Après deux épisodes qui doivent leur succès à une recette efficace, Dead Island revient dans un spin-off au concept aguicheur allant puiser ses sources d’inspirations parfois où l'on ne l'attend pas. Les Suédois de Fatshark tentent d’apporter un peu de changement à la série au risque de décevoir les puristes. Alors, Escape Dead Island fait-il honneur à ses aînés ou tombe t-il dans le piège des surexploitations de licences ? C’est ce que nous allons voir tout de suite.
L'introduction prend place deux jours avant les événements de Banoi et nous met aux commandes d’un mercenaire, commando ninja, agent secret de la mort surentraîné, envoyé dans un centre de recherche étudiant la régénération afin d’enquêter sur un événement lié à l’apparition de mort-vivants. Bref, on fait d’une pierre deux coups dans ce préliminaire avec l’apprentissage des commandes et un succinct placement scénaristique présentant l’origine du virus. Une fois ce tutoriel achevé, nous faisons un bond de six mois en avant pour retrouver un trio de jeunes "hipsters" décontractés navigant à bord d’un luxueux voilier. Un fringuant équipage qui semble, pour une raison encore indéterminée, vouloir jouer les héros malgré un contexte des plus alarmants.
Cela tombe bien puisque Cliff Calo, le héros que l’on incarnera pour le reste de l’aventure, est l’un d’eux. Après une brève visite de la cabine et quelques dialogues échangés confirmant l’étonnante sérénité qui règne au sein du groupe, la situation va vite dégénérer dès leur débarquement, tel un bon vieux nanar d’horreur de série Z. La base du scénario n’a rien de franchement excitant, cependant, celui-ci s’offre un brin de folie avec un héros qui perd peu à peu les pédales, ce qui amène inévitablement quelques situations cocasses sur lesquelles nous reviendrons un peu plus tard. Détail non négligeable, la participation de Xian Mei, la lady aux katanas du premier opus, qui va vous prêter main forte pendant une partie de l’aventure en dépit de son statut de guest n’apportant rien en sus.
Soyons clairs, Escape Dead Island n’a plus grand-chose à voir avec les deux volets précédents. Exit, le monde ouvert, le choix du personnage, l’XP et ses points de compétences, le crafting d’armes loufoques, le loot, les quêtes annexes, les véhicules, la coop... reste un simpliste beat‘em all/TPS tinté d’infiltration où tout n’est pas à jeter, mais qui reste particulièrement linéaire et redondant dans ses objectifs. Pour le genre, la jouabilité est pataude et les combats au corps à corps paraissent mous, ce qui n’empêche pas au démembrement de procurer son petit effet de satisfaction - tout comme la poignée d’exécutions qui rendent Cliff drôlement expressif, le poussant parfois à crier "YOLO !". Si les phases de tir sont convenables, elles restent une option à privilégier dans des cas plus délicats, comme lorsqu'un Spitter vous canarde d’un emplacement surélevé. La meilleure idée vient sans doute de l’introduction d’un soupçon d’infiltration. Il est en effet permis de s’accroupir et d’exécuter les ennemis à revers d’une simple touche. Efficace, mais n’allez pas imaginer que le jeu prend des airs de Sam Fisher à Zombieland. On se contente de ce qui a récemment était fait sur The Evil Within, sauf que l’ensemble se voit diminué à cause d’ennemis offrant leur dos la majeure partie du temps, affligés qu'ils sont d’une IA digne d’un zombie écervelé. Oh, wait… Elle a cependant le mérite de varier les plaisirs en s’opposant à l’approche bourrine uniquement envisageable après avoir ramassé la première arme. Une esquive est aussi de la partie, mais sa rigidité et son temps de réponse la rendent souvent frustrante, on est à mille lieues d’un Ninja Gaiden ou d’un Bayonetta.
Pour le reste, on ne fait pas plus dans la subtilité, il faut soit matraquer les deux touches d’attaque pour l’arme blanche, soit dégainer son arme à feu et chercher le "headshot" ou les quelques barils explosifs disséminés çà et là. La gâchette haute gauche prodigue le lock de l’ennemi le plus proche, ce qui peut éventuellement concéder de tourner autour à condition que l‘endroit ne soit pas trop étriqué. Une touche affiche un marqueur afin d’éviter aux plus étourdis de se perdre, sachant qu’il n’y a pas de quêtes annexes et donc, jamais d’objectifs qui se chevauchent. Cliff peut également courir, mais cela consume rapidement sa barre d’endurance qui lui est indispensable pour frapper promptement ; il faudra donc régulièrement y prêter attention afin de ne pas se retrouver dans une situation délicate avec un héros essoufflé. A cela, quelques techniques viennent s’ajouter, comme le repoussoir ou le coup sprinté, mais leur intérêt reste discutable. Notre lascar peut transporter jusqu'à cinq armes, deux au corps à corps, deux à feu et une pour les assassinats furtifs, mais comme dit plus haut, n’espérez pas crafter quoique que ce soit. Il faudra en effet se contenter de ramasser du meilleur matos au gré du temps, comme la hache qui vient remplacer la matraque de fortune du début. Parmi les aspects sympathiques, Cliff dispose d’un appareil photo un peu à la manière de Dead Rising, ce qui lui permet de photographier différents éléments, personnages et types d’ennemis afin de les répertorier dans une base de données. Une fois l’appareil dégainé, ils sont mis en surbrillance rouge s'ils ne sont pas à portée, et verte s'ils peuvent être capturés ; cette surbrillance disparaît une fois la photo validée. Le souci, c'est que lorsque l’on revient dans une zone déjà visitée, elles réapparaissent et il devient alors impossible de distinguer un éventuel nouvel élément auparavant manqué ; il faut alors tout se refarcir dans le cas où l’on souhaite s’assurer le 100%...
Vous ne pouvez pas traverser une habitation dans le noir total ? Trouvez la torche. Des gaz vous empêchent de franchir un tunnel ? Procurez-vous le masque. Une paroi abrupte freine votre progression ? Confectionnez-vous le grappin… Si cette mécanique semble tout droit sortie d’un bon vieux Metroidvania, la comparaison s’arrête malheureusement là. Manette en main, difficile de s’enthousiasmer plus tant l’architecture des zones est peu inspirée et tant il est déplaisant d’arpenter cette carte trop cloisonnée, restreignant grandement l’exploration en plus d'être laborieuse à retraverser. En effet, les allers-retours qu’oblige le déroulement sont déjà fort pénibles, mais pour le pauvre joueur atteint de collectionnite, ils deviennent tout bonnement indigestes. Un système de voyage rapide aurait été fort appréciable, mais il faut se contenter d’une télécabine qui ne peut, a priori, nous faire naviguer qu’entre deux zones déterminées des douze présentes sur l’île. Autre possibilité, emprunter les rares raccourcis dégagés au fil du temps mais qui ne rendent pas la progression moins contraignante pour autant. Les objectifs sont pauvres et répétitifs (trouver un badge pour ouvrir une porte, activer un ordinateur ou franchir une zone spécifique), aussi n'aident-ils pas vraiment à dissimuler le flagrant manque de fun du titre.
Autre divergence de taille, la sensation quasi inexistante de montée en puissance. Certes, le couteau achève plus rapidement que le tournevis. Oui, le silencieux est en théorie un atout non négligeable au pistolet, tout comme le fusil à pompe semi automatique offre un atout supplémentaire, avec une cadence de tir légèrement plus soutenue que celui de base. Mais dans les faits, on ne se sent pas franchement plus puissant qu’avec l’équipement standard. Pire, le katana qui se débloque en milieu de partie s’avère passablement inutile à ce stade, tout comme les étonnantes trousses de secours qui indiquent des "+1" voire "+3 santé Max" et dont l’utilité est loin d’être évidente, puisqu’il n’y a aucune jauge de vie et que cette dernière se régénère d’elle même après quelques secondes passées au calme. Il se pourrait qu’elles octroient l’opportunité d’encaisser plus de dégâts mais cela nous est difficile à confirmer malgré divers essais. Quoi qu'il en soit, ces derniers points laissent l’impression d’un changement de game design de dernière minute tant ils sont mal intégrés au reste. Les menus sont quant à eux quasi inexistants, puisqu'il faut se contenter d'une basique carte de l’île en noir et blanc pas interactive pour un sou et la simple possibilité de revoir le dernier collectible trouvé (les autres n’étant visibles que dans la galerie au menu de l’écran titre). Rien de plus à l'horizon, au point que l'on regrette qu’il ne soit même pas possible de consulter la moindre statistique.
Niveau présentation, on reste dans l’ambiance de la série, la plus grande réussite du jeu venant de ses cut-sceness façon bande dessinée en relief du plus bel effet. Bien qu’elles soient courtes, elles reviennent régulièrement et les saccades qui les accompagnent ne suffisent pas à entacher l’ensemble. L’aspect cel-shadé est une bonne idée en soi, mais il se voit abaissé par une réalisation globale cheap avec des contours grossiers et aliasés, un clipping parfois surprenant, des textures fades et un brouillard violent dès que la vue est un tantinet dégagée. Fort heureusement, l’absence de tearing et un framerate relativement stable en jeu rendent le tout acceptable pour de la console old gen. Le moteur physique est en revanche complètement à côté de la plaque, entre les déplacements lourdingues, les nombreux soucis de collisions et divers bugs (comme les ennemis qui vous touchent à travers les murs ou Cliff qui reste bloqué en position accroupie) ; c'est bien simple, on se croirait parfois revenu sur un mauvais jeu Dreamcast… Néanmoins, au mépris d’un scénario hautement sous-exploité, quelques retournements viennent enrichir l’expérience avec des passages où notre héros est soudainement victime d’hallucinations virulentes. Cela amène quelques scènes dynamisant la morosité globale du titre, que ce soit purement visuel ou directement lié au gameplay. Il peut par exemple se mettre brusquement à pleuvoir de gros containers, tout comme on peut parfois se retrouver à marcher au plafond, les commandes se voyant alors totalement inversées.
Côté ennemis, outre le zombie de base qui représente plus un punching ball qu’une réelle menace, les infectés spéciaux sont toujours d’actualité. Parmi les plus répandus, on retrouve l’agile Bondisseur qui se jette sur vous à distance, l’assourdissant Hurleur et ses cris paralysants, l’agressif Boucher et sa garde impénétrable, ou encore, le répugnant Spitter avec ses crachats toxiques. Leur importance est capitale car ils sont les rares adversaires à venir pimenter un chouïa des combats autrement assez insipides. La difficulté est ainsi particulièrement mal dosée, avec une aventure qui manque cruellement de challenge, excepté pour le tout dernier chapitre des plus frustrants - la jouabilité n’étant pas pensée pour affronter simultanément des groupes d’ennemis en arène, surtout quand ceux-ci sont composés de quatre ou cinq infectés spéciaux, on vous laisse imaginer le tableau. Il faut par ailleurs se méfier avant d’attaquer la dernière partie du jeu, il n’y a pas de marche arrière possible et la séquence de fin nous amène directement dans une nouvelle partie sans qu'il soit possible de recharger sa sauvegarde. Passablement irritant s'il ne vous manquait qu’une poignée de collectibles, mais qu’à cela ne tienne, puisqu'ils sont conservés dans un pseudo New Game + apportant quelques maigres nouveautés - dont le fameux katana récupérable dès le départ cette fois, et qui abrège sérieusement les premières phases d’infiltrations autrement obligatoires. En revanche, les divers bunkers rencontrés et nécessitant des badges restent invariablement inaccessibles et présagent donc d'un futur DLC...
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