Tout juste placée entre la scène indépendante et les blockbusters à gros budget de l’industrie du jeu vidéo, on trouve la catégorie des AA, ou double-A, qui continue heureusement de fidéliser un public amateur de productions intermédiaires. Parmi les structures les plus prolifiques à ce niveau il y a indéniablement Spiders, un studio parisien dont les univers originaux nous font voyager depuis 2011 (Faery: Legends of Avalon). Puis vinrent Mars War Logs, Bound by Flame, The Technomancer, les développeurs prouvant à chaque nouvelle création leur capacité à les rendre meilleures, sans pour autant rogner sur leurs ambitions. Très clairement cependant, c’est surtout grâce à Greedfall, dont on attend d’ailleurs la suite, qu’ils sont parvenus à asseoir leur réputation. Désormais sous la houlette de Nacon, Spiders revient une fois de plus avec un nouvel univers, une uchronie teintée de steampunk de surcroît. Après plusieurs années de développement, Steelrising arrive demain sur PC, Playstation 5 et Xbox Series X mais comme Nacon a pu nous fournir une version review du jeu il y a presque trois semaines, nous pouvons vous donner notre avis sur ses qualités et ses faiblesses la veille de son lancement. On préfère vous prévenir des fois que la review vidéo ne vous suffirait pas, vous allez avoir de la lecture à ne plus savoir qu’en faire.
Avant de nous lancer dans le plus gros morceau de cet article, à savoir le détail des mécaniques de jeu et notre avis sur son gameplay, commençons tout d’abord par quelques mots concernant son intrigue. Vous le savez sans doute déjà, les événements de Steelrising se déroulent en 1789, une période de notre histoire connue de tout le monde dans l’hexagone, du moins dans ses grandes lignes. Ubisoft avait également visé cette lointaine époque pour planter le décor d’Assassin’s Creed Unity, mais s’il existe toujours une part de fiction dans les productions du géant français du jeu en monde ouvert, elle demeure nettement plus modérée que dans le titre de Spiders. En effet, le studio parisien nous invite dans un passé alternatif où l’Histoire a pris un bien autre tournant. À la différence de Matrix, dont le héros était invité à choisir une pastille (une pilule en fait, mais il faut bien justifier nos intertitres) rouge pour ouvrir les yeux à la réalité, le joueur de Steelrising va devoir opter pour la bleue, celle d’une Histoire de France revisitée par les scénaristes de Spiders. Bleue comme le sang des nobles au XVIIIe siècle, donc comme celui du roi Louis XVI, qui obtient ici une chance de tuer la révolution dans l'œuf. Grâce au travail d’un certain Monsieur De Vaucanson, le dernier monarque français se voit offrir une armée d’automates redoutables et potentiellement imbattables. Loin de garder la tête sur les épaules, le souverain les lance à l’assaut de la capitale, mais le massacre ne s’arrête pas aux seuls récalcitrants puisque même ses soldats de chair et de sang en font les frais.
La reine elle-même se rend bien compte que quelque chose ne va pas, que son époux a peut-être bel et bien perdu la tête. En l’enfermant dans sa résidence de Saint-Cloud pour sa propre protection, il lui donne plutôt l’impression d’en avoir fait une captive impuissante, prisonnière de sa cage dorée. L’inquiétude de la reine est donc à son paroxysme quand débute l’aventure, et sur les conseils de son amie et confidente Gabrielle de Polignac, elle décide d’envoyer son propre automate garde du corps en mission. Aegis, puisque c’est son nom, se voit chargée de découvrir les sombres desseins du roi, mais également de retrouver la trace de Monsieur De Vaucanson, créateur de ces machines infernales, afin de lui demander de mettre un terme à toute cette folie. Torturée par le décès inexpliqué de son jeune fils quelque temps plus tôt, Marie-Antoinette va aussi demander à Aegis d’enquêter sur sa disparition pour faire la lumière sur les circonstances de sa mort. Une mise en situation plutôt efficace narrativement parlant, même si l’immersion pendant les scènes cinématiques n’est pas vraiment aidée par la modélisation datée des visages des différents protagonistes. La raideur de leurs animations faciales se charge également de nous rappeler que l'on a affaire à une production plus modeste et qu'il va falloir quelques efforts pour entrer pleinement dans l'histoire que l'on cherche à nous raconter.
Ceci mis à part, l’intrigue de Steelrising a le mérite de se suivre avec un certain intérêt, la rencontre avec d’illustres personnages historiques donnant lieu à bon nombre de dialogues qui mélangent habilement fiction et réalité. Steelrising a beau se démarquer des précédentes productions du studio en ne mettant pas le joueur aux commandes d’une équipe, en levant légèrement le pied sur la narration, il n’en reste pas moins un jeu où l’on va discuter, se renseigner auprès des hommes et femmes croisés, et même faire quelques choix. Ces derniers auront évidemment un impact potentiel sur le dénouement du jeu, mais si on nous en a bien promis plusieurs, nous n’avons malheureusement pas eu le temps d’en voir plus d’un. Après avoir sauvé la vie d'un certain nombre de ces figures de notre Histoire, Aegis devra régulièrement les retrouver dans un lieu tenu secret pour les informer sur sa progression ou leur demander des informations supplémentaires. On l’expliquera plus en détail tout à l’heure, mais en plus des objectifs liés à sa mission principale, Aegis pourra également leur rendre divers services, qu’ils soient dans l’intérêt de la nation ou bien plus personnels. La quête principale contient évidemment son lot de petites surprises, et on finira évidemment par découvrir pourquoi Aegis est le seul automate doué de parole.
Jeu Spiders oblige, votre première vraie interaction avec Steelrising sera de créer votre personnage, ou plus précisément de choisir son apparence physique et sa classe. C’est un défaut que l’on peut faire à de nombreux jeux, y compris à des titres au budget bien plus confortable, mais les possibilités de personnalisation restent assez limitées. Il est possible de choisir la matière du corps d’Aegis parmi sept, la perruque qu’elle arborera pendant tout le jeu (il y en a seulement huit) et enfin son type de visage (on en compte sept uniquement). Spiders se rattrape avec les nombreux vêtements aux statistiques uniques que l’on peut lui faire porter histoire de lui faire changer un peu de style tout en lui offrant une protection adaptée à ses besoins. Après les choix purement cosmétiques, on nous demande d’opter pour une classe de personnage. Il en existe quatre, chacune venant avec des bonifications distinctes sur les caractéristiques d’Aegis ainsi qu'un équipement dédié (arme et objet). Sachez cependant que, comme souvent dans ce type de jeu, vous pourrez faire évoluer votre personnage comme bon vous semble et délaisser certaines caractéristiques au profit d’autres, tout cela en fonction de l’orientation que vous aurez choisie. Celle-ci dépendra essentiellement du type d’armes utilisées, sachant que, comme dans les Souls, leur puissance et leur efficacité seront indexées sur des caractéristiques bien précises.
La Garde du Corps aura par exemple tout intérêt à ne pas dépenser ses points d’expérience dans l’agilité, la classe étant plutôt tournée vers les statistiques de robustesse (santé et équilibre) et d'ingénierie (armure, chance de loot et efficacité des afflictions portées à l’ennemi), au contraire de la Danseuse, qui partira avec un avantage côté vigueur (endurance et coups critiques) et une meilleure agilité donc (celle-ci favorisant les dégâts physiques et la capacité d’immobilisation). La Soldate se veut l'équivalent d'une classe intermédiaire, qui s’appuie sur la puissance (dégâts physiques et statistique de déséquilibre) et la vigueur. Enfin, l’Alchimiste mise tout sur les attaques et les résistances élémentaires (alchimie élémentaire et ingénierie). En plus d’un équipement unique et d'un bonus statistique, chaque classe dispose d’un consommable de départ bien différent. La Garde du Corps embarque une grenade de pétrification (très efficace pour immobiliser l’ennemi et lui décocher une attaque critique), la Soldate une grenade explosive (votre meilleure alliée contre les boss comme on le verra), la Danseuse une grenade incendiaire (pratique elle aussi, notamment car elle inflige des dégâts sur la durée) et l’Alchimiste une fiole de résistance élémentaire. Un petit conseil peut-être, si toutes les classes sont parfaitement viables pour débuter l’aventure, il nous a semblé que la Garde du Corps, bien que plus lente dans ses attaques, est la plus adaptée quand on découvre le jeu.
D’une part, elle frappe un peu plus fort que les autres grâce à son arme lourde, mais surtout, elle peut attaquer d’assez loin, ce qui évite de devoir rester au corps-à-corps alors que l'on ne maîtrise pas encore suffisamment les esquives et que l'on découvre à peine les mouvements offensifs ennemis. L’attaque sautée avec cette classe s’avère particulièrement efficace, d’autant qu’il est possible d’enchaîner un combo aérien de trois coups (deux faibles et un fort pour terminer). Sans vous mettre totalement à l’abri d’une riposte de votre adversaire, cela peut tout de même bien vous faciliter les choses au départ À cette allonge assez salvatrice quand on débute (du moins pour nous), il faut ajouter la possibilité de déséquilibrer les ennemis plus facilement, avec une chance accrue de les interrompre (on n’est heureusement pas dans Thymesia sur ce plan). Nous avons également trouvé que l’arme que la Garde du Corps utilise est celle qui possède le feedback le plus prononcé au niveau des impacts, ce qui permet de mieux ressentir l'arme. Maintenant, cela ne veut pas dire que les autres classes sont à proscrire pour des débutants, tout n’est question que de ressenti manette en main. Le fait de pouvoir compter sur une bonne statistique d’immobilisation avec la Danseuse peut par exemple permettre de bloquer rapidement certains ennemis et de leur porter une attaque critique. Le plus important comme souvent, c’est de trouver une arme avec laquelle vous vous sentez à votre aise, de manière à aborder les combats le plus sereinement possible.
Il ne vous aura pas échappé que Steelrising possède un certain lien de parenté avec les productions From Software. Les Soulsborne ayant le vent en poupe depuis quelques années, on ne s’étonne pas outre mesure de la direction prise par Spiders, mais on ne vous cache pas que l’on s’inquiétait tout de même un peu du résultat. Par le passé, malgré des systèmes de combat fonctionnels, leurs précédents jeux ne brillaient pas particulièrement par les affrontements qu’ils mettaient en scène. Leur prise en main demandait quelques efforts, mais on finissait toujours par y trouver du plaisir. Toutefois, il ne faut pas oublier que des titres comme Greedfall ou The Technomancer s’appuyaient également sur bien d’autres mécaniques pour les rendre plus attractifs. Le combat ne restait donc qu’une composante parmi d’autres, la gestion de son équipe et des relations entre les personnages venant par exemple étoffer l’offre de ces deux titres pour satisfaire l'appétit des rôlistes. Dans Steelrising, la proposition se veut tout de même assez différente, dans le sens où elle reprend quasiment à la lettre le cahier des charges des productions From Software. En bref, vous allez passer l’essentiel de votre temps à vous battre, et pour que cela fonctionne, il fallait que la réactivité et la précision des contrôles ne soient pas pris en défaut et que le feedback soit suffisamment bon pour être convaincant sur la durée. On ne va pas vous mentir, Steelrising demande un petit temps d’adaptation pour se faire à sa jouabilité, ses animations et aux mouvements et attaques des différents ennemis. Aussi, ne vous formalisez pas si le premier semi-boss que vous rencontrerez vous fait mordre la poussière à de nombreuses reprises. Comme souvent, les débuts sont difficiles, mais la pente est nettement moins raide que vous pourriez le penser.
De manière très classique, Aegis est capable de lancer deux types d’attaque, faible et forte, et peut même charger cette dernière pour que le coup porté provoque encore plus de dégâts. Si dans certains jeux, les appuis prolongés sur une touche pour lancer une attaque ne sont pas toujours utilisés par les joueurs dans le feu de l’action, ici, les mouvements sciemment “saccadés” des automates ennemis permettent d’utiliser cette technique à son avantage. Une esquive bien placée sur le côté (ou en arrière) peut en effet vous laisser le temps de charger votre attaque avant que votre adversaire ne soit de nouveau suffisamment proche de vous pour vous toucher. Bien sûr, cette tactique est beaucoup plus facile à placer quand on dispose d’une arme disposant d'une bonne allonge, mais quoi qu’il arrive, il vous faudra apprendre les déplacements de vos ennemis pour pouvoir lancer ce genre d’attaque au bon moment. L’affectation des boutons de la manette est identique à celle des Soulsbornes, à savoir que l’attaque rapide est assignée à la touche RB/R1 tandis que la puissante se trouve sur RT/R2. Un mouvement d’évitement est aussi disponible bien sûr, celui-ci étant soumis à une jauge d’endurance qui se vide à chaque fois que l'on sprinte, saute ou frappe. Si vous trouvez étrange que les actions d'un automate soient dépendantes d'une telle jauge, Spiders a pensé à le justifier. Puisque l’on joue une machine, le moindre mouvement offensif ou acrobatique peut entraîner un risque de surchauffe, qui peut aller jusqu’à bloquer le personnage pendant quelques précieuses secondes dès que la barre d’endurance est complètement dépensée. Petite subtilité, une fois vidée, vous avez un très bref instant pour appuyer sur la touche Y/Triangle et lancer le refroidissement de votre carcasse pour récupérer instantanément plus ou moins d’endurance. Attention cependant car la manipulation peut provoquer un gel temporaire des rouages d’Aegis, ce qui oblige à marteler la touche d’esquive pour retrouver l’usage de ses mouvements. Reste que cette récupération opportune d’endurance peut vous permettre de lancer la glissade de la dernière chance qui vous mettra à l’abri d’une prochaine attaque. Reste ensuite à prendre le large quelques instant en attendant de récupérer assez d’endurance pour repartir à l’assaut.
Comme nous l’avons déjà plus ou moins évoqué, le choix des armes est toujours de première importance dans un Souls-like. Steelrising ne déroge évidemment pas à cette règle et il s’inspire même vaguement des cendres de guerre d’Elden Ring. En effet, chaque arme dispose d’un spécial (assigné à la touche LT/L2) qui, en fonction de celle que l’on a en main, va tantôt permettre de lancer une attaque unique, tantôt vous donner la possibilité de vous défendre à l’aide d’un bouclier. En général, les coups spéciaux offensifs s’appuient sur des armes à feu utilisant des munitions élémentaires, mais comme certains peuvent être particulièrement dévastateurs (y compris contre les boss), ils valent largement les quelques cartouches qu'ils vous feront dépenser. La gestion du bouclier demande un peu de pratique au départ, Aegis ne le levant pas forcément immédiatement quand on appuie sur la touche correspondante. L’animation qui transforme l’arme en bouclier (fort élégante d’ailleurs) demande un certain temps et il faut le prendre en compte. De plus, si le personnage est lancé dans une autre animation au moment où l'on déclenche la parade, il est aussi possible que la commande ne soit pas prise en compte, ce qui oblige à bien anticiper sa défense. Cela peut être un peu déroutant au départ, mais on finit par s’y faire et, à condition de posséder suffisamment d’endurance pour encaisser l’attaque reçue et de ne pas tenter de bloquer un coup imparable, se protéger est clairement une tactique valable, que certains ennemis n’hésiteront pas à utiliser contre vous d’ailleurs.
Autre mécanique qui demande un peu d’entraînement, le changement d’arme à la volée via le bouton haut de la croix directionnelle. Une fois de plus, l’animation prend un petit peu de temps, mais surtout, il n’est pas possible de lancer la commande à n’importe quel moment. Par exemple, si l'on fait feu avec un fusil alors que l'on est en plein saut, il est impossible de passer à son arme de mêlée tant que l'on est encore en l’air. Il faut donc attendre qu’Aegis termine son animation et retouche le sol. C’est un peu dommage, car sans cette limitation, le gameplay aurait pu gagner un peu plus en dynamisme. Même chose toutefois, une fois que l’on a pris le coup de main, ce n’est pas fondamentalement gênant, même s’il peut arriver que l’on soit obligé de s’y reprendre à plusieurs reprises pour réussir le changement. Cette action est indéniablement utile quand on a recours à des armes à distance qui sont associées à des effets élémentaires. Par exemple, le mousquet de glace que l’on obtient très tôt dans l’aventure est absolument indispensable pour aborder plus sereinement la fin du niveau à Saint-Cloud et le suivant. Il permet en effet d’immobiliser ses ennemis sans être obligé de s’en approcher, tout en leur causant quelques dégâts au passage. Il ne vous reste ensuite plus qu’à revenir à votre arme de mêlée, charger votre attaque (ou non, c'est à vous de choisir après tout) et enfin frapper votre adversaire sans défense. Si l'on peut tout à fait équiper une arme lourde et une arme plus rapide et n’opter que pour le corps-à-corps, l’utilisation d’une arme à feu en soutien est une très bonne idée pour commencer. Au début, il faut faire un peu plus attention aux munitions dont on dispose et on ne peut donc pas vraiment en abuser, mais avec le temps, le loot amassé et les passages réguliers à la boutique (nous y reviendrons), votre stock sera tel que vous pourrez laisser parler la poudre.
Mais voilà que l'on arrive enfin au point qui nous fait dire que Steelrising est sans doute plus Souls-lite dans l'âme que Souls-like : son niveau de difficulté. Au premier lancement du jeu, pour rassurer les joueurs et joueuses moins expérimentées, Spiders nous propose d’activer le mode Assistance, qui permet de personnaliser son expérience en modulant l’exigence du gameplay. Ainsi, il est parfaitement possible de diminuer le pourcentage de dégâts reçus, d’accroître la remontée de l’endurance ou de rendre la mécanique de refroidissement plus accessible. On peut même décider de ne pas perdre ses points d’expérience après chaque mort. Spiders annonce la couleur, ce mode est destiné à celles et ceux que le challenge rebute, ce qui laisse présager d'un challenge important. Les développeurs précisent même que leur titre a été pensé pour offrir une certaine résistance au joueur. L’idée de ce mode Assistance est excellente, car elle tord le cou aux éventuels débats sur l’absence de niveaux de difficulté dans ce genre de jeu, mais compte tenu du fait que Steelrising est nettement plus abordable que les Nioh et autres Dark Souls, il n’est pas dit que cela soit utile à beaucoup de monde. On ira même jusqu’à dire que les habitués des jeux From Software risquent de trouver l’expérience bien trop abordable, surtout face aux boss. Que les choses soient claires en revanche, les débuts dans Steelrising ne sont pas forcément de tout repos, le temps de bien s'approprier ses mécaniques et son feeling général. On meurt régulièrement, notamment contre le premier semi-boss que l’on rencontre, et on se dit que l'on n'est pas sorti de l'auberge. Quelques minutes plus tard, face au boss de fin de zone, le niveau de difficulté baisse de plusieurs crans...
D’une manière générale, les véritables boss n’opposent pas une grande résistance, et rares sont les affrontements où nous avons été obligés de nous y reprendre à deux fois. En fait, notre seul échec face à ces Titans, on le doit à une attaque de zone électrique dans laquelle nous nous sommes retrouvés coincés et qui a vidé notre jauge de vie en quelques secondes. Dommage quand on sait que la vie de notre adversaire ne tenait plus qu’à un fil à ce moment là. La relative facilité des combats, on la doit à plusieurs facteurs. Pour commencer, les attaques des boss sont pour la plupart très lisibles, ce qui permet de les éviter sans devoir nécessairement passer par une longue phase d’observation et d’apprentissage. Ce n’est pas forcément un défaut en soi, car après tout, il n’y a rien de plus frustrant que de subir des dommages à cause d’une attaque que l’on ne pouvait absolument pas voir venir, mais cela tend tout de même à faire baisser la tension lors de ces face-à-face. Il faut à l’évidence faire preuve de patience et de prudence pour ne pas essayer d'envoyer le coup de trop, la gestion des items de soin compte également, mais ce micro-management est surtout important au tout début du jeu, quand on ne dispose pas d’un inventaire très fourni. Car en effet, la seconde raison qui explique la facilité des combats de boss, c’est le fait que l’on puisse transporter autant de grenades et de flacons d’huile ordinaire (qui régénèrent la barre de vie petit à petit pendant vingt secondes) que l’on en trouve (ou que l’on peut en acheter).
Le problème, c’est que tous les boss sont très sensibles aux différentes grenades, notamment celles qui sont explosives et causent des dégâts bien plus élevés que n’importe laquelle de vos armes. Quand on en possède suffisamment, il est donc possible de vaincre un boss à la première tentative sans jamais s’en approcher et, pire, sans jamais se faire toucher. Comme le lock est automatique, n’importe qui devrait donc pouvoir se débarrasser d’un adversaire imposant en quelques minutes à peine. En atteste l’extrait de notre GSY Offline en anglais, alors que nous traversions seulement la troisième zone explorable du jeu. Et quand bien même vous n’auriez pas suffisamment de grenades pour blesser (ou immobiliser) ledit boss, il vous suffira de temporiser le temps de récupérer de la vie en jonglant entre vos burettes d’huile (l'équivalent des fioles d’Esthus de Dark Souls, uniquement disponibles en nombre limité) et vos flacons d’huile ordinaire. Sans aller jusqu’à dire que vous allez obligatoirement rouler sur tous vos adversaires, on peut au moins vous affirmer que vous ne devriez pas ressentir la tension qui vous assaille à chaque nouveau boss d’un jeu From Software. Alors, vous allez nous dire que rien ne nous oblige à utiliser les grenades, et qu’elles peuvent même être considérées comme une façon d’aborder le jeu en mode facile. Dans un sens, c’est vrai, vous auriez raison, mais on ne peut s’empêcher de trouver dommage que les développeurs de Spiders n’aient pas eu un peu plus confiance en leur système de combat, qui est pourtant le plus abouti et le plus réussi (en termes de sensations) de toutes leurs productions passées. Il aurait peut-être suffit de limiter le nombre de grenades et de flacons transportables pour éviter que les joueurs en abusent, ou d'en réduire les effets mais, pour l’instant du moins (on n’est pas à l’abri d’un patch pour rééquilibrer tout cela), ce n’est pas le cas. La conséquence de ces choix de design, c’est que, pour quelqu'un qui décide d'économiser ses grenades pour le prochain boss, les ennemis de base finissent par devenir les adversaires les plus dangereux du jeu…
Cela ne veut pas dire pour autant que Steelrising ne procure pas de bonnes sensations, ni qu’il ne parvient jamais à transmettre un sentiment de progression satisfaisant. La courbe de progression se ressent pourtant très nettement et elle procure beaucoup de satisfaction, mais elle est peut-être un brin trop rapide, la faute à une montée en puissance qui ne prend pas assez son temps pour laisser le joueur mesurer la portée de ses progrès. Nous n’avons pourtant pas pratiqué de farming abusif, nous nous sommes juste contentés de nous acquitter des services demandés par les personnages secondaires quand ils étaient disponibles. Les services, ce sont les missions secondaires de Steelrising, confiées par tous les hommes d'État ou d'Église que vous sauverez en terrassant les différents boss. Des boss qui vous permettront aussi de débloquer de nouveaux outils, qui vous serviront aussi bien pendant les combats que pour l’exploration. Dash aérien (pratique pour esquiver en l’air, atteindre certaines plateformes, ou même lancer une attaque bélier givrante sur un ennemi), grappin (pour accélérer les déplacements dans les niveaux aussi bien que pour frapper un adversaire en lui portant une attaque électrique), renforcement des jambes d’Aegis pour enfoncer les petits portails ou les murs un peu friables, tout cela donnant accès à de nouvelles zones à la manière d’un Metroidvania. Mine de rien, tous ces systèmes enrichissent énormément le gameplay, tout en permettant au joueur de tirer de plus en plus profit de la verticalité (relative) des niveaux. On précise d'ailleurs que l’héroïne étant capable de sauter dès le début du jeu (même si les animations restent assez raides de ce côté).
Si ces capacités serviront aussi à progresser dans les nouveaux niveaux débloqués pour faire avancer l’histoire, on pourra aussi les mettre à profit dans les quartiers de Paris déjà visités. La bonne idée de Spiders, c’est que les services que nous évoquions plus haut ont la bonne idée de nous guider vers des accès autrefois bloqués, qui donneront par exemple accès à de nouvelles pièces d’équipement, des ressources ou des consommables supplémentaires. Steelrising ne se la joue donc pas trop Elden Ring avec ses zones immenses dissimulées aux yeux de tous. En effet, à l’exception de quelques petites zones un peu mieux cachées, le jeu de Spiders nous guide le plus possible vers son contenu de manière à rendre la progression plus agréable. Il n’existe pas de carte locale des différents quartiers, mais il est possible d’équiper une boussole, qui fera apparaître le point d’objectif à l'écran. Reste ensuite à trouver le bon chemin pour y parvenir dans le dédale des rues parisiennes, ce qui n'est pas toujours évident. La première fois que l’on découvre un quartier, l’impression qui prédomine est celle d’un chemin très balisé où seul un itinéraire est possible, mais au final, après avoir débloqué moult raccourcis (certains plus faciles à anticiper que d’autres), on se rend compte de la construction assez labyrinthique des lieux explorés. Sans atteindre la densité et la complexité du level design d’un Dark Souls, Steelrising s’en sort tout à fait honorablement à ce niveau, et dans la première moitié de l’aventure au moins, la peur de perdre toutes ses mânes collectées avant d’atteindre la prochaine Vestale est bel et bien palpable.
Les mânes vous l’aurez compris, ce sont les âmes (ou runes) du nouveau titre de Spiders. On en récolte en se débarrassant de ses adversaires, en rendant certains services ou en utilisant les consommables qui en renferment (une fois de plus, comme dans les jeux From Software). Bien sûr, on sait en permanence combien on en transporte, mais Spiders a eu l’excellente idée de faire passer notre réserve visible sur le HUD du bleu au jaune, pour indiquer que l’on en a amassées en nombre suffisant pour monter d’un niveau. On ne croit pas l’avoir déjà vu ailleurs et on se demande vraiment pourquoi. Sans aller jusqu’à transformer l’expérience, nous avons beaucoup apprécié de ne pas être obligés de nous installer dans une Vestale pour savoir si nous avions assez de points pour améliorer les caractéristiques d'Aegis. Les Vestales, ces sièges mécaniques surmontés d’une majestueuse statue, sont l’équivalent des feux de camp ou autres sites de grâce. En dehors du carrosse, qui permet de voyager d’un quartier à l’autre (et vers lequel il faut d’ailleurs obligatoirement revenir en fin de mission), ce sont les seuls endroits qui permettent d’améliorer son personnage et son équipement. On y dépense ses mânes pour accroître les caractéristiques d’Aegis donc, mais c’est aussi là que l’on pourra renforcer l'efficacité de ses armes (ce qui demandera des ressources bien précises) ou ses burettes d’huile jusqu’au niveau cinq. Aegis peut également s'équiper de boîtiers lui octroyant des bonus divers et variés (meilleur refroidissement, santé augmentée, équilibre accru, etc). Il existe trois niveaux de boîtiers, mais pour les utiliser il faudra au préalable débloquer puis améliorer les emplacements capables de les accueillir. Pour ce faire, vous aurez besoin de clefs, objet que l’on peut trouver en explorant les niveaux (pensez à bien détruire tous les tonneaux que vous croiserez d'ailleurs, on ne sait jamais) ou en passant à la boutique.
Contrairement aux jeux développés par From Software, on ne croise cependant pas de marchands ambulants dans le monde hostile de Steelrising. Les rares personnages qui ne nous veulent pas de mal nous craignent et ils se contentent de nous parler à travers une porte ou derrière une fenêtre. Relativement accessoires, ils n’ont pas vraiment d’autre but que d’habiller un peu la ville en donnant un semblant de vie aux rares survivants qui s’y cachent encore. Entre parenthèses, ces courtes rencontres demandent bizarrement de relancer la conversation manuellement à chaque fin de réplique de votre interlocuteur. Inutile de dire que tout cela est peu intuitif, d’autant qu’il faut maintenir la touche Y/Triangle pour le faire. Il est toutefois possible de les ignorer, car en dehors de quelques mini-quêtes (qui n’apparaissent même pas dans le journal) qui peuvent vous permettre d'obtenir un consommable en récompense, il n’y a pas de réel intérêt à les écouter. Mais nous nous égarons. Revenons donc à la boutique si vous le voulez bien. On ne la croise qu’en deux endroits du jeu : à chaque Vestale où l’on s’assoit pour se requinquer et dans le carrosse qui sert de moyen de locomotion pour aller d’une zone à l’autre de la capitale. Une petite touche Devil May Cry en quelque sorte. Dans cette boutique, on peut aussi décider de vendre l’équipement dont on n’a pas besoin, comme les armes, les vêtements ou les boîtiers qui ne vous servent pas. Ces transactions ne sont pas forcément toujours très intéressantes, car en dehors des armes, le prix de vente reste assez bas, mais c’est une option néanmoins appréciable. Du côté des achats, vous aurez largement de quoi faire : grenades, flacons d’huile ordinaire, fioles de résistance aux différents éléments, fioles d’endurance, munitions alchimiques, vous allez pouvoir faire le plein de consommables. Vêtements et armes peuvent également être acquis par ce biais, tout comme les boîtiers, les clefs (pour les emplacements de boitier) ou les ressources nécessaires pour upgrader les armes.
Un contenu riche donc, prouvant au passage que Spiders est décidément un studio capable de faire bien des choses avec les limites budgétaires que ce type de production impose. Rappelons tout de même que l’équipe derrière le jeu compte à peu près une trentaine de développeurs, ce qui reste très peu en comparaison d’autres structures. D’ailleurs, il faut aussi souligner leur volonté de laisser un maximum de liberté au joueur. Dans son style de jeu ou la manière d’aborder les combats évidemment, quitte parfois à ce que ces décisions de game design l'autorisent à contourner la difficulté un peu trop facilement comme nous l'avons vu. Mais cette souplesse se retrouve également dans d’autres aspects, comme par exemple la possibilité donnée au joueur de sélectionner le prochain quartier qu’il va découvrir plutôt que de le placer sur des rails en lui imposant un ordre précis. Ce qui veut dire au passage que les capacités obtenues en battant les boss ne seront pas récupérées par tout le monde au même moment. On imagine que cela peut probablement rendre certains passages plus compliqués (encore que cela dépendra de la manière dont vous les aborderez), mais jamais vous ne serez bloqué dans votre progression parce qu’il vous manque telle ou telle aptitude. Steelrising respire donc l’amour du travail bien fait. Tout n’y est pas parfait, il faut passer outre une certaine rigidité parfois, y compris dans son aspect plateforme, mais cette nouvelle création est clairement la plus aboutie en termes de sensations de jeu en combat.
Avec tout cela, il nous reste encore à évoquer la réalisation du titre, un sujet très rapidement effleuré en début d’article quand nous avons abordé le cas des scènes cinématiques. Steelrising en compte un certain nombre, sans même parler de tous les passages dédiés aux dialogues entre Aegis et les quelques illustres personnages qu’elle rencontre. Oui, le rendu est encore un peu trop limité pour convaincre pleinement. Oui, cela demande un léger effort pour entrer dans le jeu, car il faut passer outre la modélisation datée des visages, leur manque de charisme et leurs animations faciales très rigides. On regrette vraiment que les personnages les plus convaincants visuellement ne soient finalement pas humains, mais on finit par s'accommoder de ces limitations pour se laisser embarquer par l’excellente direction artistique et les efforts alloués pour créer cet univers original. Pendant les phases de jeu, l’aspect visuel souffle un peu le chaud et le froid techniquement, les premières zones traversées peinant à convaincre pour plusieurs raisons. Tout d’abord, comme on les découvre de jour, on note plus facilement les défauts graphiques, en partie dus à la résolution du mode performance sur consoles (pour nous, la version Xbox Series X). Ensuite, il y a cette première impression d’un level design trop étriqué, même si cela ne dure vraiment que le temps de quitter Saind-Cloud. Heureusement, avec le temps, quand on découvre Paris de nuit, les qualités visuelles du titre se font de plus en plus évidentes : le choix des éclairages, la manière de représenter les rues dévastées de la capitale, tout cela fonctionne parfaitement bien. Même les animations, qui peuvent d'abord sembler un peu saccadées du fait de la nature même d’Aegis et de ses ennemis, montrent de bien jolies choses, voire même une certaine grâce.
Mais pour apprécier Steelrising à sa juste valeur, plutôt que de le comparer à l’incomparable, il faut revenir en arrière et regarder les productions passées du studio. Greedfall avait beau avoir fait de bien beaux progrès par rapport à The Technomancer, il restait perfectible. Nous avons mentionné tout à l’heure la présence d’un mode Performance, qui vise le 60 fps (en le tenant la plupart du temps a priori) mais ne pousse pas trop la qualité d’affichage, qui semble être du 1080p, mais le studio français ne s’est pas contenté de cela. Sur Playstation 5 et Xbox Series X, il est en effet possible de sélectionner deux autres modes graphiques, l’un favorisant la qualité visuelle (avec semble-t-il de très modestes effets de ray tracing sur quelques reflets) et l’autre la résolution. Aucune indication ne donne d’informations précises sur ce que font ces deux modes, mais on peut au moins vous affirmer qu’ils divisent tout de suite le framerate par deux. Ce n’est pas surprenant en soi, puisque c’est généralement le cas de ce genre d’options, mais on regrette néanmoins que le plaisir de jeu soit moins optimal quand on opte pour l’un de ces deux modes. On ne saurait trop vous expliquer pourquoi, n’ayant pas fait d’analyses précises sur ce qui se passe, mais le rendu ne semble jamais totalement fluide, sans pour autant que le jeu soit vraiment victime de ralentissements notables. Est-ce qu’il s’agit encore d’un problème de frame pacing ? Est-ce que les 30 fps ne sont pas vraiment atteints et que l’on se situe un peu en dessous ? Difficile à dire, mais ce qui est sûr, c’est que nous vous conseillons fortement le mode Performance, qui se lance de toute façon par défaut. Et avant de nous tomber dessus à bras raccourcis, rappelez-vous que nous n’avons absolument rien contre le 30 fps et que c’est même ainsi que nous avons terminé nos premières parties de Miles Morales, Rift Apart et Forbidden West.
Steelrising, c'est aussi une bande son très soignée, et même sans Olivier Derivière, les morceaux composés pour le jeu sont une franche réussite. James Hannigan a reçu la lourde tâche de donner un habillage musical à cet univers uchronique et son travail ne démérite pas. On ira même jusqu'à dire que les partitions très épiques des combats de boss sont tellement réussies qu'elles ne sont pas toujours suffisamment bien soutenues par ce qui se passe à l'écran (quand on choisit l'option de facilité en arrosant son adversaire de grenades explosives du moins). Pendant l'exploration, la musique se veut nettement plus discrète mais cela sied parfaitement à l'atmosphère voulue par Spiders. Si l'on devait faire un petit reproche au travail du compositeur, c'est peut-être sur l'implémentation très académique des différents thèmes, qui auraient peut-être aussi pu être un peu plus nombreux. On est peut-être devenu un peu trop exigeant à force d'écouter Olivier Derivière parler de musique adaptative (et pas uniquement dynamique au sens binaire du terme), mais c'est notre ressenti. Nonobstant ce petit détail, nous avons vraiment apprécié les différents thèmes, avec un choix assez pertinent pour les affrontements de base, qui s'accompagnent d'un sentiment de danger permanent grâce à la mélodie inquiétante qui leur a été assignée. Les bruitages versent dans des sonorités très mécaniques, ce qui ne surprendra personne compte tenu du fait que l'on incarne un automate qui se bat contre d'autres machines. Les coups portés sont joliment soulignés par des sons de chocs fracassants qui ajoutent du dynamisme aux combats. Les rouages et les mécaniques d'Aegis peuvent s'entendre à chaque déplacement ou moment de surchauffe et cela donne beaucoup de crédibilité à l'ensemble. Le doublage en anglais est plutôt convenable dans l'ensemble, même si on ne peut s'empêcher de trouver étrange d'entendre des personnages français s'exprimer dans la langue de Shakespeare avec un parfait accent britannique. À cela, il faut ajouter leur prononciation à peine passable des mots français qu'ils ajoutent régulièrement au cours de leurs répliques. Bien que le jeu soit entièrement traduit et sous-titré, difficile de ne pas regretter l'absence d'une VF, qui aurait eu bien du sens ici, même pour un public anglophone.
Tous les commentaires (10)
Vraiment dommage pour la Vf et la difficulté presque inexistante sinon j'aurai peu être craquer très impressionner que seulement une trentaine de personne puisse faire ça.
Vivement minuit ce soir.
Hâte de voir les nouveautés de gameplay vu dans ta vidéo et de tester les différentes armes, moi pour le moment/début c est soldat dont l arme, est un bon compromis niveau allonge et le spécial en distance touche plutôt bien aussi , j ai fait l essentiel de la bêta avec cette arme
Oui j'ai en effet pas mal bossé, comme pour TLOU Part I d'ailleurs, mais comme on a reçu les deux jeux très en avance (et en même temps au final), c'était gérable de proposer tout ce contenu en m'organisant un peu.
Quand je pense aux québécois qui se battent au quotidien pour conserver le français dans un espace géographique totalement anglophone, ça me fait toujours un peu mal de voir que l'état français (loi toubon jamais appliquée) et les boites françaises n'en ont rien à secouer.