Jeu service ou pas, Marvel's Avengers dispose d'une aventure solo - dont certaines missions peuvent se partager à plusieurs - que nous avons traversée sans grande passion, mais sans déplaisir non plus. Même s'il ne s'agit pas là du cœur du jeu pour l'éditeur et les développeurs, nous avons néanmoins décidé de vous dire ce que l'on en pense, alors même que de nombreuses voix s'élèvent déjà pour dénoncer l'intérêt relatif du mode multijoueur sur le moyen/long terme.
Un jeu centré sur les Avengers, voilà qui avait de quoi mettre l'eau à la bouche, surtout avec un studio aussi compétent que Crystal Dynamics aux commandes. Mais il a fallu que le succès de Destiny et autres The Division donne des idées à Square-Enix, voyant dans la licence un terrain fertile pour développer un jeu service où les joueurs seraient prêts à passer des heures à rejouer des mêmes types de séquences pour dénicher toujours plus de loot avec leurs amis. Bon, pourquoi pas après tout, même si l'idée de loot dans un tel univers peut sembler incongrue, surtout quand on se retrouve à ouvrir des coffres avec Hulk pour lui trouver de nouvelles pièces d'équipement... Mais nous reviendrons sur la place du loot dans la campagne et sa légitimité un peu plus tard, car après tout, cet élément doit surtout sa présence à l'aspect multijoueur, censé accrocher les fans et les motiver à y revenir encore et encore. Si les autres titres du genre ont toujours permis à tout un chacun de traverser une campagne principale en solo, Marvel's Avengers affiche des ambitions narratives un peu plus affirmées. Une sympathique introduction nous montre la véritable héroïne du jeu, Kamala Khan, alors qu'elle n'est encore qu'une enfant fan de cette dream team de super-héros. Toute la mise en place de l'aventure est d'ailleurs plutôt réussie dans son genre, avec des niveaux certes très linéaires, et quelques passages d'infiltration oubliables, mais le fait est que tout est nettement plus engageant que ce que la bêta laissait penser. Conséquence logique, on se prend rapidement au jeu, Kamala profitant non seulement de pouvoirs très agréables à utiliser (aussi bien pour les déplacements que pour les combats), mais aussi d'une personnalité attachante (hors combat) qui donne envie de la suivre dans ses pérégrinations. Il n'y a évidemment pas de quoi crier au génie, surtout au vu de la concurrence, mais on se prend alors à espérer une aventure solo divertissante bourrée à craquer de moments mémorables et over-the-top.
Seulement voilà, si la campagne est nettement moins mauvaise que ce que l'on pouvait croire, elle n'est malheureusement pas à la hauteur des légendes que l'on côtoie et que l'on dirige. Pour commencer, il y a ce level design insipide de toutes les zones (pseudo) ouvertes, comme la Toundra enneigée, la forêt ou les zones désertiques de l'Utah. À aucun moment on n'a l'impression d'évoluer dans un lieu réel, chaque élément semblant avoir été placé à la va-vite pour permettre aux personnages d'accéder aux coffres et autres ressources disponibles. Dans ces niveaux plus vastes, on se contente de suivre le marqueur d'objectif tout en s'écartant parfois rapidement de l'itinéraire conseillé pour aller jeter un œil à un point d'intérêt repéré par Jarvis (une personne à sauver, un ennemi plus costaud à détruire pour récupérer du loot, un coffre à ouvrir pour plus de loot, un puzzle à base d'interrupteurs à actionner). On finit généralement par entrer dans un laboratoire du AIM (les méchants de l'histoire) ou du SHIELD (ça ne change pas grand chose) pour y suivre un chemin encore plus balisé jusqu'à la fin de la mission. Comme si cela ne suffisait pas, au lieu de proposer la diversité habituelle d'une bonne partie des aventures en solo, on nous demande de revenir systématiquement dans les mêmes environnements pour y faire toujours la même chose. Alors oui, il ne s'agit pas à chaque fois de la même zone de l'Utah que l'on vous demande de visiter, mais à part un agencement un peu différent des lieux, on ne note aucun changement réel de paysages. Les décors ne dégageant pas ou peu de personnalité (les mauvaises langues diront qu'ils partagent cela avec le casting de héros, Kamala mise à part), on repassera pour le plaisir de la découverte. Malgré tout, il faut au moins reconnaître que le solo fait plus d'efforts à ce niveau que les cartes proposées en multijoueur, qui ont tendance à revenir en boucle encore plus. Reste qu'il est difficile de ne pas être déçu par la structure de la campagne solo qui nous lance sur les traces des Vengeurs.
Entre chaque mission, on revient quasi systématiquement à la base (il en existe plusieurs mais on y trouve peu ou prou les mêmes choses) pour faire le tour des vendeurs disponibles ou accepter des missions de faction très basiques (tuer un certain nombre d'ennemis, récolter telle ou telle ressource en telle ou telle quantité, etc.). C'est également là que l'on pourra accéder à la table de guerre (war table) qui sert d'écran de sélection pour les missions disponibles. À chaque retour au bercail, on se rend rapidement compte que l'on n'a pas forcément les moyens de faire de gros achats pour améliorer son équipement, et encore moins pour investir dans de nouvelles apparences pour ses héros. On se console (ou pas) en achetant une plaque de personnage (qui ne sert à rien bien sûr) ou une ou deux babioles pour améliorer son niveau de puissance. Square-Enix ayant pensé à tout, il est possible d'acheter des crédits de jeu avec de l'argent réel, pour débloquer ces précieux sésames plus prestement, et comme il n'y a pas de petits profits, les développeurs n'ont pas lésiné sur les prix. Ainsi, une plaque de personnage vous coûtera environ 2€ tandis que le prix d'un nouveau costume pourra a priori varier entre 10 et 15€. Bah tiens ! Il est théoriquement possible de débloquer du contenu cosmétique gratuitement via la carte de défis de chaque personnage, mais cela nous semble très long et laborieux. Heureusement, l'amélioration des skills des personnages est elle gratuite, puisqu'elle demande d'utiliser les points de compétence que l'on gagne régulièrement au cours de l'aventure. Chaque personnage dispose de 3 arbres, le principal (découpé en 4 parties) permettant de débloquer de nouvelles capacités offensives ou défensives, ou de bonus actifs ou passifs. Cet aspect du jeu est d'ailleurs plutôt bien pensé, et on sent que les développeurs ont passé un temps conséquent pour que chacun des héros dispose d'attaques et d'un feeling qui leur sont propres. Le système de combat et la diversité bienvenue des personnages jouables sauvent très clairement le jeu du naufrage, même si tout n'est pas non plus parfait de ce côté.
Marvel's Avengers s'appuie sur des mécaniques assez classiques du beat'em up avec des coups faibles et des coups forts et l'implémentation de combos simples à effectuer, soit via un enchaînement de touches à marteler ou à maintenir. Une esquive est disponible, mais elle demeure bien trop courte à notre goût tant la zone d'effet de certaines attaques ennemies est grande. En la plaçant au bon moment, il est possible de gagner un léger avantage sur son adversaire en déclenchant un ralenti permettant de lancer une attaque. Pour que le joueur sache quand il peut tenter d'éviter un coup ou de le contrer, Crystal Dynamics a ajouté des cercles colorés autour des ennemis en fonction de ce qu'il est préférable de faire. Avec Black Widow par exemple, un cercle jaune lui donnera l'occasion d'utiliser son grappin pour fondre sur son assaillant, mais s'il devient rouge, il est trop tard et il faut alors tenter une esquive. Reste que dans le feu de l'action, avec la surabondance d'effets de particules et d'explosion, il devient de plus en plus difficile de lire ce qui se passe. En résulte une impression de combats très brouillons qui, bien que souvent jouissifs, manquent cruellement de précision et de subtilité. On s'étonne aussi parfois de la puissance toute relative des héros, qui ne font pourtant face qu'à des humains en tenue de combat ou des robots, pas toujours très costauds en apparence. Un personnage comme Hulk ne devrait par exemple pas avoir besoin de s'acharner sur un garde en combinaison avant de pouvoir s'en débarrasser, d'autant que le géant dégage une force assez impressionnante à l'écran. Alors bien sûr, vous allez nous dire qu'il s'agit d'équilibrer le jeu, mais comme avec l'incorporation du loot, l'univers en prend un coup et l'immersion également. Ce qui fonctionne très bien revanche, c'est la différence de sensations que procure chacun des héros, qui ne se jouent pas de la même manière et qui ont droit à des mouvements et des animations (excellentes et variées) spécifiques. Il n'est pas toujours simple de proposer un feeling convaincant quand on propose un seul personnage jouable, alors quand on en a 6 et que l'on s'en sort aussi bien, on n'est pas loin de l'exploit. Les héros de Marvel's Avengers disposent aussi de 3 capacités spéciales disposant toutes d'un cooldown (un brin long), dont une dévastatrice qu'il vaut mieux garder pour les plus gros ennemis. Bonne nouvelle, ces coups spéciaux (de soutien ou d'assaut) sont en total accord avec les personnages et les déchaîner sur des hordes d'adversaires fait toujours son petit effet.
Et les ennemis, parlons-en ! Là où les Batman Arkham ou le Spider-Man d'Insomniac avaient parfois tendance à tomber dans la compilation best-of pour caresser le fan dans le sens du poil, le jeu de Crystal Dynamics a décidé de faire dans l'économie. S'agit-il d'une manière d'étaler le contenu sur la durée, de réserver l'apparition de nouveaux super-vilains pour accompagner celle des futurs Avengers ? C'est bien possible, mais si l'on juge la campagne principale de Marvel's Avengers pour ce qu'elle vaut à sa sortie, il y a de quoi faire la moue. Si vous avez joué à la bêta du jeu, vous avez déjà affronté deux des grands méchants guest stars du jeu. Pire, et tant pis pour le spoil, vous ne les recroiserez pas du reste de l'aventure. Il ne vous reste donc à découvrir qu'un seul boss Marvel, dans un combat bien rythmé, mais aussi peu subtil que les autres. On regrette juste amèrement que la toute dernière phase ne soit pas jouable et qu'elle tombe dans le piège facile du QTE, alors même que cela aurait pu donner lieu à une séquence finale excellente. Pour le reste du bestiaire (appelons-le ainsi), eh bien il va falloir vous contenter des (nombreux) robots et autres hommes de main du AIM. On a beau avoir droit à des versions différentes et à quelques évolutions, quel manque cruel d'inspiration... Il y avait pourtant matière à offrir aux fans des affrontements dantesques contre des vilains iconiques. En lieu et place de cela, on affrontera on ne sait combien d'araignées mécaniques, voire à l'occasion un gros overcraft ou un imposant robot tentant de détruire une base alliée. Mais plus encore que le manque de renouvellement d'un bestiaire générique, on peste contre celui des situations de jeu elles-mêmes, aucun affrontement ne sortant suffisamment du lot pour que l'on s'en souvienne. On aurait pu penser que la présence de Hank Pym (Ant-Man) au générique nous donne l'occasion d'une séquence avec des héros miniatures, mais non, rien d'autre que des face-à-face bourrins dans des arènes limitées en taille où l'on se contente de foncer dans le tas en appuyant de temps à autre sur la touche esquive... Et comme la narration ne parvient jamais à transmettre de véritables émotions, on progresse très machinalement dans cette campagne sans jamais se sentir pleinement investi dans ce qui arrive. Ce n'est pas forcément désagréable, mais une fois terminé, on aura vite fait de l'oublier. La question est maintenant de savoir si SE et Crystal Dynamics sauront maintenir l'intérêt des joueurs via le multi, qui peine encore à convaincre de ce que nous en avons vu et lu. Inutile de dire que les prochaines semaines seront déterminantes pour le succès du titre, qui devra peut-être passer par une remise en question à la manière de ses aînés si les retours de la communauté ne sont pas en sa faveur.
Marvel's Avengers aura au départ surtout fait parler à cause de la modélisation de ses héros, lorgnant vers les acteurs et actrices du MCU, sans avoir le droit d'utiliser leur image. Pas la peine d'épiloguer pendant des heures, oui le rendu est assez générique, oui, cela en rajoute une couche sur le manque de personnalité qu'ils dégagent, et non, on ne finit par par s'y faire à la longue. Le problème, c'est que l'on ne peut pas dire que les animations faciales soient là pour relever le niveau ou pour donner de la nuance aux expressions des différents protagonistes. Si l'on excepte Kamala Khan, Bruce Banner et Monica Rappaccini, il est surprenant de voir à quel point aucun personnage ne parvient à dégager la moindre émotion. Les regards sont vides, le rendu très artificiel, et quand on le compare au travail accompli sur Lara Croft dans Shadow of the Tomb Raider, on ne peut que regretter le fossé entre les deux. Graphiquement, le jeu ne démérite pas autant que l'on aurait pu le croire après les diverses présentations, mais il oscille entre le "plutôt pas mal" et le "moyen", ce qui reste bien en dessous des attentes pour un titre de ce calibre. Avec une plus grande variété dans les environnements et une direction artistique moins générique, il en aurait peut-être été autrement, mais en l'état, l'aspect visuel est un peu à l'image du reste du jeu : inégal. On a pourtant droit à une profusion d'effets spéciaux en tous genres pendant les combats, mais ils participent autant à la confusion générale qui se dégage des combats qu'à la mise en valeur de ce qui se passe à l'écran. Ceci étant dit, la qualité d'image en mode 4K est très bonne dans l'ensemble sur Xbox One X, et c'est d'ailleurs pour cet affichage que nous avons opté, en dépit d'un framerate à 30 fps loin d'être irréprochable. On a même dû subir de très importants ralentissements dans la toute dernière partie du jeu, du genre à faire saccader les cinématiques au points d'en arriver à décaler l'audio et les sous-titres. On parle vraiment ici d'un rafraîchissement d'images digne d'un diaporama, sur des cutscenes assez statiques qui plus est. Attendez-vous aussi à quelques difficultés à ce niveau face au boss final, les attaques à grand renfort d'éclairs de Thor nous ayant donné l'impression de voir le nombre de fps se diviser par deux pendant de longues minutes. Le mode framerate en 60 fps, limité à 1080p, nous a paru trop flou sur notre écran 4K, mais nul doute que certains le préféreront tout de même malgré des ralentissements tout aussi fréquents en combat. Il est peut-être dommage de ne pas avoir proposé une troisième option en 1080p/30fps pour les amateurs d'expérience fluide, un mode par défaut réservé aux premières versions des consoles, qui doivent être bien à la peine sur le titre compte tenu des performances de leurs petites sœurs "premium". À noter quelques bugs, du genre à nous avoir forcer à relancer le dernier point de contrôle à une ou deux reprises, ainsi que des problèmes d'affichage parfois (glitches ou pop-up), mais rien de bien dramatique dans notre expérience.
Enfin, un rapide mot sur la partie audio, très efficace pour tout ce qui concerne les bruitages et fonctionnelle pour l'accompagnement musical. Aucun morceau ne devrait vous rester en mémoire, la bande originale remplit son office mais ne tire jamais la couverture sur elle. Deux séquences mettant en scène Iron Man invitent bien des guitares électriques pour dynamiser l'action et cela fonctionne plutôt bien, mais on ne peut pas dire que les autres thèmes nous aient profondément marqués. Assez moyennement convaincus par la version française inégale qui n'a pas non plus eu le droit aux doubleurs des acteurs et actrices du MCU, on ne peut pas dire que le casting anglophone nous a beaucoup plus emballés. Plus que le talent des comédiens et comédiennes, c'est sans doute plus le niveau d'écriture global qui est à mettre en cause. Nolan North (Drake dans Uncharted) campe un Tony Stark plus irritant que drôle, Troy Baker (Joel dans TLOU) s'en sort honorablement dans le rôle du quasi dépressif Banner, Laura Bailey (Kate Diaz dans Gears 5, Mary-Jane dans le Spider-Man de Sony et bien sûr Abby dans TLOU2) livre une performance correcte mais sans éclat pour Black Widow. Voilà pour les plus connus, mais nous voulions aussi mentionner Sandra Saad (Kamala Khan) qui est sans nul doute la plus à l'aise dans son rôle et est pour beaucoup dans l'attachement que nous avons ressenti à l'égard du personnage. Tout le monde n'appréciera pas le ton très caricatural de Thor (campé par Travis Willingham, habitué du personnage sur le petit écran) ni les rappels fréquents de Jarvis quand on traîne un peu trop à suivre l'objectif principal ou que l'on ne s'est pas précipité pour aller chercher le coffre qu'il nous a indiqué, mais il faudra bien faire avec. En conclusion, malgré une tentative pour offrir une aventure solo scénarisée, il manque à Marvel's Avengers toute la dramatisation qui a fait le succès des films et des comics, la faute à une écriture trop plate pour faciliter l'empathie du joueur. Nul doute que cela n'a pas aidé les acteurs et actrices du casting à insuffler de la vie dans leurs personnages. Dit comme cela, nous donnons peut-être l'impression d'être injustement durs avec Marvel's Avengers, mais il y avait (a ?) vraiment un jeu intéressant et prenant à tirer de tous les systèmes qu'il met en place. Avec un tel panel de super-héros, nous en attendions plus, et nous ne voulons pas lui trouver des circonstances atténuantes parce qu'il se présente comme un jeu service avant tout. On souhaite d'ailleurs vivement que les futurs ajouts de contenu nous donneront envie d'y revenir pour découvrir les nouveaux personnages jouables, tout comme on espère que la communauté, par son feedback, saura aider à faire progresser la dimension multijoueur pour qu'elle soit au niveau de la concurrence.
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