Vous le savez, sur Gamersyde, on ne jure pas uniquement que par les jeux AAA aux budgets indécents. On les apprécie énormément bien sûr, mais on prend également beaucoup de plaisir à découvrir des projets plus confidentiels, même si l'on espère que Narcosis ne restera pas dans l'ombre trop longtemps. Pour un premier essai issu d'un projet débuté à l'école ENJMIN d'Angoulême, Honor Code, qui compte également des membres californiens, ont fait un travail assez admirable sur la narration et l’atmosphère. On vous explique évidemment tout cela dans notre review, mais nous serons également en direct pas plus tard que ce soir avec l'un des développeurs, pour répondre à vos éventuelles questions et vous montrer le jeu en action.
Que l'on soit ou non sujet à la claustrophobie, certaines situations ont la capacité de mettre les spectateurs ou les joueurs face à leurs peurs les plus primaires. Isolation, étouffement, noyade, paralysie face au danger, le cinéma et le jeu vidéo ont régulièrement puisé leur inspiration dans ces cauchemars tétanisants que l'on a tous fait un jour. Narcosis nous entraîne donc au plus profond de l'océan, dans le scaphandre hyper sophistiqué d'un homme dont on ne sait finalement que très peu de choses. Pas un nom à se mettre sous la dent quand l'aventure débute, au beau milieu d'un bassin d'entraînement, bien en sécurité dans une piscine. Puis, le jeu bascule subtilement vers les abysses, laissant comprendre que cette première phase de jeu, servant de tutoriel, n'était en fait qu'un simple flashback. Malin, et plutôt bien amené, nous voilà tout de suite dans le grand bain. Comme tous les jeux qui l'ont fait avant lui, qu'il s'agisse de BioShock 2 ou de SOMA, la découverte des profondeurs de l'océan est saisissante dès la première seconde. Les déplacements, lents et gracieux à la fois, permettent de ressentir toute la sensation d'écrasement qui s'abat sur le héros en devenir que l'on incarne. L'obscurité environnante, les sons, les décors, rien n'a été laissé au hasard pour immerger le joueur dans cette aventure narrative à la première personne – jouable en VR pour les joueurs équipés qui le désirent.
Contrairement aux deux titres cités plus haut, Narcosis n'essaie pas de nous transporter dans un monde totalement inconnu, régi par des règles que l'on découvre au fur et à mesure de sa progression. Ici, point d'entourloupe scénaristique pour nous projeter en pleine science-fiction ; l'histoire se déroule en 2019, dans un futur qui nous est proche, dans une réalité qui ne sera jamais submergée par le surnaturel. Attention cependant, car bien qu'ancré dans un contexte crédible et réaliste, les événements qui se dérouleront dans Narcosis ne seront pas toujours aussi terre-à-terre qu'on pourrait le penser de prime abord. En effet, lorsque l'on se retrouve seul après une catastrophe naturelle, à des kilomètres de la surface, et que les réserves d'oxygène s'amenuisent, difficile de garder la tête hors de l'eau bien longtemps. La découverte des corps d'anciens collègues, ou de la faune hostile, ne va d'ailleurs rien arranger à l'affaire, d'autant que toute montée d'angoisse entraîne une surconsommation d'oxygène qui peut s'avérer fatale. Heureusement, la base sous-marine et ses environs regorgent de bonbonnes ou de stations de ravitaillement, un peu trop peut-être d'ailleurs, même si l'imprudent pourra malgré tout se trouver à court et y laisser la vie. Si vous avez l'impression d'y voir un certain lien de parenté avec le décevant Adr1ft, vous n'avez pas totalement tort. Heureusement, la mécanique s'avère moins contraignante, et surtout, elle est largement soutenue par la qualité d'écriture et l'ambiance générale, autrement plus immersives que dans le titre de Three One Zero.
Dans Narcosis, votre mission est simple, vous devez trouver un moyen de vous en sortir et remonter à la surface, tout en portant secours à ceux qui travaillaient avec vous pour Oceanova. Le menu du scaphandre répertorie d'ailleurs chacun d'entre eux, se mettant à jour quand vous découvrez un corps, ce qui vous permet au passage d'en apprendre un peu plus sur vos collègues. Vous pourrez également dénicher certains de leurs effets personnels, qui font ici office de collectibles à ramasser, mais qui donnent également des informations supplémentaires sur vos compagnons. Côté structure, les premiers pas dans l'aventure s'avèrent très linéaires, l'exploration n'allant alors pas plus loin que les quelques pièces optionnelles à fouiller, avec de petits clins d’œil à d'autres jeux de la scène indépendante. La dimension Walking Simulator est alors poussée à son paroxysme, les interactions se limitant à la récupération de bonbonnes d'oxygène ou, parfois, à quelques combats aquatiques assez simplistes contre les habitants des profondeurs. Armé d'un simple couteau, il faudra par exemple repousser les assauts de pieuvres, en vous défendant dans le bon timing, ou en martelant la touche X. Le scaphandre vous protégeant d'à peu près tous les dangers, ces séquences de self-défense seront surtout éprouvantes pour votre taux d'oxygène, qui diminuera bien plus vite sous la pression d'événements stressants. Un type d'ennemi seulement pourra vous être directement fatal, les crabes araignées géants, dont les mouvements arachnoïdes ne manqueront pas de vous faire froid dans le dos.
Dans la seconde moitié du jeu, certaines zones vous offriront un peu plus de liberté, en vous déstabilisant un peu au passage, comme le protagoniste, alors plus perdu que jamais pour des raisons que vous découvrirez par vous-même. Quand la relation entre game design et narration se met à fonctionner à double sens, chaque pan du jeu semble destiné à s'imbriquer naturellement. Pourtant, ce sont aussi ces passages qui pourront provoquer un léger sentiment de frustration chez certains, tant la moindre erreur se paie instantanément, vous obligeant à reprendre la séquence depuis le début. Alors que l'on arpentait gentiment les couloirs de la station jusque là, en suivant un itinéraire balisé par les portes non verrouillées, on se retrouve subitement dans une zone plus ouverte, sans réelle certitude sur la marche à suivre, et de nombreux dangers pour nous compliquer la tâche. Les réserves d'oxygène se font aussi beaucoup plus rares, ce qui ajoute à la tension de l'instant. C'est également dans cette seconde partie que les passages les plus "acrobatiques" sont proposés, avec une utilisation plus régulière des propulseurs de la combinaison (limités en temps et en puissance). Sans devenir un jeu d'aventure et d'exploration complexe, Narcosis ne repose donc pas uniquement sur l'avancée de son personnage principal dans l'histoire. De même, les séquences où la raison commence à laisser la place à la folie prennent plus d'ampleur dans cette seconde moitié. Certes, ces moments d'égarement auraient parfois pu être traités de manière plus originale, mais ils apportent néanmoins une variété bienvenue, et n'oublient jamais de servir la narration.
Une narration qui se fait très naturellement via la voix-off du personnage principal, qui raconte son expérience avec une réelle justesse. Nous préférons d'ailleurs taire certains éléments relatifs à cette manière de raconter l'histoire, pour ne pas risquer de vous mettre sur la piste du twist final. Car Narcosis peut se vanter de nous avoir surpris par son dénouement, et de nous avoir donné envie d'en apprendre plus via le bonus narratif qui se débloque une fois l'aventure terminée. D'une manière générale, et même si tout n'y est pas parfait, nous avons été impressionnés par le travail de Honor Code et le soin apporté à l'atmosphère. Même les déplacements du personnage principal, enfermé dans un scaphandre qui symbolise à la fois sa planche de salut et son cercueil, ont été pensés pour servir le propos du jeu. La lenteur des déplacements qui tranchent avec l'urgence de la situation, la sécurité offerte par le scaphandre contrebalancée par l'omniprésence de la mort autour de soi, les avancées technologiques de l'homme mises à mal par la nature elle-même, qui finit toujours pas avoir le dernier mot, Honor Code est parvenu à restituer tout cela en utilisant le moteur Unity de bien jolie façon. En plaçant le joueur derrière la bulle protectrice d'un casque bien visible, avec les indicateurs nécessaires pour connaître ses réserves d'oxygène et l'énergie restante des propulseurs - que l'on peut même voir dans le reflet de la visière pour éviter devoir baisser les yeux -, le studio est brillamment parvenu à restituer toute l'oppression que ressent le personnage coincé dans un milieu où sa vie ne tient plus qu'à un fil.
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