Semaine relativement chargée en contenu maison, les sorties étant relativement nombreuses en cette saison pré-estivale. Comme les vacances approchent à grands pas, on vous invite à passer quelques heures en Dordogne grâce au jeu de Cédric Babouche, fondateur du studio Un Je Ne Sais Quoi, mais également très actif dans le milieu de l’animation. Amateurs de jeux narratifs à la direction artistique affirmée, cet article est fait pour vous.
Si le séjour est proposé à seulement 15 euros, il faut toutefois avoir conscience qu’il reste court, autour de trois heures uniquement, ce qui risque de faire trop peu pour bien des joueurs et joueuses. Pourtant, compte tenu de sa proposition, on ne pense pas que l’expérience aurait forcément gagné à être plus longue. Mais avant de vous en expliquer les rouages, laissez-nous tout d’abord vous poser les bases de son scénario. Mimi est une jeune femme qui vient tout juste de perdre son emploi, mais également sa grand-mère Nora. La perte d’un être cher est évidemment toujours source de bouleversements émotionnels dans une vie, mais pour l’héroïne, la situation est rendue d’autant plus difficile qu’elle avait totalement coupé les ponts avec la mère de son père, de qui elle était pourtant très proche enfant. Plus précisément, c’est ce dernier qui a un jour décidé de rompre toute relation avec elle, pour une raison que l’on ignore quand débute l'aventure, et dont Mimi n’a conservé aucun souvenir. En effet, la jeune femme a effacé de sa mémoire tous les événements antérieurs à son treizième anniversaire, ce qui inclut son dernier séjour estival chez Nora, dans sa maison de Dordogne. Le décès de sa grand-mère va la décider à replonger dans son passé, au grand dam de son père qui fait tout pour la dissuader de s'engager dans cette voie. La relation entre elle et lui ne semblant pas au beau fixe, elle ne l’écoute évidemment pas et se rend chez Nora pour recouvrer la mémoire. En arpentant la maison et ses environs, Mimi va retrouver de nombreux objets liés à son dernier séjour en Dordogne, ce qui va déclencher autant de séquences de flashback qui vont l’aider à recoller les morceaux du puzzle qui constitue son passé. L’histoire que le jeu raconte a beau être simple, elle n’en reste pas moins touchante et joliment écrite, de l'arrivée de Mimi chez Nora jusqu’à la découverte de l’événement qui aura mené au déchirement complet de sa famille.
Jeu narratif oblige, les mécaniques de gameplay restent assez limitées pendant toute la durée de l’aventure. On interagit donc avec différents objets à la manière d’un point and click, en les faisant tournoyer sur eux-mêmes pour trouver un point d’intérêt, en combinant la touche A et un mouvement du stick pour les ouvrir ou les déplacer, etc. Une approche qui se prêterait d’ailleurs presque mieux à un gameplay tactile, même si tout fonctionne heureusement comme il faut à la manette. L’exploration des différents lieux permet également de dénicher des stickers et des mots qui, en plus des photos que l'on peut prendre et des enregistrements audio réalisés, serviront à remplir le journal intime de Mimi quand elle était enfant. Une mécanique qui n’est évidemment pas sans rappeler celle de SEASON: A Letter to the Future, mais en beaucoup plus limité cependant. D’une part, on ne jouit pas de la même liberté pour prendre des photos ou enregistrer des sons, Dordogne ne le permettant qu’en certaines circonstances. D’autre part, on ne peut pas remplir le carnet de vacances à sa guise, un seul élément de chaque catégorie (stickers, photos, poèmes, sons) pouvant être ajouté à chaque page (chacune correspondant à une journée). Il est bien possible de faire pivoter ces différents éléments avant de les coller, en revanche, on ne peut pas en modifier la taille, ce qui fait que les plus créatifs d’entre vous prendront nettement moins de plaisir sur cet aspect du jeu que dans le titre de Scavengers Studio. Un détail bien sûr, mais on ne peut s’empêcher d’y voir un rendez-vous manqué. Bon point toutefois du côté des poèmes, puisqu'on les compose nettement plus librement, chaque mot trouvé dans les environnements offrant trois choix de phrases que l’on peut ensuite combiner avec d’autres pour une création unique. Une version un brin plus poussée de ce que proposait Ghost of Tsushima avec ses haïkus.
Même si ce n’est pas pour son gameplay que l’on se souviendra de Dordogne, le studio français essaie de ne jamais tomber dans la redite des activités ou des situations qu’il nous propose, ce qui fait que l’on y passe un agréable moment et que l'on enchaîne les chapitres sans voir le temps passer. On alterne entre les séquences de flashback et l’exploration de la maison de Nora dans le présent, on découvre des lettres, de nouveaux lieux, des objets, le tout dans une ambiance musicale planante, nostalgique et relaxante qui fait que l’on s’y sent bien, même dans les passages plus mélancoliques ou dramatiques. Au bout du compte, c’est sans le moindre doute au niveau de son approche graphique que Dordogne frappe le plus fort. Il ne vous aura en effet pas échappé que Cédric Babouche et son équipe ont d’abord réalisé tous les visuels du jeu sous forme d’aquarelles. On avait déjà plutôt apprécié la démarche de Michel Ziegler dans Mundaun, qui avait développé son jeu à partir de ses croquis dessinés au crayon à papier (donc en nuances de gris), aussi avons-nous été totalement conquis par le foisonnement des couleurs que propose Dordogne et la représentation de cette magnifique région française. Bien que réalisés en trois dimensions, les personnages conservent cette apparence picturale et ils se marient parfaitement avec les décors. Leurs animations sont certes assez limitées, et certains les trouveront un peu raides, mais nous avons trouvé qu’elles ne juraient pas avec le reste et c’est à notre sens le plus important. Cerise sur le gâteau, le jeu dispose d’une localisation intégrale en français, ce qui inclut les doublages. Et comme ces derniers sont vraiment d'excellente facture, aucune raison de bouder son plaisir. On remarque juste que les petites exclamations de Mimi pendant les phases de jeu sont celles de la comédienne anglo-saxonne, ce qui s’entend aussi bien dans le son de la voix que ses intonations. Ce détail mis à part, on remercie chaudement Focus Entertainment et Un Je Ne Sais Quoi d'avoir soigné cet aspect du jeu et de ne pas s'être contenté d'un doublage en anglais pour ce titre très français.
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