Parce qu'il est des genres dont on parle peu, parce qu'il est des jeux qui n'ont pas le budget marketing des grosses machines commerciales, parce que la scène indépendante est riche en bonnes surprises, nous avons décidé de vous parler de Cognition: An Erica Reed Thriller. Ce point and click dont le premier épisode vient de sortir (trois autres sont à venir) pourrait en effet retenir votre attention grâce à une ambiance pour le moins réussie. À la manière de Telltale et de leur Walking Dead, les développeurs de Phoenix Online Studios nous proposent de découvrir les aventures d'une jeune agent du FBI sous un format épisodique qui n'est pas sans rappeler celui des séries télévisées. Pour tout savoir sur la première partie d'une histoire qui s'annonce sans compromis, vous savez ce qu'il vous reste à faire.
Quels sont les points communs entre Cognition et le dernier jeu en date de Jane Jensen, celle à qui l'on doit aussi l'emblématique série des Gabriel Knight ? Eh bien, pour commencer, la scénariste a accepté de faire office de consultante pour Cognition, de manière à aider les développeurs de Phoenix Online Studios à s'assurer de la tenue de l'histoire de leur jeu. Après tout, quand on se lance dans un jeu d’aventure à l'ancienne, quel meilleur soutien que l'une des plus belles plumes du genre ? Si les tenants et les aboutissants de ce nouveau titre ne sont pas le fruit de l'imagination fertile de Jensen, on peut cependant y voir là un gage de qualité indéniable et la promesse d'un scénario brillant. En effet, le fameux Gray Matter, qui nous avait particulièrement plu à l'époque de sa sortie, jouissait déjà d'une écriture excellente, mais aussi d'une ambiance particulièrement prenante. Autre similitude avec le jeu développé par dtp entertainment, Raleigh Holmes, un nom qui ne vous dira pas grand chose à première vue, et pourtant.
C'est en effet à cette jeune femme et son groupe (The Scarlet Furies) que l'on doit la bande originale de Gray Matter. Et si on la retrouve une nouvelle fois associée au nom de Jane Jensen, ce n'est pas non plus un hasard, vous vous en doutez. Fille de Robert Holmes (musicien responsable de la B.O de la série Gabriel Knight), lui-même marié à Jane Jensen, on peut dire que le point and click et la musique sont décidément une histoire de famille. Mais si cette musicienne de talent a bien accepté de donner de la voix dans la chanson thème de Cognition (intitulée The Taking), c'est à la comédienne que l'équipe de Phoenix Online Studios a décidé de s'adresser pour donner vie à son personnage principal : Erica Reed. Une double étiquette qui aurait sans doute pu faire craindre le pire, mais force est de reconnaître que Raleigh Holmes fournit une très bonne performance, allant même jusqu'à supplanter certains des autres acteurs/actrices donnant vie à l'univers de Cognition. Le ton, toujours juste, compense d'ailleurs plutôt bien l'aspect trop figé des expressions faciales (mais nous y reviendrons).
Pas une seule ride
Quand on sort du mode campagne de Halo 4, qu'on s'est récemment essayé à des jeux aussi nerveux que Need for Speed ou Medal of Honor, il y a quelque chose d'apaisant et de reposant à se retrouver en présence d'un "bon vieux" point and click. Loin des rythmes endiablés de la plupart des jeux actuels, Cognition nous plonge dans une atmosphère beaucoup plus lente et feutrée. Pourtant, les événements qui accueillent le joueur ne laissent que peu de place aux tergiversations. Scott, le frère d'Erica, vient d'être enlevé par un tueur en série impitoyable répondant au nom de Cain Killer. À peine entré dans le jeu que l'aventure est déjà commencée. On découvre donc les deux personnages principaux (Erica et son coéquipier John) in medias res, lancés qu'ils sont dans une situation d'urgence qui s'annonce mal, ce que souligne d'ailleurs assez bien la musique qui accompagne ce prologue. Cette mise en bouche fait évidemment office de petit tutoriel, avec la mise en avant de certaines fonctionnalités, comme par exemple la possibilité de faire appel au père de l'héroïne pour obtenir des indices, grâce à son téléphone portable et la magie des SMS. Plus intéressant encore, et très en accord avec le mélange entre fantastique et thriller qui sied si bien à Jane Jensen, Erica possède un don bien particulier, celui de revivre le passé sous la forme de visions.
Ce pouvoir cognitif bien pratique permet donc de retracer les événements qui entourent un crime afin de découvrir d'importants indices. D'aucuns diront qu'il ne s'agit là que d'une manière déguisée de prendre le joueur par la main, mais pour ceux qui ne prennent pas un malin plaisir à toujours voir le verre à moitié vide, c'est une fonctionnalité (évolutive) plutôt bien pensée qui sera même mise à profit dans certains puzzles très réussis. En outre, on découvrira qu'en utilisant sa capacité médiumnique, la jeune Erica sera régulièrement assaillie par des visions macabres qui semblent être liées avec son avenir. Une bonne partie du scénario et des mécaniques de jeu tournent donc évidemment autour de ce don très particulier, Erica tentant à la fois de comprendre ce qui lui arrive et de maîtriser cet étrange pouvoir. En tant qu'agent du FBI, Erica se trouve rapidement mêlée à une enquête qui la met aux prises avec un tueur machiavélique. Tout commence avec la "simple" découverte d'un pendu dont les empreintes digitales ont été "effacées". Le gameplay typique du point and click donne lieu à des phases de recherche d'indices et des discussions avec les nombreux personnages croisés, comme Terrence, le geek de la police scientifique, ou encore Gallagher, la médecin légiste de l'équipe. Chose intéressante, selon les choix et/ou les erreurs d'Erica, les événements ne se dérouleront pas forcément de la même manière, les relations avec les autres évolueront, ce qui influera sur la suite de l'histoire dans les épisodes à venir.
Plus encore que dans Gray Matter, l'intégration des énigmes se fait dans une vraie logique de besoins par rapport aux situations rencontrées (même si leur mise en place n'est pas toujours des plus crédibles). Il n'est donc jamais question d'utiliser un oiseau mort avec un percolateur pour obtenir le stylo plume qui permet d'ouvrir la porte d'un coffre fort en caféine. Et quand bien même vous arriveriez à rester coincé malgré tout, le père d'Erica ne sera jamais bien loin pour vous remettre sur la bonne piste, et ce quelle que soit l'heure du jour ou de la nuit. Ne dit-on pas après tout que la bonne heure, c'est simple comme un coup de fil ? Le challenge étant suffisamment abordable pour ne jamais devenir frustrant, mais aussi assez stimulant pour rendre le jeu intéressant. Bonne idée, le téléphone portable de l'héroïne lui sert également de carnet de notes, mais là où celles-ci se font automatiquement dans les autres jeux du genre, ici c'est au joueur de répertorier les infos intéressantes pour pouvoir y accéder à tout moment. Il est aussi possible d'afficher tous les éléments interactifs du décor de manière à ne pas manquer un objet important, ce qui évite donc de tomber dans les travers d'un genre où la chasse au pixel pouvait devenir particulièrement frustrante. Si la navigation et la gestion du menu reste somme toute classique, elles restent très fonctionnelles à la souris et prouvent que le genre a encore tout à fait sa place auprès des autres.
Princesse Erica : jamais trop de blabla
Comme nous le disions dans la première partie de notre article, Cognition s'appuie sur un casting vocal de qualité qui soutient une écriture de grande qualité. Même si certains second-rôles se montrent parfois moins convaincants que le personnage principal, l'immersion n'en pâtit jamais et le joueur déguste donc avec plaisir les nombreux dialogues qui ponctuent l'avancée dans l'enquête. La noirceur du scénario est légèrement contrebalancée par la présence d'un comic relief plutôt efficace (ce que l'on appelle chez nous l'indispensable touche d'humour), grâce à certains intervenants. Il ne faut évidemment pas s'attendre à retrouver la loufoquerie d'un Monkey Island, le sujet traité ici ne s'y prêtant absolument pas vous vous en doutez. Raleigh Holmes parvient donc à rendre le personnage d'Erica Reed très attachant, ce qui donne assez logiquement envie de poursuivre l'aventure à ses côtés pour découvrir le fin mot de l'histoire. Phoenix Online Studios ayant pris le parti de mélanger 2D (pour les arrière-plans) et 3D (pour les personnages et certains éléments du décor), le jeu se pare cependant à quelques maladresses. Le choix du cel shading a beau avoir été judicieux, le manque d'expressivité des visages déçoit un peu dans un titre où les échanges entre personnages sont si nombreux. Imaginez ce à quoi Cognition aurait pu ressembler avec un budget conséquent et l'utilisation de la performance capture par exemple. L'utilisation de cut-scenes en 2D façon planches de BD est par contre une excellente idée, comme en attestent nos vidéos.
Pour autant, le jeu affiche des décors à la direction artistique maîtrisée, avec un rendu très proche des artworks, entre œuvre peinte et dessin à la main. Comme c'est malheureusement souvent le cas dans le genre, les environnements demeurent cependant trop statiques, la faute à la quasi absence d'animation du décor. Cela n'enlève rien à la beauté des différents tableaux et à l'atmosphère qu'ils dégagent, mais nous aurions vraiment aimé y voir plus de vie. D'un autre côté, cela rend aussi le titre de Phoenix Online Studios plus abordable techniquement, Cognition ne demandant pas de posséder un PC de combat pour y jouer. Autre bénéfice du parti pris graphique, l'immobilisme des décors véhicule une atmosphère bien particulière, celle-ci étant de plus soutenue par une bande originale superbe que l'on doit à Austin Haynes, déjà à l’œuvre dans The Silver Lining (le premier projet gratuit du studio - hommage à la saga King's Quest). Aussi, on passe outre l'intégration parfois maladroite de la 3D dans les décors 2D, les bugs de collisions que l'on peut apercevoir de temps à autre, et les animations un peu raides en général. Pas forcément trop gênants, mais surprenants tout de même, les chargements se font assez présents, même lorsqu'on lance une action, obligeant à attendre patiemment qu'elle se déclenche. On regrette aussi que le curseur devienne circulaire à chaque chargement (ce qui inclut les cut-scenes). Non seulement c'est assez disgracieux, mais pour le coup on se croirait sur le bureau Windows, sous Seven.
Verdict
Tous les commentaires (11)
Par contre si je le chope, faudra quand même que j'essaie de finir Gray Matter avant :D
(Tiens c'est vrai que j'ai Red Johnson sur le feu)