Avec Alone in the Dark, le mythe de Cthulhu de H.P Lovecraft a eu le vent en poupe dans le monde du jeu vidéo, même s’il est vrai que depuis une dizaine d’années, ce sont essentiellement les studios indépendants qui se sont aventurés sur les traces mystérieuses de l’écrivain américain. C’est désormais au tour de Focus Home Interactive et Cyanide de se frotter à cet univers de fiction collectif, dont Lovecraft n’est pas le seul géniteur, dans un tout nouveau Call of Cthulhu. Notre verdict et vidéos, juste après le clic.
Note : On vous offre un joli cadeau pour cette review avec quelques screens de la nouvelle mise en page de nos articles sur la v3.
Boston, 1924. Edward Pierce est un détective privé qui traverse une bien mauvaise passe. Sujet à une crise existentielle, plutôt enclin à se laisser tenter par la bouteille qui traîne sur son bureau qu’à se prendre en main, ses ennuis sont aussi financiers, puisque les affaires se font de plus en plus rares. Aussi, quand le père d’une artiste de renom vient l’engager pour découvrir les circonstances qui entourent la mort de sa fille et de sa petite famille, il ne peut se permettre d’hésiter très longtemps. Pourtant, on ne peut pas dire que Darkwater soit la destination idéale pour se remonter le moral, surtout compte tenu de ce qui est arrivé à la fille de son employeur, morte dans le terrible incendie de son manoir avec son fils et son mari. Située au large de Boston, l’île où Pierce doit se rendre n’est pas la plus accueillante qui soit. Les insulaires, des pêcheurs pour la plupart, ne font pas preuve d’une grande chaleur humaine, mais il faut dire que leur situation n’est guère enviable. Si dans le passé, le travail coulait à flot et que la pêche à la baleine assurait la prospérité des marins locaux, tout cela n’est plus qu’un lointain souvenir. L’ambiance y est donc morose,pesante même, l’animation principale venant essentiellement du bar la Baleine Échouée, où s’entassent ceux qui semblent vouloir oublier leurs problèmes. En arrivant dans un tel contexte, Pierce se trouve assez rapidement confronté à la frilosité locale, y compris du côté des forces de l’ordre, les officiers présents sur place ne semblant pas spécialement ravis de voir débarquer un étranger de la grande ville sur leur territoire.
Si les développeurs de Cyanide ont évoqué le jeu Call of Cthulhu : Dark Corner of the Earth dans la liste de leurs inspirations, ils ont aussi très rapidement précisé que leur projet n’emprunterait pas le virage action que le jeu de Headfirst Productions opérait dans sa dernière partie. Le Call of Cthulhu de Focus préfère opter pour une approche plus narrative saupoudrée de phases d'enquête et de petites énigmes dont la résolution dépend souvent des aptitudes du héros, qui débloquent également des lignes de dialogue spécifiques. Ces capacités donnent au jeu une dimension jeu de rôle bienvenue, où le gain de points d'expérience permet de se spécialiser dans divers domaines. En fonction de vos choix de départ, vous donnerez évidemment la priorité à certaines spécialités, même s’il sera possible de distribuer ses points à sa guise par la suite. Seules exceptions, les aptitudes de médecine et d’occultisme demandent de trouver régulièrement des ouvrages pour les faire augmenter (mais vous pourrez néanmoins leur attribuer autant de points que vous le souhaitez avec votre pécule de départ, au moment de remplir la “fiche” de votre personnage). Cyanide marque donc clairement sa différence avec la plupart des jeux inspirés de l’œuvre de H.P Lovecraft, et cherche donc à satisfaire les amateurs du jeu de rôle papier avec ses variables et statistiques qui vont doucement diriger le joueur dans une direction plutôt qu'une autre. Une décision louable mais qui ne va jamais au bout de son potentiel on va le voir.
Si Cyanide vous laisse libre de modeler Edward Pierce à votre guise, il ne faut pas craindre de vous retrouver coincé pour autant à tel ou tel moment de l’aventure. Les développeurs parisiens se sont en effet arrangés pour proposer plusieurs façons de résoudre les différents problèmes qui se poseront à vous. Un exemple tout bête : si votre niveau en crochetage de serrure ne vous permet pas d’accéder à un entrepôt, il sera possible de faire appel à quelqu'un pour vous aider. Conséquence de cela, on ne se sent jamais vraiment libre de procéder comme on l'entend, le jeu souffrant d'un excès de dirigisme. D’une manière générale, Call of Cthulhu n’oppose d'ailleurs pas une grande résistance au joueur, la difficulté n’étant jamais spécialement très élevée. Les différents indices sont suffisamment visibles grâce aux icônes qui apparaissent dans l’environnement, et s’il faudra tout même un peu fouiller pour les dénicher tous, vous ne serez jamais obligé de passer chaque pixel au peigne fin pour tout découvrir. De même, Pierce doit souvent reconstituer la chronologie des événements qui ont eu lieu sur une scène de crime, mais contrairement à Ethan Carter, il ne vous sera jamais demandé de remettre les différents fragments retrouvés dans le bon ordre. Ces passages entrent plus dans une logique narrative que dans une démarche de réflexion. Il existe bien quelques petites énigmes, mais même sans être particulièrement habitué au genre, elles ne posent aucun problème et ne devrait jamais vous retenir très longtemps.
Comme dans Dark Corner of the Earth, le jeu inclut quelques phases dans lesquelles le héros n'a pas d'autres choix que celui de rester discret. La première d’entre elles, face à une créature assez abjecte, peut être potentiellement frustrante si vous n’avez pas observé avec minutie les lieux avant son arrivée (qui peut difficilement être anticipée). En effet, pour s’en sortir, il vous est demandé de réaliser une action particulière, mais les possibilités sont nombreuses quand on n’a trouvé aucun indice au préalable, ce qui peut transformer ce passage en un die and retry agaçant. À d'autres moments de l’aventure, ces passages d’infiltration se veulent très accessibles, avec une IA qui n'est pas toujours dotée d’une vision périphérique suffisamment large pour réagir comme il le faudrait (sortir d’une armoire et se trouver juste à côté d’un garde ne l’alerte pas s’il ne vous fait pas face). Mais condamner Call of Cthulhu pour son accessibilité serait aller un peu vite en besogne, car Cyanide parvient à proposer une progression assez variée, dans des lieux et dans des contextes qui, à défaut d'être très originaux dans l’univers de Lovecraft, ont le mérite de maintenir le joueur intéressé. On avance donc avec la curiosité d'en apprendre plus sur la famille Hawkins et sur le destin de Pierce, dont on vient parfois à douter de la santé mentale. Cette dernière est cependant moins primordiale dans les mécaniques de jeu que nous l’aurions pensé, du moins dans notre expérience du jeu. Cet aspect important de la mythologie Cthulhu reste néanmoins au centre de la narration, et vous aurez évidemment droit à quelques séquences centrées sur la folie, l’occasion de profiter de l’excellent travail sur le sound design d’ailleurs.
Reste à mentionner les (très) rares passages où l’on se retrouve équipé d’une arme à feu, qui sont abordés comme un jeu Quantic Dream (our Telltale), le système de dialogue qui fait dans le classique (avec une présentation radiale) mais qui fonctionne bien en dépit d'une mise en scène figée et d'une modélisation très vieillotte des différents personnages. Le jeu réserve aussi quelques passages dont Focus et Cyanide n'ont jamais parlé dans leur communication autour du jeu, mais dans l'ensemble, il ressort tout de même une impression de déjà vu, même pour le non spécialiste. Techniquement parlant, Call of Cthulhu reste assez décevant, même quand on le compare (sur PC du moins) à Vampyr, une autre production AA du même éditeur. Le jeu de DONTNOD s'avère en effet bien plus réussi graphiquement et artistiquement, même si tout cela dépendra avant tout des goûts de chacun. Les abords du manoir Hawkins sont plutôt bien réussis par exemple, mais la plupart des intérieurs montrent leur âge, tout comme la zone d'arrivée du joueur, qui rappelle plus le King Kong d’Ubisoft en 2005 qu’un titre développé sous Unreal Engine 4. Les ambiances sont toujours très soignées heureusement, et certains passages (comme le tout dernier) nous ont agréablement surpris par leur rendu. Côté son, la plupart des acteurs font preuve d'une grande crédibilité dans leur rôle, mais malgré son indéniable talent, Anthony Howell ne parvient pas à faire oublier sa prestation dans Vampyr (encore lui), où il jouait déjà un personnage très similaire (le héros Jonathan Reid, qui refusait d'accepter la nouvelle réalité qui se présentait à lui, avant de devoir l'embrasser pleinement). Un drôle de choix de casting qui, sans être extrêmement préjudiciable au jeu, nous a parfois un peu sorti de son univers.
Tous les commentaires (6)
Un détail qui ne devrait cependant pas chagriner ceux qui nous pas pour habitude de refaire leurs jeux une fois terminés.
Je lirai/visionnerai l'ensemble tout à l'heure. Mais bon si je comprends bien en gros ça fait le boulot. Et c'est déjà plutôt cool...même si je lui souhaite bien du plaisir pour se faire une place à une semaine de RDR².
Sinon pour la V3, j'ai hâte! Juste un truc, j'aime plutôt les interfaces sombres donc a priori je vais plutôt partir là dessus. Mais je trouve que vous avez un noir très profond avec une font très blanche. Ce contraste prononcé rend la lecture un peu plus compliquée, faudrait peut-être réduire l'écart.
Pour la V3 effectivement le blanc sur fond noir me gène aussi .
J'accroche plus sur le thème clair.
Dans tout les cas cela rend bien.
Sinon j'ai hâte aussi, ce que je vois du thème clair m'emballe bien.
Vous avez oublié 2 excellentes références du jeu vidéo adapté de l'univers de lovecraft: Prisoner of ice et shadow of the comet
Au passage, j’aime beaucoup les maquettes et l’idée du thème clair/sombre !