Initialement prévu comme un petit mode solo du jeu de carte à collectionner (CCG) gratuit Gwent, Thronebreaker: The Witcher Tales a récemment été promu au rang de jeu payant à part entière. Un choix compréhensible lorsque l'on sait que, des vénérables Etherlords au récent Slay the Spire, les jeux de cartes solo séduisent un large public. Néanmoins, la démarche force aussi CDProjekt à répondre à une question lancinante : l'univers de The Witcher peut-il survivre à l'absence du Witcher ?
La question n'est pas anodine. D'un coté, le studio a prouvé son aptitude à écrire des quêtes secondaires originales et surtout d'excellents dialogues mettant en valeur les charismatiques personnages crées par Andrzej Sapkowski. De l'autre, l'intrigue principale d'un The Witcher III demeure simpliste, dépourvu de second degré de lecture. Or cette dualité, on la retrouve dans Thronebreaker.
On y incarne Meve, souveraine de Lyrie et de Riv, qui tente de libérer son pays de l'invasion Nilfgaardienne. Vous vous en doutez, la quête s'annonce longue et semée d’embûches. Les excellents dialogues intégralement doublés contribuent à rendre les protagonistes attachants. La société tourmentée que l'on parcourt force ponctuellement à prendre des décisions difficiles, aux conséquences parfois radicales. Autant de qualités narratives qui permettent de s'immerger dans ce monde, mais ne compensent pas un scénario principal extrêmement convenu, et finalement peu mémorable. Pourquoi ? Tout simplement parce que Meve n'a ni le charme ni la perspicacité de Geralt.
De même, la partie exploration fait dans le classique. On arpente cinq vastes régions qui profitent d'un rendu BD très réussi. L'essentiel des actions, entre deux affrontements, consiste à écouter les conversations d'habitants, trouver quelques trésors enfouis et surtout collecter BEAUCOUP d'or et de bois. Ces matières permettent d'améliorer son armée, de débloquer de nouvelles cartes. Ce n'est pas désagréable en soi mais on aurait espéré un aspect gestion un peu plus développé, à la façon de Heroes of Might & Magic. Heureusement, il y a le Gwent.
Si vous ne connaissez pas le Gwent, sachez qu'il s'agit d'un CCG atypique, qui ne s'inscrit pas dans la lignée de Magic l'Assemblée. En combat, il n'y a pas de ressources à gérer, on ne pose qu'une seule carte par tour mais n'importe laquelle (forte ou faible). Il faut remporter deux manches sur trois (ce qui implique de pouvoir en laisser filer une) et l'on ne reçoit de nouvelles cartes qu'au changement de manche (ce qui implique de bien gérer ses mains). Enfin, l'objectif n'est pas d'abattre son adversaire mais d'avoir l'armée la plus puissante sur le champ de bataille. Et s'il est bien sûr possible de tuer les unités adverses pour atteindre ce but, ce n'est qu'une tactique parmi d'autres.
On peut aussi pousser des synergies renforçant ses propres unités, détourner les troupes ennemis à son avantage, favoriser les cartes qui restent d'une manche sur l'autre, qui permettent de reprendre en main une unité déployée, qui ramènent les morts du cimetière, qui appellent des renforts, qui déclenchent des effets spéciaux après leur destruction, qui jouent sur l'occupation de l'espace du champ de bataille… le Gwent est d'une richesse impressionnante, chaque carte (au passage absolument magnifique) disposant d'une mécanique spéciale. Et pour diverses raisons (rythme de jeu, générosité du mulligan), la construction du deck joue un rôle bien plus important que dans les autres CCG. On est plus sur de la stratégie en amont que sur de la tactique adaptable en cours de jeu. Mieux encore, la campagne de Thronebreaker ne se contente pas de proposer des combats classiques, elle introduit des défis spécifiques à surmonter avec votre jeu ou des casses-têtes variés à résoudre avec un paquet imposé. Un challenge irrésistible pour les amateurs de CCG.
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