Une fois n'est pas coutume, Gamersyde vous propose de faire un bond dans le passé grâce à une plateforme dont on parle très peu ici : le téléphone portable. Les vacances étant souvent propices aux expériences les plus folles, je me suis en effet risqué au téléchargement d'un jeu sur le Play Store de Google, mais pas n'importe lequel évidemment, puisqu'il s'agit du premier à mettre en scène l'inénarrable George Stobbart. Déjà sorti sur DS, Wii et PC il y a de cela trois ans environ, Les Chevaliers de Baphomet : Director's Cut est arrivé il y a peu sur Android, l'occasion pour moi de revenir sur un titre marquant de l'ère Playstation. Profitant de l'été pour arpenter les routes de France et de Navarre, loin de tout équipement de capture made in Gamersyde, vous devrez cette fois vous passer de vidéos et vous contenter d'une petite pause lecture entre deux baignades estivales.
À la sortie des Chevaliers de Baphomet sur PS1 fin 1996, j'avais tout juste 20 ans, mais déjà une longue expérience dans le jeu vidéo. Une expérience en partie gagnée au travers d'un genre phare pour tout aventurier vidéo-ludique des années 80, le point and click. Eh oui, quand on a eu la chance de grandir à l'époque de l'âge d'or du jeu vidéo, de croiser des machines aussi emblématiques que les Amstrad ou autres Atari ou Amiga, on a automatiquement le souvenir de quelques épopées fantastiques remportées à la pointe de la souris : Indiana Jones et la Dernière Croisade, Loom, Monkey Island, Maniac Mansion, Operation Stealth, Croisière pour un Cadavre, King's Quest, Space Quest, et bien sûr Lure of the Temptress. Pourquoi bien sûr ? Tout simplement parce qu'on doit ce très beau jeu d'aventure à une équipe de développeurs talentueux : Revolution Software. Et c'est justement Revolution Sotware, porté par un Charles Cecil très motivé, qui nous a offert sur un plateau les premières aventures de George Stobbart.
En dépit d'un accueil critique excellent et d'un vrai succès auprès des joueurs, il me faut avouer qu'à l'époque, je n'avais jamais dépassé le stade de la version d'essai. Plusieurs explications à cela : tout d'abord, il m'était difficile d'accepter l'idée qu'on puisse jouer à un point and click à la manette, et il n'était pas question d'investir dans une souris compatible pour retrouver un confort optimal. Ensuite, contaminé que j'étais par le pouvoir de la 3D et le nouveau visage de l'aventure sur console (Tomb Raider, Resident Evil), le jeu de Charles Cecil revêtait un aspect quelque peu désuet à mon goût, cela même si on avait rarement vu aussi réussi dans le genre depuis les superbes jeux PC VGA 256 couleurs. Difficile en effet à cette époque de revenir à ces préceptes de jeu que l'on considérait déjà presque comme anciens, alors même que de nouveaux horizons s'ouvraient. Beaucoup, comme moi, avaient donc cédé à l'appel de ces sirènes technologiques et avaient manqué le rendez-vous avec le touriste américain le plus sympathique de l'histoire du jeu vidéo.
L'évolution du marché a d'ailleurs largement confirmé cette tendance quelques années plus tard, quand Charles Cecil a dû se plier aux exigences d'éditeurs convaincus que la 2D avait fait son temps. Contraint et forcé, le voilà donc obligé de proposer son troisième épisode en 3D, plus de sept ans après la sortie du premier volet. Suivra un quatrième opus en 2006, toujours en 3D, avant la disparition pure et simple de la série. Mais c'était sans compter sur l'avènement du (presque) tout digital et de la réédition des gloires passées pour les faire découvrir à un nouveau public. Une tendance que certains voient plus mercantile et opportuniste qu'autre chose, mais qui permet néanmoins à ceux qui étaient passés à côté de titres cultes de se rattraper. N'oublions pas non plus que ce mode de distribution digitale autorise des studios comme Revolution à se lancer dans de nouveaux projets, sans forcément avoir à passer par des éditeurs de plus en plus frileux. C'est d'ailleurs grâce à cela que l'équipe de Charles Cecil peut travailler sur un tout nouveau jeu d'aventure (en 2D !).
Cette version Director's Cut, en plus d'apporter une réactualisation des graphismes en haute définition (j'y reviendrai), est aussi l'occasion de découvrir un pan inconnu de l'histoire de Nico, la jeune journaliste qui avait un rôle beaucoup plus anecdotique dans le jeu original. L'histoire ne commence donc pas par le fameux attentat orchestré de main de clown (à prononcer à l'anglaise pour plus d'effet) dans le café où l'insouciant Stobbart sirote un bon café au lait. Tout débute donc avec Nicole Collard, alors qu'elle est conviée par un grand ponte des médias pour une interview exclusive. Évidemment, tout ne se passe pas comme prévu et l'homme se fait assassiner, quasiment sous ses yeux. Commence alors une enquête qui amènera Nico à rencontrer George, mais qui révèlera aussi une (petite) partie du passé de la journaliste. Si ce n'est quelques nouveaux environnements et les énigmes qui vont avec, ces scènes supplémentaires n'apportent finalement pas grand-chose à l'œuvre originale, mais ne viennent cependant pas la dénaturer. À prendre donc comme un simple bonus et non comme un ajout essentiel à l'histoire.
Pour le reste, on retrouve avec plaisir les nombreux tableaux dessinés par Eoghan Cahill et Neil Breen, toujours très colorés, et rendant un bel hommage à la capitale française (en dépit des clichés, comme ces policiers habillés à l'ancienne), entre autres. Car Les Chevaliers de Baphomet propose aussi de voyager par delà les frontières de l'hexagone, de la Grande Bretagne à l'Espagne, en passant par la Syrie. Autant de destinations qui donnent lieu à des rencontres aussi décalées que drôles. Le jeu peut en effet compter sur une galerie de personnages réussis, avec juste ce qu'il faut de caricature pour poser leur personnalité. Amis comme ennemis vous gratifieront de dialogues remplis d'humour (les quelques références "culturelles" de l'époque devraient plaire aux plus anciens) et d'un doublage de qualité dans l'ensemble. Certes, les anglicistes tiqueront un peu en entendant des personnages supposés anglo-saxons massacrer la prononciation du nom Maguire, ou quand l'accent américain de Stobbart prend des sonorités quasi antillaises, mais les voix d'Emmanuel Curtil (Jim Carey), Philippe Peythieu (Homer Simpson) ou Pierre Hatet (Christopher Lloyd) demeurent, aujourd'hui encore, irrésistibles.
Dommage de devoir supporter la qualité audio très discutable des doublages de l'époque (avec le souffle qui va avec), qui contrastent d'ailleurs très nettement avec les quelques pistes ajoutées pour les nouvelles scènes avec Nico. Il faut donc accepter le rendu très téléphonique des répliques originales (avec des variations parfois très étranges au sein d'un même dialogue), tant et si bien qu'on se demande si l'actrice doublant Nico est bien la même. Les puristes auraient sans doute hurlé si on avait osé refaire entièrement le doublage original (avec des acteurs qui auraient pu être différents), et quand on revoit Superman 1 dans sa version 2001, on les comprend, mais reste qu'au regard du reste de la réalisation, voilà une fausse note dont on serait bien passé. Sur l'écran d'un Samsung Galaxy S2, le jeu affiche des décors magnifiques et des personnages qui ne souffrent pas d'une pixellisation exagérée. On se doute que, sur une tablette 10 pouces, le rendu est un peu moins propre, mais le travail de restauration est de très bonne facture. Il en va de même pour les nouveaux contrôles, parfaitement adaptés au tout tactile et preuve que le point and click a encore de beaux jours devant lui sur portables (téléphones, mais aussi consoles). Il est cependant bon de préciser que le jeu souffre de divers plantages (freezes) vers le milieu de l'aventure, ceux-ci étant vaguement compensés par la rapidité avec laquelle une partie se lance (on se console comme on peut).
Tous les commentaires (5)
Je suis passé complètement à côté de cette série, j'en ai jamais fait un seul ! peut-être qu'un jour... En tout cas, 3 € c'est plus que raisonnable, ça change des portages "lissés HD à l'arrache" à 20 € qu'on peut trouver ailleurs... hum !
Les 2 premiers Broken Sword : des valeurs sures !
Une merveille !
Autre info, tout semble indiquer que le mois prochain, Revolution Software annoncera son prochain jeu, qui semble bien être un nouvel opus de Broken Sword, après de nombreux mea culpa sur les catastrophiques épisodes en 3D. On sait également l'équipe au travail sur un autre jeu d'aventure sur lequel Dave Gibbons, auteur entre autre de Watchmen et à qui l'on doit les nouvelles illustrations des Director's Cut, et qui avait déjà auparavant collaboré sur l'excellent Beneath A Steel Sky, serait très impliqué. Il s'agirait a priori d'une toute nouvelle licence :)