant il vous aidera souvent à comprendre que vous possédez bien toutes les pièces du puzzle permettant de résoudre l'énigme principale en cours.
Là où les choses se compliquent un peu parfois, c'est que certains mécanismes peuvent être manipulés immédiatement, sans être obligé de trouver des informations supplémentaires au préalable, et que ce n'est pas toujours très clair à comprendre. Par exemple, au cours du troisième chapitre, on tombe sur un appareil dans lequel lévitent 3 pierres. Il est possible d'interagir avec 3 boutons qui permettent de faire varier des fréquences et de déplacer ces fameuses pierres. Si l'on peut au départ imaginer qu'il est préférable de trouver un document indiquant la bonne façon de placer les 3 cailloux, il n'en est rien. Cette énigme intermédiaire permet d'avancer dans la résolution de l'énigme principale de la zone, il est donc primordial de ne pas la laisser de côté en attendant un hypothétique complément d'information. Le simple ajout d'un commentaire du personnage annonçant qu'elle était tout à fait capable de résoudre cette énigme nous aurait sans doute évité de perdre un peu de temps. C'est pour cette raison que le carnet tient un rôle si primordial, car on devine assez facilement qu'il nous manque un ou plusieurs éléments avant de pouvoir nous attaquer à un puzzle. Le niveau de difficulté des énigmes est assez variable, et aucune n'est véritablement insurmontable (certains trouveront même que l'on est parfois un peu trop guidé), mais trouver la solution procure toujours énormément de satisfaction. Il faut aussi souligner la variété bienvenue des différents puzzles, qui s'appuient rarement sur le même schéma, même s'il faudra souvent observer des pictogrammes et interagir avec des interrupteurs ou des mécanismes. On bute parfois sur une énigme, soit parce que l'on n'a pas été assez attentif, soit parce que l'on s'escrime à vouloir chercher une solution compliquée là où il n'y en a pas, mais on finit toujours pas s'en sortir, quitte à revenir un peu plus tard la tête bien reposée, comme au bon vieux temps des jeux d'aventure des années 80/90. Au final, on progresse donc en n'ayant jamais l'impression de faire exactement la même chose deux fois et c'est évidemment l'un des points forts du titre, d'autant que les environnements aussi se renouvellent bien, proposant des ambiances très réussies à chaque fois.
Il faut dire que l'approche visuelle plutôt stylisée de Call of the Sea rend la découverte des différents lieux souvent mémorable. On pense par exemple à l'impressionnante vue du bateau cargo échoué sur la plage, éventré par on ne sait quelle créature gigantesque, alors même que la tempête fait rage, que le vent souffle sans discontinuer et que les éclairs habillent le ciel d'une lumière aussi menaçante qu'inquiétante. Techniquement, on est certes loin de la prouesse d'un Sea of Thieves ou d'autres jeux avec une approche artistique similaire, mais le fait est que le rendu fonctionne parfaitement. Certains passages souffrent sans doute un peu d'une modélisation un peu plus datée qui renvoie à l'Unreal Engine 3 et son utilisation dans les deux premiers épisodes de la série BioShock, mais très honnêtement, la cohérence globale l'emporte sur le reste. Les efforts sur la spatialisation des bruitages sont également notables et ajoutent beaucoup à l'immersion dans les environnements traversés. Qu'il s'agisse de la poulie agitée par le vent que l'on va entendre dans son dos, des rafales qui nous enveloppent dans leur étreinte glaciale ou du simple écoulement d'eau d'une cascade, on se repère dans l'espace très facilement à l'oreille. La bande originale, qui sait se faire discrète quand il le faut, a aussi fait l'objet du plus grand soin, avec des sonorités bien plus optimistes et grandioses que dans la plupart des jeux aux inspirations lovecraftiennes. On accueille donc toujours ses interventions avec un certain plaisir, qui se voit souvent décuplé par l'avalanche d'émotions qui ne manquent pas de déferler avec elle. Enfin, comme nous l'évoquions plus haut, le doublage est au diapason, avec une Cissy Jones et un Yuri Lowenthal en parfaite maîtrise de leur art. L'absence de réelles interactions entre leurs deux personnages manque obligatoirement un peu quand on sait à quel point elles étaient la force d'un titre comme Firewatch, mais la performance des 2 acteurs est excellente, au point qu'à aucun moment on ne pense à Delilah ou à Peter Parker. On peine d'ailleurs tellement à reconnaître le timbre que Yuri Lowenthal utilise dans la jeu de Sony qu'il en devient presque difficile de croire qu'il s'agit bien du même acteur. En revanche, nous avons été un peu surpris de voir que la version Xbox Series X pouvait parfois être un peu à la peine du côté du framerate, qui vise bien le 60 fps sans parvenir à le maintenir en toutes circonstances. On le remarque assez tôt dans l'aventure, dès l'arrivée sur la plage à l'entrée de la jungle, et même si ce n'est pas forcément si gênant dans un jeu de ce genre, c'est néanmoins regrettable. Notez que les possesseurs d'un écran compatible VRR ressentiront moins le phénomène, bien que cela ne concerne qu'une petite partie des joueurs. Précisons que la zone où se déroule le second chapitre paraît nettement moins sujette à ces petits ralentissements, ce qui nous laisse penser que les baisses que nous avons constatées seront peut-être moins fréquentes dans la suite de l'aventure (nous n'avons pas eu le temps de la terminer une seconde fois sur la console de Microsoft).
Tous les commentaires (9)
Étonnant, et regrettable, pour le framerate sur SX. Peut-être à affiner avec quelques patchs.
Ca me parle.. C'est un truc dont j'ai horreur dans les puzzle games ou jeux d'enigmes, c'est de tomber sur des énigmes trop simplistes mais bien mises en scène..