On ne présente plus Third Editions, un éditeur très prolifique dans le domaine des ouvrages touchant aux jeux vidéo, mais, comme dirait le trio du podcast Fin du Game, pas que. Après avoir investi mes propres deniers dans une bonne partie de leur catalogue, je me suis laissé tenter par une première critique “littéraire” pour le compte de Gamersyde. Pour ce premier essai, c'est sur Death Stranding que j'ai jeté mon dévolu, Antony Fournier ayant rédigé pas moins de 272 pages sur le dernier jeu de Kojima. "Entre les Mondes de Death Stranding. Créer le Lien par le Jeu" est d'ores et déjà disponible, mais si vous avez besoin d'un petit aperçu de ce que ce livre vous réserve, cet article et cette potentielle nouvelle rubrique tombent peut-être à point nommé.
Note : Si le livre (très récent) dont je vous parle n'est assez logiquement pas concerné, sachez que de nombreux autres sont soldés sur le site de Third jusqu'au 27 juillet.
Comme je l'annonçais en préambule, je suis clairement un fervent lecteur des bouquins Third Editions. "Bioshock. De Rapture à Columbia", "Uncharted. Journal d'un Explorateur", "Les Mystères de Monkey Island. À l'Abordage des Pirates", "La Saga Legacy of Kain. Entre Deux Mondes", "La Création de Prince of Persia. Carnets de Bord de Jordan Mechner" (en version collector s'il vous plaît), autant d'ouvrages que j'ai déjà trouvé le temps de dévorer sur mon temps libre. Quant à la liste de ceux qui attendent sagement dans ma bibliothèque pour être terminés (ou commencés), ils sont encore plus nombreux : "Bienvenue à Silent Hill. Voyage au Cœur de l'Enfer", "L'Œuvre de Fumito Ueda : Une Autre Idée du Jeu Vidéo", "Dark Souls. Par Delà la Mort" Volumes 1 et 2, "Sekiro. La Seconde Vie des Souls"... Pourquoi une telle ferveur pour cet éditeur allez-vous me dire ? Eh bien, parce qu'en plus de soigner leur présentation avec de superbes couvertures, j'ai toujours trouvé leur contenu à la hauteur de mes attentes. Si j'ajoute à tout cela ce que j'ai déjà pu lire chez Pix 'n Love ("L'Histoire de Tomb Raider", "L'Histoire de Donkey Kong", "L'Histoire du Point 'n Click", "et bientôt "L'Histoire de ma Vie à Gamersyde"…) ou Omake Books ("Presse Start"), vous comprendrez que je suis un lecteur assidu et que j'aime me replonger dans les univers qui m'ont fait vibrer. Le seul reproche que je pourrais faire à Third Editions, c'est de ne pas illustrer l'intérieur de leurs livres avec le même soin qu'ils préparent leurs couvertures. C'est une critique un peu injuste, car ce n'est pas le genre d'ouvrages illustrés qu'ils ont vocation à éditer, mais c'est néanmoins un vrai petit regret égoïste que j'ai souvent ressenti en les lisant. Il n'y a donc pas la moindre image à se mettre sous la dent quand on plonge dans l'un de leurs nombreux bouquins dédiés au jeu vidéo, et "Entre les Mondes de Death Stranding. Créer le Lien par le Jeu" ne déroge pas à la règle.
Comme toujours avec Third Editions, le livre se décompose en plusieurs parties soigneusement présentées avec classe et sobriété par un titre associé au Brise Brouillard qui apparaît sur la sublime couverture de la version classique réalisée par Ken Bruno, celle que nous avons reçue (notez au passage que celles de Daniel Ignacio et Anato Finnstark pour l'édition First Print sont tout aussi belles). Tout commence par 64 pages consacrées au parcours d'Hideo Kojima, depuis son enfance passée à dévorer film sur film (ses parents l'obligeant à les visionner en entier avant d'aller se coucher) à la création de son studio en totale indépendance en 2015, après son départ de Konami. On y apprend les détails de son parcours, son évolution au sein de l’éditeur auprès duquel il travaillera pendant près de 30 ans, les jeux majeurs sur lesquels il a mis à profit sa fibre créatrice, la saga Metal Gear Solid y compris bien sûr. Si vous avez déjà eu l'occasion de lire "Metal Gear Solid. Une Œuvre Culte de Hideo Kojima", également chez Third Editions, j'imagine qu'il faudra vous attendre à un petit effet doublon, mais pour moi qui n'avais que quelques modestes connaissances sur l'homme et son histoire, ce passage fut suffisamment instructif pour ne pas me donner l'impression d'une mise en contexte trop rapidement expédiée. De plus, il semble évident que l'auteur avait tout d'abord besoin de retracer le parcours du créateur japonais pour être plus en mesure d'expliquer comment et pourquoi Death Stranding a fini par voir le jour. Le départ imposé de chez Konami, la création de son nouveau studio et l'origine de son logo, la recherche d'un moteur 3D et comment Kojima et son équipe ont finalement aussi participé à l'évolution du Decima Engine, toute cette période est sans doute moins connue pour la plupart des joueurs, ce qui rend cette partie du livre d'autant plus intéressante. Mais que ceux qui s'intéressent surtout au dernier bébé de Kojima Productions ne s'inquiètent pas, cette première partie n'est qu'un sympathique hors-d'œuvre visant surtout à nous mettre en appétit avant le plat de résistance, bien plus copieux.
Les 84 pages suivantes s'intéressent tout d’abord à l’univers de Death Stranding, à son histoire et son lore donc, ce qui permet à l’auteur d’en profiter pour revenir sur les origines du phénomène de néantisation, qui a fini par plonger le monde dans le chaos. Les différents personnages sont évidemment abordés, à commencer par celle qui essaie tant bien que mal de renouer les liens de son pays meurtri, Bridget Strand. Celle dont le “Ha” (son enveloppe physique) et le “Ka” (son esprit, resté sur la Grève mais capable de voyager entre les deux mondes) ont été séparés définitivement suite à un cancer dont elle a été victime quand elle avait une vingtaine d'années... Un personnage central à l'intrigue de Death Stranding, sa mort au tout début de l'aventure servant d'élément déclencheur pour motiver Sam Porter Bridges, le héros du jeu, à poursuivre son œuvre. Antony Fournier prend également le temps d’expliquer les origines du réseau chiral et son fonctionnement et il retrace aussi tout le voyage de Sam à travers ce qui fut autrefois l’Amérique, en n’omettant aucune de ses rencontres importantes. Loin de moi l'idée de résumer l'intrigue souvent bien alambiquée du titre au sein de cette critique, je ne vais donc pas plus entrer dans les détails, mais sachez que cette seconde partie du livre remet les choses suffisamment à plat pour rafraîchir la mémoire du lecteur. Deux ans après avoir terminé Death Stranding sur Playstation 4 Pro, ce petit rappel narratif s'est avéré très efficace, me permettant au passage de bien me réapproprier tout le lexique bien particulier de l'univers imaginé par Hideo Kojima et son équipe.
Le dernier tiers restant s’attarde quant à lui à l’analyse proprement dite, un enchaînement d’autant plus logique que les deux premiers chapitres avaient pour but d’expliquer le cheminement qui a amené Hideo Kojima à créer Death Stranding, à force de réflexions personnelles et professionnelles, mais aussi grâce à toutes les oeuvres qui l’auront inspiré dans sa vie. Mais plutôt que de tomber dans le piège de "l'énumération fastidieuse” de toutes ces références, l’auteur prend le parti de s’intéresser à celles qu’il estime les plus importantes. Tout ce décryptage est proposé sans jamais perdre de vue l'œuvre elle-même pour que les thèmes abordés soient toujours rattachés à la raison de leur intégration dans le game design du jeu. Le style surréaliste du romancier Kōbō Abe (“La Corde”, “L’Homme qui Devient un Bâton”, “L’Homme Boîte”) a par exemple largement influencé Kojima, dans Metal Gear ou Death Stranding mais également dans des titres comme Policenauts ou Snatcher. L’ouvrage prend donc le temps d’expliquer comment l’œuvre de Kōbō Abe a servi à mettre en exergue la thématique de la corde et du bâton dans le jeu de Kojima, pour qui la place laissée à l’interprétation et à la réflexion du joueur est devenue de plus en plus importante au fil du temps. Le septième art a bien sûr aussi façonné les parcours professionnel et personnel du créateur japonais, mais dans Death Stranding, c’est d’un cinéma plus jeune dont il s’est rapproché, à force d’expérience bien sûr, mais aussi grâce à sa rencontre avec Nicolas Winding Refn ("Drive", "Bronson", "Valhalla Rising"), le cinéaste danois qui prête ses traits au personnage de Heartman dans le jeu.
Quelques exemples auxquels il faut ajouter les références liées à l’évolution et la philosophie, quand l'auteur s'attarde encore un peu plus sur les homo ludens, faber et autres demens, sans oublier le jeu vidéo évidemment, avec l'évocation de quelques uns des titres qui poursuivent le même but que Death Stranding - mais pas uniquement. On a même droit à une analyse sur les mondes ouverts et la manière dont leur évolution a permis de façonner celui du jeu de Kojima Productions qui, contrairement à nombre de ses pairs, ne craint pas d'utiliser le vide comme véhicule de son atmosphère et de son propos. C'est d'ailleurs en partie à cause de ce parti-pris que Death Stranding a autant divisé. Bien sûr, impossible d'évoquer le jeu sans s'attarder un peu sur sa bande son (bruitages et BO) et la manière dont elle a été intégrée par Ludvig Forssell et Joel Corelitz. Un passage assez court mais néanmoins passionnant tant musiques et effets sonores participent à l'identité si particulière du titre. Ce troisième chapitre est donc sans doute celui qui s'avérera le plus intéressant pour celles et ceux qui aiment décortiquer les jeux qu’ils apprécient le plus. Pour ma part, j'y ai surtout trouvé la confirmation que le projet, bien qu'ayant pour origine les réflexions de Kojima et ses envies thématiques, n'aurait jamais pu naître sans l'investissement de bien des gens, toutes ces personnes qui ont suivi l'auteur japonais depuis le départ et celles qui ont croisé son chemin et décidé de l'accompagner dans ce voyage incertain du triple A indépendant.
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J'ai également quelques ouvrages de Third Editions, notamment celui sur Halo que j'avais trouvé particulièrement interessant et riche en informations que je ne connaissais pas.
De plus, les ouvrages sont toujours imprimés dans un papier de grande qualité.
Je vais me laisser tenter pour les soldes, il y en a pour tous les goûts.
Moi et les livres vous savez, mais bon je suis tellement fan du jeu que je me devais de l'avoir :)
Là normalement, je devrais pouvoir m'occuper de celui sur TloU qui vient de sortir, parce que c'est l'été et que je peux plus facilement lire que jouer, mais pendant l'année c'est plus chaud. C'est pour ça que jusqu'à maintenant je les ai toujours achetés moi-même.
On m'avait proposé celui sur Jordan Mechner mais je voulais le collector et je n'avais pas le courage de me rajouter du boulot à un moment où on en avait déjà bien assez. :)
Mais merci pour le gentil mot, ça fait plaisir de voir que l'article n'a pas été vain et qu'il a touché au moins une cible. Et oui, il y a pas mal d'ouvrages intéressants concernés par les soldes (celui sur Silent Hill, sur Uncharted, Monkey Island, Legacy of Kain et j'en passe).
En tout cas, j’espère que tu trouveras un peu de temps pour lire les prochaines sorties, mais quand je vois le nombre d’articles que vous avez pondu aujourd’hui j’ai eu du mal à retrouver cet article^^