Annonce surprise de l'E3 2017, Shadow of the Colossus est la première exclusivité majeure chez Sony cette année. Si certains n'y verront qu'une simple réédition du jeu culte de la Team Ico, d'autres pourront enfin saisir l'occasion de cette sortie pour le découvrir avec un habillage visuel digne de son support. Incontournable à plus titre, le jeu de Fumito Ueda n'avait pas véritablement besoin d'une review supplémentaire pour en faire l'éloge à l'aube de 2018. Et pourtant...
Après déjà deux rendez-vous mémorables avec le titre onirique de Fumito Ueda, en 2006 sur PS2 puis 2011 sur PS3, c'est avec un plaisir non feint que nous avons relancé Shadow of the Colossus, qui revient cette fois dans une version ultime qui ne se contente pas d'un simple lissage HD. Sorti après l'inoubliable Ico, le jeu commence également par une mystérieuse introduction, sublimée par la musique envoûtante de Kow Otani, dont le thème d'ouverture (et celui de fin) se sont vus enrichis de quelques instruments pour l'occasion. Lors de cette superbe séquence, on découvre un jeune cavalier lancé dans ce qui semble être un bien long voyage par delà les montagnes et les forêts. Rapidement, on comprend que le jeune homme, accablé par le chagrin, cherche à faire appel aux pouvoirs des dieux d'un mystérieux édifice, seuls capables de ramener à la vie celle qu'il a aimé jusqu'à son dernier souffle. Le voilà donc contraint d'accepter le marché qu'on lui propose : vaincre les 16 colosses qui errent tels les gardiens d'un monde isolé à l'équilibre fragile. L'ambiance est saisissante, la sensation de solitude et de mélancolie écrasante, l'aventure peut commencer.
Si en 2001, Ico surprenait son monde en ne proposant aucun affichage à l'écran, Shadow of the Colossus retrouve certains des apparats habituels de notre médium. Si le HUD du jeu n'est pas aussi intrusif que dans d'autres titres (il n’est pas visible en permanence), on imagine que la décision initiale de l'inclure venait de la volonté d'ouvrir le jeu à un public plus large, ce qui allait d'ailleurs avec l'ajout d'aides vocales prodiguées au joueur lorsqu'il bloquait un peu trop longtemps - que l'on aurait cependant apprécié de ne pas entendre en boucle dans cette nouvelle version. Le joueur peu habitué des productions de Ueda est donc accueilli plus en douceur, avec l'apparition des touches de la manette pour lui indiquer les diverses actions possibles, mais que l'on ne s'y trompe pas, on reste malgré tout bien loin du guidage souvent exagéré que l'on doit subir dans les jeux actuels. La fameuse jauge de grip a été légèrement modifiée, puisqu'il s'agit désormais d'un cercle jaune plus discret doté d'un appendice horizontal placé sur sa gauche, qui pourra s'allonger - chaque queue scintillante de lézard récupérée permettant de gagner légèrement en endurance. La barre de vie (capable de se régénérer en restant immobile ou en étant à cheval) peut également être augmentée en consommant les fruits trouvés dans certains arbres, qu'il faut faire tomber grâce à une flèche bien placée. Wander dispose évidemment toujours de son glaive, qui ne lui sert pas qu'à attaquer, puisqu'il fait aussi office de GPS pour lui éviter de se perdre dans l'immensité de ce monde totalement ouvert. C'est donc lui qui guidera le joueur dans la direction du prochain colosse à affronter, ce qui obligera néanmoins à bien explorer la zone, à la recherche d'un accès parfois bien caché.
Grands espaces oblige, Wander ne se déplace pas sur ses seules jambes et peut donc compter sur Agro, son fidèle destrier. Un compagnon qui aidera le joueur à supporter l'écrasante solitude qui pèse sur les épaules du héros, d'autant que l'équidé se laisse bien plus facilement dompter qu'autrefois. Les anciens errements de la caméra ne sont plus qu'un mauvais souvenir, et si cette dernière conserve un "comportement" particulier, elle est aujourd'hui bien plus agréable à contrôler et ne vient jamais gêner le joueur dans ses déplacements. Agro conserve une inertie assez prononcée, mais ses mouvements paraissent plus naturels et le chevaucher procure des sensations très grisantes, notamment quand on tire sur les rênes pour le forcer à s'arrêter en urgence. Innovants en 2006, les affrontements contre les différents colosses font toujours dans la démesure la plus folle, et restent particulièrement originaux. Bien avant Gabriel Belmont, les géants de Shadow of the Colossus deviennent des parcours du combattant qu'il faut escalader pour atteindre leur(s) point(s) faible(s). On comprend d'autant plus l'importance de la jauge de grip que nous évoquions plus haut, celle-ci représentant la force qui reste encore dans les bras du héros. Plus que sa monture, c'est donc son héros qu'il faudra apprendre à ménager pour ne pas risquer une chute malencontreuse, obligeant alors à recommencer la dangereuse escalade depuis le début. Des séquences impressionnantes, des combats acharnés, qui évoquent bien sûr David et Goliath, à ceci près que la victoire a toujours un petit goût amer.
Comment en effet ne pas se sentir ému lorsque son adversaire s'écroule de tout son long sur le sol ? Comment ne pas éprouver de regrets face à la tâche accomplie quand toute leur fragilité explose aux yeux du joueur ? Et pourtant, quel paradoxe, après un combat âpre, et parfois même long quand on ne découvre pas tout de suite où et comment débuter son ascension. Il faut dire que le travail accompli sur le design des géants est tel qu'il ne peut laisser personne indifférent ; ce à quoi s'ajoute la relation qui noue littéralement Wander à son adversaire, lorsque le jeune homme se cramponne à son corps comme il s'accroche à l'espoir de redonner vie à sa bien aimée Mono. Une chasse des plus cruelles pour faire revenir la jeune femme, une vie contre celle de 16 autres, voilà toute la problématique que pose Shadow of the Colossus. Que seriez-vous prêt à faire pour l'être aimé ? Jusqu'où iriez-vous ? Au delà de son ambiance à nulle autre pareille, c'est grâce à ces séquences, toutes uniques, tant dans leur déroulement que les lieux dans lesquels elles prennent place, que Shadow of the Colossus marque durablement, au point de donner envie d'y retourner dans le niveau de difficulté supérieur une fois terminé après 10 à 12 heures de jeu en mode normal (en difficile, le nombre de points faibles à viser est supérieur). Au passage, on vous conseille ardemment de vous tenir éloigné de toute soluce pour ne pas risquer de vous gâcher un pan essentiel du titre, la recherche de la stratégie à adopter pour vaincre votre adversaire. Le glaive pouvant déjà vous donner quelques précieuses indications si vous le pointez vers le colosse, ne cédez pas à la tentation de vous débloquer en un clic de souris si vous étiez amené à buter sur l'un d'entre eux. Prenez le temps d'observer, de comprendre, car l'exécution en elle-même ne vous demandera jamais bien longtemps.
Il faut dire que les problèmes de ralentissements de la version originale ne sont plus que de l'histoire ancienne, ce qui rend la progression nettement plus fluide, dans tous les sens du terme. De même, la caméra s'en sort généralement bien, même s'il peut lui arriver de s'affoler quelque peu en plein combat, dans certains des rares environnements plus cloisonnés, ou quand un colosse s'ébroue de manière vigoureuse pour faire tomber Wander dans le vide (ce qui n'est de toute façon jamais problématique puisqu'il suffit de maintenir la touche R2 enfoncée pour s'agripper). Et puis il y a bien sûr la valeur ajoutée indéniable de ce (vrai) remake : sa plastique. Que dire si ce n'est que le travail de Bluepoint force le respect tant il respecte à la lettre la direction artistique d'origine, tout en lui offrant enfin la modélisation qu'elle méritait. Les colosses en deviennent encore plus majestueux, même si c'est surtout au niveau des décors que la différence se fait la plus flagrante. Les falaises impressionnent, les petits bouts de forêts de ce monde désolé dégagent une atmosphère incroyable et les chutes d'eau prennent une autre dimension, tout cela donnant beaucoup de profondeur aux décors. Pour ceux qui n'auraient jamais eu la chance de parcourir l'aventure par le passé, ils pourront le faire de la plus belle des manières, mais les autres redécouvriront avec plaisir bien des lieux emblématiques de l'œuvre culte de Ueda. Est-ce à dire que ce remake est un sans-faute technique ? Eh bien non, même si les quelques remarques qui vont suivre tiennent plus du chipotage qu'autre chose. La marque Gamersyde en quelque sorte.
Pour commencer, les zones les moins baignées dans la lumière sont nettement plus ternes, quand le soleil demeure masqué par les falaises, ou quand Wander pénètre dans un temple peu éclairé. Le HDR apporte un plus indéniable en règle générale, mais moins dans ce genre de passages, qui rappellent d'ailleurs parfois The Last Guardian. Il est également regrettable que certaines textures de sol apparaissent si floues et peu détaillées. De même, difficile de ne pas remarquer le pop-in un peu trop marqué - l'herbe essentiellement - ou certaines collisions hasardeuses entre le décor et le personnage, ses animations pouvant alors souffrir de ces imprécisions. Pour terminer, on mentionnera les quelques (rares) traces de tearing (autour du temple principal uniquement à priori) lorsque l'on opte pour le mode 60 fps, ce qui est heureusement compensé par la fluidité sans faille du jeu - quel que soit le mode d'affichage choisi. La possibilité de régler le niveau du motion blur ou même de changer de filtre visuel est appréciable, tout comme l'ajout du mode photo, qui permet de bien jolis clichés. Un bilan technique très positif au final, qui ne fait que sublimer Shadow of the Colossus. Après être parvenu à bouleverser les joueurs en dépit de grosses tares techniques en 2006, on vous laisse imaginer l'impact que pourra avoir ce remake aujourd'hui. Il faudra néanmoins accepter une construction de l'open world qui ne s'apparente en rien à ce qui se fait dans les jeux modernes, ce qui implique une absence totale d'activités annexes et/ou d'un aspect systémique du monde. Une évidence diront les plus anciens, qu'il reste juste à faire comprendre à la jeune génération.
Tous les commentaires (30)
Je l'ai préco car je ne l'ai jamais fait. Mais après la semi-déception de the last guardian que j'avais trouvé agaçant à jouer (lourdeur/ Trico aussi beau qu'énervant), j'ai peur que celui-ci soit dans la même veine niveau lourdeur de gameplay.
Mais bon il ne doit pas être culte pour rien, il fallait que je le fasse.
Autant je lui reconnais sa poésie graphique certainement sublimée avec cette 3ème sortie, mais à 40 balles pour 6 heures de jeu avec encore toujours les mêmes défauts et un univers aussi beau que vide, c'est non.
Un grand merci pour cette review...
Autant je lui reconnais sa poésie graphique certainement sublimée avec cette 3ème sortie, mais à 40 balles pour 6 heures de jeu avec encore toujours les mêmes défauts et un univers aussi beau que vide, c'est non.
Et le vide est essentiel dans SOTC! C'est un beau vide, et un vide qui a du sens.
Bravo pour cette review qui souligne la dimension particulière de SOTC, autant une œuvre qu'un jeu. Il mérite de traverser le temps, et ce genre de remake respectueux est le moyen idéal.
Ça serait bien cool qu'ICO ait un remake aussi qualitatif d'ailleurs.
Prochain Medievil.
Quant à ce remake, il prouve justement que le jeu ne vieillit pas mal, au contraire, et qu'il est même intemporel. Le mettre au même niveau que celui de Crash c'est assez navrant quand même... Après je comprends qu'on n'y adhère pas, mais il y a des raccourcis à ne pas faire.
Je l'ai acheté sur PS3 à 10 balles en promo en pack avec ICO et j'ai vraiment regretté.
Après c'est un boss rush, donc faut aimer le genre à la base, et déjà à l'époque il à divisé.
La différence c'est que maintenant il est beau et fluide.
Par contre non, la différence avec ce remake ne tient pas au simple fait qu'il est plus beau et plus fluide, mais pour le savoir il faut lire l'article. Tu n'aimes pas, ça me dépasse un peu vu que pour moi, les qualités des jeux originaux compensaient largement leurs errements, mais il est évident qu'un jeu à forte personnalité va plus facilement diviser qu'un titre plus classique (tant dans la forme que le fond). Maintenant, ça serait sympa de ne pas cataloguer le remake de lifting graphique paresseux qui ne fait rien pour améliorer l'expérience originale. Il ne corrige sans doute pas tout, mais il s'agit sans le moindre doute de l'un des meilleurs (si ce n'est le meilleur) remakes jamais sortis à ce jour. :p
J'ai très envie de jouer à ce remake, je me tâte encore à l'achat mais me connaissant j'y jouerais le jour de sa sortie car il s'agit là d'un des tout meilleurs jeux de tout les temps me concernant.
Et je répète qu'il y a vide et vide. Le vide dans SOTC est un vide de structure, il est indispensable.
Lorsque les raisons pour lesquelles certains ont aimé sont précisément les raisons pour lesquelles d'autres n'ont pas aimé, la dimension objective devient compliquée. Comme cette histoire de vide dans SOTC. Toi ça te dérange, moi je n'imagine pas le jeu sans. C'est pas un défaut dont je m’accommode, pour moi il fait partie intégrante des qualités!
A l'époque on me l'avait vendu comme un jeu d'aventure, hors ce n'est qu'un boss rush avec un hub certes classieux mais rien d'autre.
Là c'est le même en plus beau.Super.
C'est bien pour ça que j'attends le prochain fable car c'est encore un des rares titres à pouvoir faire le grand écart et à satisfaire mes critères.
Ou alors tu veux taper du poulet. C'est sur le grand écart est là !
Mais pour Zelda et Shadow of the Colossus, on est pas dans ces cas là. Les deux apportent de véritables innovations dans le gameplay. Autant l'univers de Fable me branche, que niveau innovation.... (Par contre les quêtes n'étaient pas riddicules)
Shadow of the Colossus n'est pas vide, il est épuré. Cela permet de renforcer le sentiment onirique et poétique, ainsi que de se concentrer sur l'essentiel.
Je préfère ça qu'un jeu remplit de pnj sans âmes et de trucs inutiles à collectionner, pour débloquer rien ou des trucs inutiles. Mais oui il y a aussi des jeux avec des objets à trouver intéressants, qui influencent le gameplay.
Non le jeu n'est pas parfait, les défauts que tu pointes sont assez pertinents, mais pas ta façon d'aborder le jeu dans l'ensemble. Tu ne parles pas des qualités du titre en fait. Et je pense aussi que Medievil.........aura perdu de son charme d'antan.
Parfois il suffit de pas grand chose mais une fois le "truc" découvert c'est fini.
Ah et sinon la review est top et les screens superbes!
Et du coup, que quelqu'un me dise qu'il aime pas, j'veux bien, mais c'est pas nécessaire d'essayer d'argumenter pour inventer des defauts ou ils n'y en a pas du tout, bien au contraire.
Apres on peut ne pas aimer le feedback ou je sais pas quoi. Je trouve la DA de Halo absoluement a chié par ex, bah je cherche pas non plus a le prouver par A+B.
Ya le meme genre de critique a propos de GTA4. Et il se trouve que la encore je suis carrement fan du feedback des controles et des animations dans ce jeu, alors que ca plait pas du tout a certains.
Defaut ou qualité ?
Ce qui est sur cest que cest un choix delibéré, et jcrois que ca suffit a departager si ya discussion, car dans l'absolue, si t'aimes pas une vision assumé que beaucoup de joueur trouve "delicieuse", cest que cest pas ta came, point.
La ou ca devient franchement problematique, cest quand une bonne formule evolue dans le mauvais sens pour contenter plus de monde. Ex avec GTAV.
Sauf qu'on est nombreux a regretter cette evolution, qu'on osera appeler regression, sans retenue.
Certains voulaient des villages et des quetes dans SotC. On peut aller loin avec ces delires, et on peu juste repondre "ta gueule" aussi.
Parfois faut savoir reconnaitre que les jeux de niches sont meilleurs quand ils essayent pas de plaire a tout le monde. En fait cest le cas de n'importe quel JV il me semble.
Le probleme ici cest que on a quelqu'un qui nous dit qu'une des raisons qui font de SotC un jeu culte, est en fait une tres mauvaise raison.
Bah non, puisque ce qu'on a ressenti cetait du bonheur en barre, et cetait pas une illusion. Cest ce qui a créé ce souvenir singulier qu'on garde du jeu.
Et oui, ce fameux gameplay faisait parti du charme du jeu, et certainement pas de ces defauts(meme si certains n'apprécient pas, et ca cest pas un probleme a la base).
Dsl de pas avoir réussi a etre concis.
edit : En résumé, c'est pas grave de pas accrocher à un jeu populaire.
Mais j'viens de réalisé aussi que j'aurais pas du faire ce pavé, car j'avais pas vue que le monsieur reproche aussi le vide de SotC...
On est vraiment dans le stéréotype de ceux qui n'ont pas accroché, et qui tente de prouver qu'ils ont tout de meme le monopole du bon gout(cest une question de sensibilité aussi, mais chut).
Normalement j'ignore, j'ai deja bien assez brasser du vent par le passé avec ce genre d'interlocuteurs.