Cette génération de machines (et nous incluons le PC là-dedans) est décidément bien tristounette quand on y pense. Augmentations des prix régulières, absences de certains studios first party dont on attend encore les vraies nouveautés, remasters à gogo pour compenser un calendrier parfois un peu vide du côté des exclusivités maison, il y a largement de quoi tirer grise mine quand on se penche un peu sur l’état actuel de l’industrie, et c’est sans même parler des nombreuses fermetures de studios et des licenciements qui continuent de faire l’actualité... L’ironie dans tout cela, c’est que des titres relativement conspués par les joueurs et la presse à leur sortie initiale, voire même totalement abandonnés par leur éditeur depuis, ont une chance de faire leur retour, et Days Gone Remastered est de ceux-là. S’il ne fait aucun doute que le titre de Bend Studio mérite amplement que l’on s’y attarde quand on ne le connaît pas, la question est de savoir si la mise à jour PS5 gratuite proposée à la sortie de la console ne rend pas totalement inutile un nouveau remaster, que certains ne manqueront pas de qualifier de très opportuniste.
Note : Nous avons ajouté une vidéo du jeu sur la PS5 de base pour vous montrer les deux modes graphiques disponibles sur cette dernière.
À première vue, l'histoire de Days Gone ne sort pas des sentiers battus. Il faut dire que l'on peut difficilement se faire surprendre par un scénario post-apocalyptique à l'heure où les contextes de ce genre pullulent sous toutes les formes imaginables (cinéma, télévision, bande dessinée, roman, jeu vidéo, etc). Plus de deux ans après une épidémie dont on ne sait rien si ce n'est qu'une bonne partie de la population a été infectée et s'est transformée en monstres affamés, Deacon Saint-John et son fidèle compagnon Boozer se retrouvent dans une bien mauvaise passe au beau milieu de l'Oregon des Goonies et de Stand By Me. Pris au piège par des Rippers, un groupe de survivants complètement déjantés amateurs de scarification, ce dernier se fait brûler le bras au chalumeau sans que l'on sache véritablement pourquoi. Inutile de vous dire qu'une telle mésaventure n'est pas spécialement conseillée à une époque où les antibiotiques et le personnel médical se font rares. L'occasion pour le personnage principal de se démener pour sauver son ami en rendant divers services aux camps locaux auprès desquels sa réputation le précède. Car en effet, Deek (pour les intimes) évolue dans un environnement qu'il connaît bien, au contraire du joueur, qui le découvre par son biais. Ses relations sont déjà établies, et loin du héros amnésique ou de celui qui arrive dans un environnement inconnu, il est déjà parfaitement intégré dans le monde qui l'entoure. Enfin presque, puisque Deacon et Boozer ne semblent pas particulièrement enclins à vivre en communauté, à l'abri des maraudeurs, freakers et autres cinglés du coin. Un duo plutôt à la marge donc, qui accepte juste de venir en aide aux différents chefs de camp à partir du moment où cela peut servir leurs propres intérêts.
Pourtant, n'allez pas croire que Deek fait office de version rajeunie de Joël, héros désabusé de The Last of Us. Il a bien évidemment souffert de la perte d'un être cher, mais il n'en est pas devenu insensible pour autant et il reste fidèle à certains principes. Une approche différente de celle de Naughty Dog donc, mais également une mise en situation moins maîtrisée, l'introduction (non jouable) du jeu peinant à marquer autant que la mémorable ouverture de TLOU. Pour autant, en dépit de l'abus de cinématiques très courtes pas spécialement justifiées (ces échanges ayant largement pu être proposés in-game), Days Gone soigne l'écriture de ses personnages et parvient à les rendre tous attachants. On n'échappe certes pas aux poncifs du genre, avec le conspirationniste qui diffuse sa bonne parole sur les ondes radios, ou le chef de camp un brin tyrannique, mais en prenant son temps pour faire évoluer son histoire, le jeu de Bend Studio parvient à impliquer le joueur dans les diverses relations du personnage principal. Conséquence logique, on a toujours envie d'aller de l'avant, d'en savoir plus sur l'univers dans lequel il évolue et de s'y engager davantage. Pourtant, ce n'est pas le joueur qui laissera sa marque sur le monde qui l'entoure, Days Gone ne proposant finalement aucun choix narratifs pour lui permettre de modeler son expérience. L'histoire de Deacon Saint-John est donc déjà préétablie, une décision à priori fort judicieuse si l'on se base sur l'envie qu'elle génère d'en voir la suite, et tant pis si l'on voit venir certaines révélations à des kilomètres. Le choix de proposer une multitude d'arcs narratifs n'est très clairement pas étranger à ce maintien de la curiosité du joueur au fil des heures.
Ce qui peut surprendre en revanche, c'est la façon dont Days Gone gère son espace de jeu. D'abord assez limitée, la carte du début de l'aventure laisse craindre le pire quant à sa taille, d'autant que l'on est régulièrement amené à repasser par certains lieux. Mais cataloguer le titre de Bend Studio d'open world de poche serait aller un peu vite en besogne. En effet, après vous avoir laissé le temps de prendre vos marques dans les deux premières régions de son monde, Days Gone repousse discrètement les limites de son aire de jeu pour ajouter quelques kilomètres carrés supplémentaires. Une façon plutôt maligne de doser avec soin l'ajout de nouveaux types d'ennemis ou activités, tout en laissant à chacun le temps de s'approprier les lieux. Et alors même que l'on s'attend déjà à voir le bout de l'histoire après une bonne dizaine d'heures de jeu, voilà que l'aventure prend un nouveau tournant et nous fait découvrir la partie sud de la carte, qui n'est pas loin de doubler sa superficie totale. De fait, chaque région possède sa propre ambiance et on y trouve un camp de survivants différent, dont les leaders ont une philosophie distincte qui les rend plus ou moins attachants. Grâce à cela, Bend Studio a pu incorporer un système de confiance entre ces factions et Deacon, qui s'avère à la fois crédible narrativement dans un contexte de fin du monde, mais aussi motivant mécaniquement parlant pour le joueur. Pour chaque service rendu à un camp, on obtient des points qui permettent de débloquer jusqu'à trois niveaux de confiance ainsi que des crédits que l'on ne peut dépenser que dans ledit camp. Encore une fois, il s'agit d'une approche plutôt réaliste de la situation, un groupe de survivants n'ayant pas d'intérêt à vous donner accès à un meilleur équipement s'il se méfie de vous. Monter le niveau de confiance vous permettra donc d'obtenir de nouvelles armes, de nouvelles pièces pour votre moto et divers équipements (silencieux de fortune, munitions, chargeurs plus grands, kits de soins, explosifs, etc).
Si Days Gone n'inclut aucun système faisant évoluer le niveau d'entente en fonction d'éventuelles alliances décidées, il évite néanmoins de trop faciliter la vie du joueur en lui interdisant de dépenser les crédits gagnés dans un camp ailleurs que dans ce dernier. En sus des missions (principales ou secondaires), des nids de freakers à détruire ou des campements de maraudeurs ou de Rippers à nettoyer, il est possible de faire monter son pécule et d'améliorer la relation avec un camp en y ramenant des primes (qui correspondent en fait aux restes d'infectés qui servent de trophées), de la nourriture (la chasse d'animaux comme les loups, les cervidés, les ours ou les félins est possible) ou même des plantes. Pour autant, n'allez pas croire que le jeu abuse de la collecte comme certains de ses concurrents. On ne passe donc pas le clair de son temps à cueillir des fleurs ou à se prendre pour Franck Buck. Ouf, on a eu chaud. Au hasard des routes, on rencontre aussi des personnes en difficulté, qui sont malheureusement souvent identiques (nous avons dû croiser trois ou quatre modèles de personnages différents) et répètent inlassablement les mêmes remerciements. Une fois tirés d'affaire, vous aurez le choix de les diriger vers le camp de votre choix, chacun octroyant des "récompenses" distinctes (crédits, points de confiance, voire les deux). Les événements aléatoires ne sont cependant pas systématiques, et surtout, ils demandent généralement de dévier légèrement de son chemin pour les dénicher. On ne se sent donc pas assailli en permanence et on peut les ignorer totalement pour se concentrer sur la tâche en cours. Jeu moderne oblige, Days Gone n'oublie évidemment pas d'inclure un système de progression de son personnage avec l'obtention de points d'expérience que l'on peut ensuite utiliser pour débloquer de nombreuses compétences.
Ces dernières sont réparties en trois arbres distincts qui sont, encore une fois, très classiques. Ainsi on retrouve les capacités liées au combat à mains nues, aux armes à distance et un aspect plus survivaliste. L'offre est suffisamment riche pour vous permettre de trouver chaussure à votre pied, mais ne vous attendez pas à y trouver beaucoup d'originalité par rapport aux nombreux autres titres du genre. Amélioration de l'efficacité de l'arsenal, discrétion accrue pour devenir un fantôme, rechargement plus rapide des armes à feu, possibilité de récupérer de la vie en réussissant un tir à la tête, meilleure récupération de l'endurance, vous nagerez en terrain connu. En ce qui nous concerne, nous avons mis la priorité sur les deux premiers arbres, les compétences de survie nous semblant moins intéressantes, dans les premiers niveaux du moins. L'aspect "RPG" ne s'arrête cependant pas là, Deacon pouvant également faire évoluer ses trois jauges : vie, endurance et focus. S'il nous semble inutile de vous expliquer le fonctionnement de la première (en dehors du fait qu'elle ne remonte pas automatiquement), sachez que l'endurance n'entre en compte que lorsque le héros sprinte ou lorsqu'il fait des roulades (les attaques de mêlée ne coûtent rien en revanche). Le focus quant à lui fait office de bullet time que l'on peut déclencher avec les armes à feu et celles de jet. Pour augmenter ces trois jauges, il faut se rendre dans les zones relatives à NERO (National Emergency Response Organization) et y trouver la mallette renfermant une seringue de fortifiant. Dans les zones de checkpoint, il vous faudra rétablir le courant pour obtenir l'accès aux baraquements, non sans avoir désactivé tous les haut-parleurs du coin au préalable (sous peine d'attirer tous les infectés du coin une fois l'électricité revenue). Les lieux de crash d'hélicoptère vous demanderont de trouver le tremplin qui vous permettra d'y accéder en moto, mais vous pourrez également dénicher ces précieuses valises dans certaines grottes de la map - quand celles-ci ne seront pas occupées par une colonie de freakers.
Mais si vous connaissez un minimum Days Gone, vous savez d'ores et déjà que le personnage principal n'est pas seul à pouvoir profiter d'améliorations tout au long de la partie. Tel l'oncle Jessie dans la Fête à la Maison, Deacon peut compter sur sa fidèle monture pour ses nombreux déplacements. Jeu vidéo oblige, il sera néanmoins privé de son engin de cœur assez rapidement et devra repartir à zéro pour retrouver une moto plus rapide et plus solide. Un artifice scénaristique à la fois classique et facile, mais qui met son destrier mécanique au centre de l'expérience. Dotée d'une barre de vie et d'un réservoir d'essence, la moto doit être ménagée pour ne pas vous faire faux bond au plus mauvais moment. La panne sèche arrive fréquemment avec les premiers réservoirs débloqués, et il n'est pas rare de devoir partir en quête d'une station service (les pompes ne sont étonnamment pas vides) ou d'un simple bidon. De même, vous ne pourrez pas vous permettre trop de chocs au départ, sous peine de devoir réparer l'engin (à condition d'avoir récolté un minimum de ferraille). À mesure que l'on progresse, de nouvelles pièces deviennent disponibles, ainsi que des livrées spéciales (une customisation esthétique plus personnelle étant également possible). L'ajout d'un turbo (limité dans le temps) améliorera l'effet de vitesse (lui aussi bien limité hélas...) pour quelques secondes, tandis qu'un carénage supplémentaire rendra votre monture plus à même de résister aux accidents ou aux attaques. Les phases d'action à moto ne sont d'ailleurs pas particulièrement excitantes, avec un système de visée automatique qui permet de se débarrasser des loups un peu collants ou des motards adverses (comme ceux que l'on doit rattraper lors des missions de chasseur de primes par exemple). Côté conduite, les sensations sont plutôt bonnes dans l'ensemble, avec une adhérence qui change en fonction de la météo et un jeu des suspensions bien rendu, mais il faut tout de même s'habituer à la latence censée reproduire la lourdeur de la moto avant de pouvoir slalomer entre les carcasses de voiture ou les freakers. Dommage en revanche de ne pas pouvoir profiter d'un meilleur effet de vitesse, même une fois toutes les améliorations obtenues.
Les affrontements en deux-roues ont beau ne pas être spécialement intéressants, ils ont le bon goût de ne pas être trop envahissants. Une fois les deux pieds sur terre, Deacon est heureusement bien plus à l'aise pour s'occuper de ses adversaires, dont certains peuvent lui tendre des embuscades aléatoires au beau milieu de l'open world. Que vous soyez pris pour cible par un sniper ou qu'une corde soit tendue en travers de la route pour vous faire tomber de votre moto, vos déplacements vous obligeront parfois à régler leur compte à un petit groupe de maraudeurs ou de Rippers. Rester attentif pourra vous permettre de surprendre vos adversaires, même si Deacon a (nettement trop) tendance à annoncer la couleur avant que vous ne voyez le moindre pointeur laser se promener dans l'environnement. Cela n'arrive heureusement pas dans le cadre d'une attaque surprise avec le filin tendu. Quand il s'agit d'aborder un camp ennemi, il est bien évidemment possible d'opter pour une approche furtive, aidé des herbes hautes et de votre couteau pour les stealth kills. Attention aux différents pièges parfois posés par les bandits (pièges à ours ou boîtes de conserve attachées à un fil), qui donnent immédiatement l'alerte et vous forcent à sortir les armes, ce qui risque d'attirer l'attention des bêtes sauvages ou des freakers qui rôdent aux alentours. Il peut en effet arriver de voir soudain débarquer une horde de mutants capables de raser un camp en quelques minutes, quand il ne s'agit pas d'un ours ou d'un couguar (infecté ou non). D'une manière générale, les sensations de tir sont très satisfaisantes, avec un bon travail sur les sons et des impacts correctement restitués (même si l'on aurait aimé voir des fusils à pompe plus incisifs). Au corps à corps, sans atteindre le niveau de TLOU et de sa suite, le plaisir de jeu est intact, certaines armes donnant même lieu à des finish moves brutaux à souhait. Il nous faut néanmoins signaler quelques soucis de collision qui peuvent occasionner des moments un peu maladroits (du moins dans la version 1.02 du jeu). Le marquage des ennemis à l'aide des jumelles reste optionnel et il est tout à fait possible de s'en passer et de réussir à s'infiltrer dans une zone. Les lacunes de l'IA (dont nous reparlerons) n'y sont certes pas étrangères, mais n'allez pas croire que la réussite est garantie quand on décide de se faire discret. La possibilité de crafter du matériel (soins, cocktails Molotov, mines, etc) en temps réel (le jeu passant alors au ralenti), très classique au demeurant, s'avère heureusement bien pratique pour improviser une riposte quand on ne l'avait pas anticipée.
Là où une préparation insuffisante ne pardonne pas la moindre erreur, c'est quand il s'agit de s'attaquer à l'une des hordes qui peuplent la carte du jeu. Pris séparément, les freakers ne posent généralement pas trop de problèmes, qu'on les approche furtivement ou frontalement. À partir du moment où l'on est équipé d'une arme de mêlée et qu'on l'a personnalisée un minimum (clous, lames de scie circulaire, etc), le crâne des malheureux infectés ne fait jamais long feu. À dire vrai, il n'est pas non plus trop délicat de gérer plusieurs mutants à la fois, tant que l'on possède assez d'endurance pour déclencher une roulade et éviter leurs coups. L'utilisation d'un fusil ou d'un pistolet est souvent plus sujet à caution, en cela que l'on ne peut jamais être certain de ne pas attirer d'autres camarades de jeu à cause du bruit. Dans les faits, tant qu'une horde (ou une hurleuse) ne traîne pas dans les environs, il n'y a finalement pas trop de crainte à avoir à ce niveau. Attention cependant à ne jamais sous-estimer le surnombre adverse, les infectés n'ayant pas pour habitude de laisser le moindre répit à leurs proies. Ceci est particulièrement vrai lorsque l'on tombe sur une horde au hasard d'une route ou d'un chemin. La première fois que cela nous est arrivé, nous n'en menions pas large et nous avons préféré nous faire tout petit. Plus tard, c'est en prenant nos jambes à notre cou que nous avons évité le pire alors qu'une cinquantaine de freakers venait de s'inviter à une fusillade que nous avions déclenchée avec un groupe de vagabonds un brin belliqueux. Pour toutes ces raisons, s'en prendre à une horde demande un minimum de préparation, à commencer par l'obtention de jauges d'endurance et de focus plus confortables. À l'évidence, posséder suffisamment de bombes/grenades/Molotov et de munitions n'est pas négligeable avant de se lancer dans la mêlée, d'autant que l'on ne se confronte pas forcément à une horde dans une zone bourrée de barils explosifs ou autres pièges à retourner contre ses assaillants.
La présence des hordes est indéniablement ce qui différencie Days Gone des autres jeux du genre, ne serait-ce que pour la performance technique elle-même. Voir une nuée d'infectés foncer sur soi, arrivant de tous les côtés, comme si les bâtiments environnants se mettaient à vomir littéralement leurs locataires pour mieux les laisser vous engloutir, voilà quelque chose qui ne pourra laisser personne indifférent. Toutes les hordes ne sont pas de la même taille bien sûr, certaines ne dépassant pas la cinquantaine d'individus, mais comme on ne peut jamais tellement savoir à quoi on va devoir se mesurer, il y a toujours ce moment d'appréhension quand on comprend que l'on est en territoire ennemi. Il est parfois possible de repérer les lieux discrètement pour se rendre compte de l'ampleur de la tâche qui nous attend, mais la surprise peut tout aussi bien être totale. De jour, les hordes nichent dans leur repaire tandis que de nuit elles se déplacent en quête de nourriture, Days Gone ayant opté pour une approche émergente de son monde et de son gameplay. Chaque espèce vaque donc à ses occupations, avec comme motivation première de rester en vie, et donc de se nourrir. Les interactions aléatoires entre IA ont beau ne rien avoir de révolutionnaire aujourd'hui (Far Cry le faisait déjà depuis plusieurs années quand Days Gone est sorti), elles n'en restent pas moins efficaces, tout particulièrement dans un monde qui se veut très hostile envers le joueur. Alors que nous tentions de fuir une meute de plusieurs centaines de freakers dans la zone du reveal du jeu, quelle n'a pas été notre surprise de voir un broyeur (un mutant bodybuildé) s'interposer entre nous et nos poursuivants, de quoi nous permettre de prendre la poudre d'escampette sans demander notre reste. Ce qui manque peut-être à ces séquences, ce sont des moyens plus variés de s'en sortir, ou un héros capable de plus d'exploits acrobatiques, pour ne pas cantonner le joueur à une course effrénée régulièrement interrompue par une salve de balles ou un jet de grenade/Molotov. C'est d'autant plus visible dans les zones qui ne proposent aucune interaction avec le décor pour aider Deacon face à la horde.
Au bout du compte, cela n'enlève heureusement pas toute la tension de ces passages, pour lesquels il vaut toujours mieux préparer l'affrontement en repérant les lieux et en y plaçant des explosifs pour ensuite amener les infectés à les déclencher. Ces séquences auraient sans doute pu gagner encore plus en intensité si les différents types de freakers faisaient tous partie des hordes, qui ne comptent finalement que des "swarmers", mais cela aurait probablement représenté un défi technologique difficile à réaliser sans devoir faire quelques compromis supplémentaires. Le danger que représente la horde ne fait aucun doute, tout comme la plus-value qu'elle donne au titre, mais il y a selon nous encore moyen de rendre ces séquences encore plus mémorables. Il en va plus ou moins de même avec les catégories de freakers, qui manquent tout de même d'originalité, même si on évite au moins les infectés explosifs qui auraient fait office de kamikazes, ce qui n'aurait pas eu grand sens ici. On retrouve néanmoins certains poncifs du genre, comme l'équivalent de la "witch" de Left4Dead, ou le gros malabar particulièrement résistant aux balles. Days Gone ose malgré tout un peu plus que la moyenne en intégrant des enfants (des adolescents en fait dans l'histoire), plus craintifs et plus fragiles, mais potentiellement dangereux quand ils attaquent à plusieurs. Citons aussi les versions infectées de la faune locale, dont les insupportables corbeaux, plus agressifs encore qu'un joueur Nintendo à l'annonce du prix de Mario Kart World. Et puis il y a l'idée que les freakers évoluent sans cesse pour s'adapter et survivre, ce qui justifie naturellement l'arrivée de nouvelles formes, sans compter le mystère qui entoure l'origine de l'infection. Car en effet, là où la communication autour de TLOU détaillait précisément les causes de l'épidémie, Days Gone choisissait de ne rien expliquer au départ, même si l'on finissait bien par le découvrir au cours de l'aventure.
Comme toutes les exclusivités ou les grosses productions, le jeu de Bend Studio ne peut éviter de passer à la moulinette de l'analyse technique. Premier détail d'importance, au contraire de toutes les exclusivités made in Sony de l’époque, Days Gone ne s'appuyait pas sur un moteur maison mais sur l'Unreal Engine 4 d'Epic. Un choix compréhensible quand on sait que l'équipe de développement ne comportait qu'une centaine d'employés, mais qui pouvait laisser craindre le pire. Pas toujours utilisé de manière convaincante dans les jeux en monde ouvert, l'UE4 ne jouissait pas toujours d'une réputation irréprochable. Locké à 30 images par seconde, et plutôt stable dans l'ensemble, la version PS4 Pro n'en souffrait pas moins d'un stuttering désagréable, voire de quelques micro-freezes en moto. Un problème que même un passage en 1080p ne pouvait régler et qui, bien que supportable, gâchait en partie le plaisir des nombreuses virées en deux-roues. Les choses s’étaient certes améliorées après un certain nombre de mises à jour, mais la réputation du jeu en avait souffert. Dans un autre registre, les manquements de l'IA que nous avions remarqués à l'époque sur PS4 Pro sont assez logiquement toujours d'actualité, avec un comportement irrégulier des humains, tantôt capables de nous repérer de loin, tantôt impassibles alors que nous venions d'exécuter l'un de leurs camarades à quelques mètres d'eux. Rien de fondamentalement différent de ce que l'on peut voir d'habitude dans les open world, mais on n'aurait pas dit non à quelques ajustements à ce niveau. Pour les infectés, compte tenu de leur nature plus binaire, on remarque moins d'aberrations, et Deacon évoluant généralement seul, on ne se trouve jamais face à des monstres qui ne réagissent pas au passage d'un coéquipier (suivez notre regard...). Toujours dans les petits écueils à souligner, mentionnons les temps de chargement un peu trop systématiques, la plupart des cinématiques étant encadrées d'un écran de loading qui hache le rythme de la narration, même si le remaster les raccourcit grâce au SSD de la PS5. Sans attendre du jeu qu'il soit construit comme un long plan séquence (à la manière de God of War), on avait cependant déjà pris l'habitude de pouvoir profiter de transitions plus fluides. Pour couronner le tout, certaines de ces cutscenes n’étaient clairement pas justifiées, dans le sens où Bend aurait largement pu intégrer certains échanges aux phases de gameplay. Pour terminer sur les éléments à charge, la mauvaise habitude qu'ont les leaders de camp de nous appeler pour un nouveau travail moins de deux minutes après les avoir quittés au lieu de le faire avant notre départ, devient rapidement fatigante. Un running gag dont on se serait bien passé, quand bien même il ne s'agit pas réellement d'un défaut technique...
Mais Days Gone c’était aussi de multiples raisons de réjouir les amateurs de jolies choses. Visuellement, le travail des développeurs était assez remarquable en 2019. D'une part, il était difficile de reconnaître la patte UE4, et on sentait bien que les équipes de Bend ne s'étaient pas contentées du minimum en reprenant les outils de base fournis avec le moteur. La modélisation des différents personnages était excellente mais les décors n'étaient pas en reste, sauf peut-être lorsque l'on scrutait les paysages plus lointains - ce que l'on n'a généralement assez peu le temps de faire quand on est pris en chasse par une impressionnante meute de freakers (un autre exploit technique soit dit en passant). Le choix de l'Oregon était aussi très judicieux puisqu'il permettait de proposer une variété bienvenue, tant dans les décors eux-mêmes que dans les conditions climatiques possibles. Pluie, orage, bourrasques de vent, neige et bien sûr soleil, il y avait de quoi faire. Les effets météo étaient d'ailleurs particulièrement soignés, jusque dans les chutes de neige persistantes qui blanchissaient tout l'environnement petit à petit. Seul regret, ce joli manteau blanc disparaissait à la vitesse de la lumière dès que les premières éclaircies pointaient le bout de leur nez. C'est dommage, mais la performance technique était bel et bien là. Tout aussi impressionnants, les effets de lumière sublimaient les paysages traversés. Si vous aviez la chance de posséder un écran HDR à l'époque, difficile d’être déçu, avec des pics de luminosité à 1500 nits et des noirs d'une grande profondeur. La PS4 Pro affichait une résolution en 4K grâce à la technique du checkerboard, on n'était donc pas dans un rendu natif, tandis qu'il fallait se contenter du 1080p sur la PS4 de base. Ajoutez à cela de bons doublages (dans la langue de votre choix, sans même avoir besoin de revenir au menu d'accueil quand vous en changez) et la possibilité de jouer en VOSTFR. Le reste du sound design ne décevait pas plus, des tirs d'armes à feu aux hurlements des monstres ou des animaux sauvages. Petit détour sur l'ergonomie globale pour finir, bravo à Bend Studio pour l'utilisation intelligente du pavé tactile de la manette, qui permettait de naviguer de façon fluide et rapide dans les menus, ce qui n'était pas toujours mis à profit à l'époque.
Après la mise à jour 60 fps gratuite de la version PS4 pour tous les joueurs qui étaient passés à la PS5, on attendait de découvrir ce que le remaster allait nous proposer avec une certaine impatience. En complément de la prise en charge de la VRR et de l’audio 3D, ce ne sont pas moins de trois modes graphiques qui sont disponibles si vous possédez une PlayStation 5 Pro, et deux uniquement dans le cas où vous jouez sur la PS5 de base. Communs aux deux machines, les modes Performance et Qualité ont, comme d’habitude, des objectifs bien différents : si le nombre d’images par seconde compte plus à vos yeux que la résolution, vous opterez pour le mode 60 fps qui affiche tout de même une image en 1440p sur PS5 et 1800p sur Pro ; si, en revanche, c’est après la netteté des graphismes que vous en avez, le mode Qualité à 30 fps poussera la résolution jusqu’à la 4K sur PS5 et le 2880p sur Pro - même si vous ne disposez pas d’un écran 8K. Dans tous les modes proposés sur les deux consoles, la distance d'affichage de la végétation est accrue (ce qui n’empêche pas pour autant le pop-up) et la qualité des ombres et des lumières améliorée (bien qu’il reste quelques problèmes ponctuels surprenants avec les ombres en cascade). Bien sûr, comme souvent, nombreux seront ceux qui trouveront ces modifications difficilement perceptibles quand on ne compare pas directement le remaster au jeu original. Un sentiment déjà ressenti lors des sorties de Ghost of Tsushima et The Last of Us Part II dans leur version PlayStation 5. Malgré tout, il faut reconnaître les efforts pour rendre la végétation plus dense dans cette réédition du jeu de 2019. On note également une différence assez marquée dans les passages de nuit, bien plus sombres dans le remaster que dans la version d’origine. Les éclairages et les teintes de couleurs sont aussi assez distincts quand on les compare directement, mais l'œil non averti pourrait presque croire qu’il s’agit plus d’une légère modification de la direction artistique que d’une véritable refonte technique. Enfin, les possesseurs du modèle Pro de la machine ont droit à un dernier mode graphique pour justifier leur investissement. Avec le mode Amélioré, l’implémentation du PSSR permet au jeu de tourner dans une résolution de 1584p tout en affichant une image en 4K reconstruite grâce à l’IA. Le résultat est globalement probant, même si l’on pourra parfois déceler quelques petits problèmes de flou autour de certains éléments quand la caméra est en mouvement, ou un effet de flickering accru sur les ombres visibles sur les arbres par rapport aux autres modes (qui en souffrent toutefois aussi). En comparant les modes Performance et Amélioré sur PS5 Pro, il ne fait cependant aucun doute que la qualité d’affichage est supérieure dans le second, ce qui montre encore une fois que la résolution interne ne fait pas tout. D’ailleurs, à ce petit jeu, la Pro l’emporte tout aussi nettement par rapport à la console de base, avec une différence visible en termes de résolution, tout particulièrement dans le mode Performance.
À ces divers ajustements techniques, il faut ajouter à ce remaster la prise en charge totale de la DualSense, de ses retours haptiques et ses gâchettes adaptatives. Le gain n’est pas nécessairement si déterminant que cela, mais on se situe dans la bonne moyenne des titres qui tirent parti de la manette PlayStation 5. À la manière de The Last of Us Part II Remastered, les développeurs ont également ajouté quelques modes de jeu pour donner une raison supplémentaire aux joueurs de craquer. Les avis divergeront forcément concernant le mode Horde Assault, qui nous met face à des nuées de monstres plus importantes, qui peuvent aussi s’accompagner de nombreux autres ennemis, comme des survivants revanchards ou des Freakers plus évolués. De notre côté, on ne peut pas dire que nous soyons très intéressés par ce genre d'ajout, mais si l’aspect arcade/scoring et le type de gameplay rend peut-être ce mode plus accrocheur que le No Return du jeu de Naughty Dog. En progressant dans Horde Assault, on revisitera des régions familières du jeu de base, avec évidemment un niveau de difficulté qui ira crescendo et une montée en niveau intégrée histoire de motiver le joueur à y revenir. Dans ce mode exclusif, on nous donne aussi la possibilité de contrôler d’autres personnages que Deacon, de débloquer de nouvelles tenues ainsi que des injecteurs uniques pour nous donner un avantage face à nos adversaires, ou au contraire rendre l'expérience plus difficile. Le remaster inclut également un mode Mort Permanente pour les plus masochistes d’entre nous, mais on ne vous cache pas que dans un jeu dont la durée de vie dépasse la trentaine d’heures, on ne sent pas du tout attirés par l'expérience. Il en va de même pour le mode Speedrun, qui plaira sans nul doute à une certaine catégorie de joueurs, mais qui nous a laissés totalement indifférents. Enfin, le mode photo a été agrémenté de quelques nouvelles options sympathiques, comme le choix du moment de la journée par exemple, et le remaster n'oublie pas d'ajouter un joli panel d’options d’accessibilité qui devrait permettre à un plus large public de s’essayer au jeu. Comme vous l’avez compris suite à cette interminable lecture, Days Gone Remastered fournit quelques efforts notables pour mériter l’appellation (qu’il n’a pas officiellement ceci dit) de “definitive edition”, mais le travail n’est pas aussi poussé que ce qui a pu être fait pour Horizon Zero Dawn, qui bénéficiait des grandes améliorations apportées au Decima Engine ces dernières années. Sans être indispensable, cette mise à jour a au moins le mérite de refaire parler du jeu, que l'on vous encourage à essayer si vous ne l'avez jamais fait. Reste maintenant à espérer que Sony se décidera un jour à lui donner la suite qu’il mérite.
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Pour DG j’ai pris l’upgrade et j’espère le finir cette fois même si je dois encore boucler Ragnarok (oui jai du mal avec ce renouveau de GOW) 😮💨