Annoncé pour la première fois en septembre dernier, Child of Light fait partie des titres Ubisoft qui prouvent à quel point l'éditeur français sait encore donner sa chance à des projets plus confidentiels que les grosses licences qui font les choux gras des actionnaires de la firme. Né de l'imagination d'une poignée de développeurs du fameux studio de Montréal responsable des séries les plus célèbres de l'entreprise Guillemot, ce RPG en deux dimensions ne cache pas ses inspirations japonaises. À une époque où les nostalgiques du tour par tour se font de plus en plus nombreux, voilà là une bien belle occasion de briller de mille feux dans le cœur des amoureux du genre. À l'aube du mois de mai, que vaut donc cet appel à la poésie printanière des beaux jours ? On vous laisse le découvrir à la lumière de cette toute nouvelle review made in Gamersyde.
Child of Light propose une invitation au voyage à la poésie suffisamment rare pour le souligner, jusque dans ses lignes de dialogue écrites à grand renfort de rimes et vers. Une fois n'est pas coutume, tout commence par le décès de la jeune héroïne, Aurora, que la maladie semble avoir emportée dans son sommeil, laissant un père accablé par le chagrin et un royaume autrichien en perdition. C'est pourtant là que tout commence pour la jeune fille aux longs cheveux rouges, alors qu'elle se réveille doucement dans le monde mythique de Lemuria. Perdue et désireuse de retrouver ceux à qui elle tient, Aurora commence donc sa quête, bien loin de se douter que le sort de bien des gens repose désormais sur ses frêles épaules. Quelques minutes après son arrivée à Lemuria, la douce enfant fait une première rencontre d'importance en la "personne" d'un petit être de lumière répondant au nom étrange d'Igniculus. Un compagnon qui va lui être bien utile à plus d'un titre, par sa capacité à éclairer les zones sombres, à récupérer les bonus autrement inaccessibles, activer certains mécanismes, guérir Aurora ou ses coéquipiers en leur donnant de précieux points de vie, et même à aveugler ses ennemis pour ralentir leurs attaques. Contrôlable à l'aide du stick droit de la manette (mais également au pavé tactile sur PS4 ou à l'aide d'un second pad en coopération), Igniculus devient vite indispensable à la progression de la jeune héroïne, et c'est pourtant le seul personnage qui ne bénéficiera d'aucun arbre de compétences à développer.
RPG oblige, l'évolution des héros est au cœur du jeu, avec un nombre d'aptitudes conséquent et souvent propres à chaque membre de votre équipe. Des partenaires que l'on rencontre évidemment en parcourant le monde de Lemuria et qui se joignent à Aurora moyennant un petit service pour la plupart. Si l'on peut très bien refuser de les aider et se passer d'eux, on voit mal pourquoi on irait se priver des quêtes secondaires qui en découlent. D'autant qu'en plus de gagner un partenaire de combat, on augmente ses chances de découvrir de nouveaux coffres au trésor et des bonus permanents (santé, magie, rapidité, etc.) en explorant de nouveaux lieux. Chaque zone de jeu regorge en effet de secrets à découvrir, certains passages leur étant d'ailleurs entièrement dédiés comme en atteste notre vidéo "Chasse au trésor". La fouille minutieuse des lieux traversés est donc fortement conseillée, du moins si vous ne voulez pas vous retrouver à cours de potions en plein combat. En effet, aussi surprenant que cela puisse paraître, il n'y a aucune boutique où se procurer de l'équipement ou des concoctions magiques dans le monde de Lemuria. La gestion de l'équipement se limite d'ailleurs à son plus simple appareil, avec l'utilisation de pierres récoltées que l'on peut combiner entre elles pour leur donner divers effets et que l'on ajoute ensuite à son arme, armure ou pendentif. Augmentation de points de vie, meilleure défense magique ou attaque physique liée à un élément, les possibilités sont assez nombreuses et cela permet de personnaliser ses héros.
En plus de son ADN RPG, Child of Light revêt aussi un aspect plate-forme, qui change rapidement dès qu'Aurora découvre la faculté de voler. L'évolution dans les niveaux prend alors en verticalité, avec des déplacements d'une fluidité telle que l'on a vraiment l'impression d'évoluer dans un rêve. Le framerate à 60 images par seconde n'y est évidemment pas étranger, mais cette voluptueuse grâce s'inscrit cependant totalement dans l'esprit de ce conte interactif et sert donc son propos de bien jolie manière. Les pièges à éviter sont assez peu nombreux et jamais très punitifs en mode normal, mais ils ont le mérite de diversifier un peu les mécaniques de gameplay. Souvent, Igniculus pourra bloquer certains d'entre eux pendant un temps donné, de manière à faciliter la tâche de sa jeune équipière, mais il sera également mis à contribution pour résoudre les rares puzzles croisés. À ce titre, on peut regretter le manque d'audace des développeurs, qui auraient pu faire un bien meilleur usage des énigmes basées sur la lumière. Le début est prometteur, avec des ombres qu'il faut projeter sur les bons symboles grâce à Igniculus, mais le jeu se contente de répéter cette séquence plusieurs fois, sans lui apporter la moindre difficulté ou la moindre variation. À l'évidence, l'idée était de ne pas bloquer la progression des novices en la matière, une intention louable, mais si cela ne vient jamais ternir l'expérience, on aurait tout de même souhaité que cet aspect du jeu soit moins plan-plan. Après tout, en 2014, qui s'amuse encore de pousser des caisses pour activer des interrupteurs ?
Mais au delà de l’exploration, le cœur de Child of Light réside bien évidemment dans ses phases de combat au tour par tour savamment orchestrées. Trop faciles en mode normal (où il est quasi impossible de perdre un affrontement), elles révèlent toute leur profondeur en mode difficile. Le principe est simple, car fonctionnant plus ou moins sur la base de l'Active Time Battle, à savoir que chaque personnage doit attendre son tour avant de pouvoir réaliser une action, le temps d'attente dépendant de la rapidité de chacun d'entre eux. Une jauge placée en bas de l'écran permet de savoir qui des alliés ou des ennemis va porter le prochain coup, ce qui a un avantage tactique indéniable pour organiser une défense appropriée. La dernière partie de cette barre correspond au temps nécessaire pour lancer une attaque ou un sort, ou pour utiliser une potion. Si le personnage qui prépare une action reçoit des dégâts pendant cette phase, son tour est annulé et il doit repartir au tout début de la jauge. Bien sûr, grâce à certaines protections magiques, il est possible d'éviter cette annulation, mais encore faut-il avoir le temps de les lancer au préalable. Lorsque vient le tour d'un personnage, le temps se fige et laisse le loisir de choisir la commande de son choix (attaque physique ou magique, position défensive pour réduire les dégâts le temps d'un tour, utilisation de potion). Encore une fois, l'aspect tactique est d'une importance capitale car toutes les actions ne demandent pas le même temps de préparation, ce qui peut grandement influer sur l'issue du combat quand les adversaires sont très rapides. Précisons d'ailleurs qu'il existe 5 vitesses de déroulement des combats dans les options.
L'autre particularité des affrontements de Child of Light tient au fait que seuls deux personnages alliés peuvent occuper le champ de bataille en plus du fidèle Igniculus. Ce dernier, que l'on dirige toujours avec le stick droit (à moins d'y jouer en coopération locale avec un ami), a beau ne pas être là pour faire simple figuration, son usage n'est jamais offensif. En le déplaçant sur un ennemi et en appuyant sur la gâchette droite, la luciole met à profit son pouvoir pour l'aveugler et ralentir sa progression sur la barre de temps. Autre façon pour lui de soutenir ses coéquipiers, se placer à leur hauteur pour leur redonner des points de vie à n'importe quel moment du combat. L'aide, bien que précieuse, n'est pas aussi efficace et rapide que l'utilisation d'une potion ou d'un sort, mais peut néanmoins permettre de résister à quelques attaques supplémentaires. Vous vous en doutez, les capacités d'Igniculus sont logiquement limitées par une jauge qui fond comme neige au soleil. Il est heureusement possible de la régénérer grâce à de petits arbustes présents sur le champ de bataille, qui peuvent également redonner quelques points de vie ou de magie aux autres personnages. Des personnages qui doivent donc apprendre à se coordonner pour être efficaces, notamment contre les boss, plus coriaces à abattre. À chaque tour, il est donc possible d'appeler l'un de ses alliés en renfort, en remplacement de l'un ou l'autre des personnages présents, sans pour autant perdre son tour. Une gymnastique très naturelle qui permet de faire intervenir des combattants de soutien quand les choses tournent mal. Le second intérêt de la manœuvre est de faire tourner son effectif en fonction des besoins offensifs, les monstres croisés n'étant pas tous sensibles aux mêmes éléments.
Malgré la place accordée aux combats et à l'influence JRPG qui se dégage de Child of Light, il est important de préciser que le jeu d'Ubisoft Montréal a le bon goût de ne pas nous imposer une surdose d'affrontements en ne cédant pas à l'appel des attaques aléatoires. Les ennemis sont donc bel et bien visibles dans les décors (même s'ils peuvent parfois se dissimuler dans la pénombre) et peuvent donc être tous évités à partir du moment où Aurora gagne la faculté de voler. Outre le fait que cela rend l'exploration et la recherche d'items beaucoup plus agréable que dans tous les jeux de rôle japonais d'antan, cela permet aussi de surprendre l'adversaire en l'attaquant autant que possible par derrière - Igniculus pouvant bien évidemment l'aveugler pour mieux le prendre par surprise. Comme nous le disions plus haut, le mode normal ne pose pas de difficulté particulière et ne pousse donc pas au fameux "farming" qui demande habituellement d'accumuler les combats et de faire monter ses personnages en niveau pour être de taille pour la suite de l'aventure. La progression s'en trouve fluidifiée, le temps du joueur étant réellement investi dans ce qu'il a envie de faire : avancer dans l'histoire, trouver les coffres ou bonus cachés, faire évoluer son équipe en leur faisant gagner des aptitudes plus puissantes. À ce propos, l'essentiel de l'arbre des compétences est constitué de bonus divers (magie, santé, force, etc.), chaque personnage disposant d'un nombre de sorts limité. On obtient donc des versions plus efficaces de chacun d'entre eux avec le temps plutôt que de découvrir de nouveaux pouvoirs inconnus jusque là.
Solide par son gameplay, Child of Light touche tout bonnement au divin quand il s'agit de sa plastique. L'UBIart Framework est au sommet de son art, au point que l'on se demande encore pourquoi la firme française ne pousse pas le moteur de Michel Ancel et de son équipe plus en avant en multipliant les projets de ce genre. Associés à une direction artistique sublime, les graphismes du jeu offrent un rendu si proche de l'aquarelle que l'on croirait vraiment évoluer au milieu des artworks qui ont servi au développement du titre. Décors comme personnages ont bénéficié d'un tel soin et d'une telle minutie que chaque tableau est un pur délice pour les yeux et que l'on ne peut se lasser de les observer dans leurs moindres détails. Une beauté que nos vidéos de gameplay ont tenté de ne pas sacrifier sur l'autel du bitrate que nous avons évidemment maintenu au niveau habituel en dépit de l'imposante taille des fichiers obtenus. Nous en parlions déjà plus haut, mais la fluidité de l'animation jamais prise en défaut participe aussi grandement au choc visuel, d'autant que la décomposition des mouvements des différents personnages ne souffre d'aucun reproche. La chevelure virevoltante d'Aurora, la multitude de plans dans les décors qui leur donnent toute leur profondeur, les diverses animations qui les composent, toute cette vie insufflée au monde de Lemuria donne beaucoup de corps à l'univers imaginé par Patrick Plourde et sa petite équipe. Un conte qui n'a pas d'autre prétention narrative que celle de réunir les joueurs autour d'un poème visuel et auditif.
On doit la bande son de Child of Light au travail d'une artiste canadienne répondant au nom de Béatrice Martin, plus connue sous un pseudonyme tout aussi empreint de poésie que le jeu lui-même, Cœur de Pirate. Un choix que l'on pourrait trouver étonnant si ce n'est que la jeune chanteuse n'a jamais caché son goût pour la culture japonaise et les mangas. Si la connaissance de ses compositions pour ses albums vous avait laissé quelques doutes quant à sa capacité à habiller dignement l'univers de Child of Light, la simple écoute du thème principal devrait suffire à faire s'envoler vos derniers doutes. Avec une musique dédiée à chaque environnement, à chaque combat de boss, sans compter celle que l'on entend lors des affrontements classique, la bande originale du jeu a de sérieux airs de production Triple-A. Les morceaux composés accompagnent avec justesse les péripéties d'Aurora et de ses compagnons et on se souviendra longtemps des chœurs qui rythment les affrontements mémorables contre les boss du jeu. Avec une bande son aussi soignée, certains se surprendront peut-être de l'absence de voix pour animer les nombreux dialogues entre les personnages - qui n'hésitent pas à se parler régulièrement en fin de combat pour faire connaissance. On se dit pourtant que les vers rédigés pour donner à la narration sa dimension de conte pour enfants auraient largement pu être mis en valeur par des acteurs shakespeariens. Certains y verront un hommage aux vieux RPG japonais ou tout simplement aux livres dont se sont inspirés les développeurs, d'autres ne feront pas cas de ce qui reste finalement un infime détail.
Tous les commentaires (51)
Je vais lire ta review demain matin tranquille devant un petit café même si le jeu est déjà vendu pour moi,Ubi arts c'est vraiment exceptionnel.
Moi je dis respect et je souligne ce jeu comme un nouvelle manière de créer du jeux vidéo en 2014 !
Sinon collector preco
Pour la durée de vie, s'il fallait chiffrer ça serait combien grosso modo?
ps: Daylight aura sa review aussi? Ou vidéos et impressions rapides? Et si oui, quand? Et que sommes-nous? Pourquoi sommes-nous là? Qu'est-ce que l'univers? :rah:
Pour Daylight, review assez courte (en comparaison) demain matin 9h01.
ps: L'image de la review c'est bien l'artwork de Yoshitaka Amano? Il a de la gueule quand même :).
Très bonne review.
GTB : oui l'artwork est bien de lui. Sinon, à ta place je n'aurais pas super hâte. ;p
Niveau durée de vie, je dirais une douzaine d'heures environ (plutot plus que moins) en prenant le temps de l'exploration.
En tout cas gros et bon boulot pour le test.
Par contre petite question, en difficile le jeu offre un peu plus de challenge qu'en normal ou ça devient vraiment difficile avec la nécessité de farmer et de lv up un maximum ses personnages ?
Merci pour le compliment.
Sorry.