Après une preview qui nous avait rendus très curieux de découvrir Road 96 dans son intégralité, nous sommes heureux de partager avec vous notre verdict sur le jeu des Français de Digixart Entertainment (11-11: Memories Retold). En complément de notre critique, nous partageons avec vous presque une heure de gameplay non commenté, ce qui vous donnera l'occasion de découvrir le premier épisode (attention, il ne s'agit pas d'un jeu épisodique mais juste de la manière dont il est structuré) de ce road movie rafraîchissant.
Rien ne va plus à Petria, pays fictif (très proche des USA par sa topographie et la majeure partie de ses accents) où se déroule Road 96. La situation est telle que la nation dirigée par un certain Tyrak voit sa jeunesse tenter de passer la frontière pour fuir ce qu'elle considère comme une dictature. Tous les jours, des milliers d'adolescents tentent leur chance au péril de leur vie, traqués par la police qui, quand elle les rattrape, les ramène chez leurs parents (au mieux) ou les conduit à un endroit que l'on appelle "La Fosse". C'est du moins ce qui se dit de manière non officielle... L'arrivée prochaine de nouvelles élections ne fait pas grand chose pour apaiser les tensions, même si la candidate Flores semble porter en elle l'espoir d'une société plus juste. Les Brigades Noires, un groupe de rebelles que le gouvernement en place accuse d'un attentat meurtrier dix ans plus tôt, continue le combat à sa manière, en émettant sur les ondes pour contrer les abus de pouvoir de Tyrak. Au milieu de tout ce bazar, des anonymes. Celles et ceux que le joueur va incarner tout d'abord, mais également les personnes qu'il va croiser sur sa route. Des hommes et femmes sans lien apparent mais que le destin va, pour certains d'entre eux, amener à se rencontrer d'une manière ou d'une autre. Cela, vous allez le découvrir petit à petit au travers des yeux de plusieurs adolescents en fuite dont on ne saura jamais grand chose, si ce n'est parfois la nature de leurs relations familiales (à condition d'appeler leurs parents sur la route). À chaque fois que l'on vous demandera de choisir votre prochaine incarnation, les seules informations dont vous disposerez au sujet des trois ados proposés seront leur niveau d'énergie, leur maigre pécule et leur moyen de locomotion au moment où vous en prendrez le contrôle. Tout le reste ne tiendra qu'à votre bon vouloir et il ira donc de votre responsabilité de leur donner une forme de conscience politique, en choisissant des répliques qui les engagent vers l'un ou l'autre camp, ou en taguant les affiches de l'un des candidats (voire les deux). Un engagement qui finira par avoir un impact sur le vox populi, et donc sur le dénouement. Une manière d'orienter le futur de Petria que certains trouveront peut-être un peu facile, mais il s'agit après tout d'un jeu vidéo. Et puis il ne faut pas sous-estimer l'influence que les actions peuvent avoir à plus grande échelle, ce qui inclut d'ailleurs les arrestations et les décès de certaines de nos incarnations, qui ne termineront pas toujours leur voyage de l'autre côté de la frontière. Du moins, pas celle que l'on croit...
Nous en parlions dans l'introduction de l'article, Road 96 se découpe en épisodes, chacun retraçant le parcours de l'un des adolescents jusqu'à la frontière, son arrestation ou sa mort. L'aventure s'étire jusqu'aux fameuses élections opposant Tyrak à Flores, vous laissant donc le temps de tomber sur l'un des huit personnages clefs (dont un duo) qui arpentent les mêmes routes que vous pour diverses raisons. Comme ces rencontres arriveront à plusieurs reprises au cours de l'aventure, cela vous permettra d'en apprendre un peu plus sur leur histoire, jusqu'à atteindre les 100% pour certains d'entre eux (les autres devront attendre le New Game +). Au gré de ces rencontres, on obtiendra jusqu'à six capacités spéciales qui deviendront accessibles à nos futures incarnations : crochetage, intelligence, hacking, énergie, pass gouvernemental et porte bonheur. Pour les débloquer, il suffit parfois juste de côtoyer l'un des personnages secondaires le temps d'une scène, mais il faudra aussi parfois prendre une bonne décision au bon moment (c'est le cas pour l'intelligence par exemple). Chaque road trip entrepris pour échapper au joug du tyran Tyrak se divise en différentes saynètes impliquant souvent l'un des huit personnages secondaires. Le jeu étant construit de façon procédurale, tout le monde ne les découvrira pas forcément les mêmes choses, ni dans le même ordre, ni même dans des environnements totalement identiques - ne vous attendez toutefois pas à des changements majeurs à ce niveau. Ces différents chapitres au sein d'un épisode ont à cœur de proposer des situations variées aux mécaniques de gameplay simples et accessibles : jouer du trombonne en suivant (maladroitement) les lignes mélodiques, éviter le traffic au volant d'une voiture, tirer sur un véhicule, servir de l'essence à une station service, se lancer dans une partie de Pwong (pas d'erreur sur le nom) sur une borne d'arcade, ne pas énerver un inquiétant chauffeur de taxi, etc. Certains de ces mini-jeux font plusieurs apparitions, et même s'ils ne sont pas tous spécialement transcendants à pratiquer, ils se fondent bien dans l'expérience globale et sont surtout très nombreux, en plus d'être parfois surprenants. En dehors de ces activités spécifiques, il faut explorer les petites zones dans lesquelles on se trouve, discuter avec les différents protagonistes et entretenir sa forme en dormant (à la belle étoile ou dans un chambre de motel), en mangeant et en buvant. Pour ce faire, il vous faudra bien sûr quelques pièces sonnantes et trébuchantes, à récupérer dans le décor ou en donnant divers coups de main sur votre route. Dis comme cela, on pourrait croire que Road 96 n'a pas tant de choses que cela à offrir, mais il ne faut pas se fier aux apparences. D'une part, l'écriture des personnages fait que l'on s'attache assez vite à ces âmes en peines, et puis il y a cette ambiance de road movie à l'Américaine et ces surprises (aussi bien en termes de saynètes que de choix scénaristiques) qui font que l'on a toujours envie de relancer un nouvel épisode une fois que l'on en a terminé avec l'un de ces ados. Concernant le potentiel de rejouabilité, il s'appuie sur l'envie de découvrir les arcs narratifs entiers des huit personnages dont nous parlions plus haut. De ce que nous avons pu voir du New Game + et de ce qu'il a à offrir en termes de contenu, le problème semble être que les séquences de jeu ne se limiteront pas à celles manquées dans la première partie. C'est assez dommageable dans le sens où il vous faudra fatalement revivre les mêmes événements une seconde fois dans les scènes déjà jouées. En effet, comme souvent dans le genre narratif, des approches (ou des lignes de dialogue) différentes n'influent pas nécessairement sur l'issue d'une situation, comme nous avons pu le constater en jouant au jeu sur PC et sur Switch. Même si le fait de conserver toutes les capacités spéciales peut donner accès à plus de possibilités la seconde fois, il n'est pas dit que cela suffise à changer radicalement l'expérience.
Plus stylisé qu'un Life is Strange visuellement, Road 96 s'appuie sur une direction artistique très réussie avec un character design qui fait beaucoup dans l'appréciation que l'on a de ses personnages secondaires. Leurs traits rappellent celui de la bande dessinée, les couleurs foisonnent et les paysages traversés possèdent tous un certain cachet, et si ce n'est l'impression d'une légère redondance des visages des PNJ moins importants, il n'y a pas grand chose à regretter de ce côté. D'un point de vue technique, le bilan est un peu plus mitigé, même si les performances sur PC restent bonnes en 1440p avec une RTX 2080 Ti. En 4K, certaines scènes donnent lieu à quelques baisses de framerate avec cette même carte, mais cela semble assez ponctuel. L'apparition un peu tardive de la végétation par terre aurait pu être plus discrète, les chargements un brin plus courts sur un SSD, mais cela n'affecte pas le plaisir de jeu heureusement. La version Switch s'en sort bien plus modestement bien sûr, mais cela ne surprendra personne. Comme nous n'avons pas pu tester cette version en mode docké (second départ en vacances oblige), nous ne pouvons nous prononcer que sur la qualité de l'expérience en mode portable. Résolution moindre, aliasing nettement plus présent, pop-up plus visible aussi, on commence à avoir l'habitude avec les jeux 3D portés sur la console de Nintendo. Sans avoir pu analyser le framerate, on estime qu'il n'est pas toujours très élevé, mais les grosses saccades sont finalement relativement rares. Le plus gênant finalement tient plus au hardware qu'au software, la maniabilité aux Joy-Con n'étant pas très agréable à notre sens. Le manque de précision des sticks se fait un peu sentir dès que l'on se déplace ou que l'on doit sélectionner une réplique, le jeu ne faisant malheureusement pas usage de la fonctionnalité tactile de l'écran. On retrouve assez logiquement le problème avec les différents mini-jeux, dont certains ne sont pas des plus maniables à la manette à la base (on pense au clin d'œil à Shufflepuck Café), il faudra donc vous y faire. Avec le pad Pro, les sensations sont autrement meilleures, plus coulées et naturelles, ce qui nous a même incités à opter pour cette configuration de jeu en mode portable. Il faut dire que pour couronner le tout, le stick de notre Joy-Con de droite souffre du célèbre mal inhérent au matériel en mousse du constructeur japonais, nous obligeant à recadrer sans cesse la caméra. Mais passons... Le genre nous a habitués à des bandes originales savamment choisies (on pense encore une fois à Life is Strange) et les Français de Digixart l'ont bien compris. On y retrouve donc des sonorités plutôt variées : électronique, avec des artistes comme The Toxic Avenger ou Robert Parker, folk avec Adrian Gaad ou notre chouchou Mark - Cocoon - Daumail et sa très "catchy" The Road, ou même rock dès que l'on croise le routier John "Papa Bear". Des couleurs très années 90 qui vont évidemment très bien avec l'époque à laquelle se déroule l'aventure, avec des morceaux qui se démarquent suffisamment les uns des autres pour qu'on les reconnaisse au premier coup d'oreille et écoutant la BO en dehors du jeu. On n'ira pas jusqu'à dire que tous les morceaux nous ont absolument conquis, mais comme les goûts et les couleurs ne se discutent pas, difficile d'en tirer la moindre conclusion. Pas de VF pour les dialogues, mais une VOSTFR convaincante dans son ensemble que l'on vous laisse juger sur pièce avec notre longue vidéo de gameplay. Le jeu n'imposant jamais de prendre des décisions rapidement, les moins anglophones d'entre vous ne seront pas pénalisés.
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