Loin de nous l'idée de vouloir remuer le passé à tout bout de champ, mais avec Epic Mickey Rebrushed, l'industrie nous prouve encore que le médium surfe toujours beaucoup sur la nostalgie des joueurs. Quatorze ans après sa première sortie, le jeu alors dirigé par Warren Spector nous revient sur toutes les machines actuelles avec un joli coup de peinture. Après autant d'années, l'idée du remake/remaster semble assez justifiée, mais qu'en est-il dans les faits ?
En novembre 2010, voilà déjà quatre ans que le succès de la Wii a bouleversé toute l’industrie du jeu vidéo, prouvant par là même que le médium pouvait aussi séduire un public de néophytes de tous âges. Bien sûr, un tel plébiscite avait fini par faire des envieux parmi autres acteurs du marché. Et bien que personne ne l’aurait parié à l'annonce de la Wii, Microsoft et Sony avaient assez logiquement décidé d’emprunter, eux aussi, la voie du motion gaming, via Kinect et le PlayStation Move s'il est nécessaire de le rappeler. Sur Xboxyde-Gamersyde, l’hystérie collective autour du motion gaming n’avait pas vraiment réussi à gagner la communauté, ce malgré la grande ferveur de l’un de ses illustres membres. Pourtant, Musimon, puisque c’est bien de lui qu’il s’agit, ne manqua pas de partager sa grande déception en cette fin 2010. Pas vis-à-vis de la machine elle-même, dont il continuera de saluer les qualités jusqu'au bout. Non, le problème était ailleurs, à quelques coups de pinceaux de là. Pour comprendre la raison de cette grande désillusion, laissons-nous aller à un nouveau petit retour en arrière, de quelques mois seulement par rapport à notre point de départ initial.
À l'annonce de Disney Epic Mickey, puis dans toute la communication qui suivit, les joueurs ont tout d’abord eu des étoiles dans les yeux. Les plus vieux avaient toujours en mémoire les jeux de l'ère 16 bits mettant en scène la célèbre souris, Castle of Illusion bien sûr, mais aussi Mickey Mania pour ne citer que deux exemples. Pour ajouter à tout cela, le fait que le projet était chapeauté par le célèbre Warren Spector (Deus Ex) ne faisait que renforcer l’enthousiasme ambiant. Même les membres qui jouaient sur Xbox 360 et PS3 commençaient à jalouser la Wii, espérant un portage. En un mot comme en cent, le jeu était particulièrement attendu. Puis est arrivée la sortie, avec un accueil pas nécessairement toujours mauvais dans la presse, une moyenne Metacritic correcte, mais un vent de déception malgré tout. En cause, la jouabilité du titre, entravée par une caméra capricieuse qui rendait les phases de plateformes crispantes au possible. Pour celles et ceux qui attendaient un titre à la mesure de ce dont était capable Nintendo dans le domaine, c'était clairement la douche froide. Une bonne idée de concept trop maladroitement mise en œuvre pour être convaincante, au point qu’à l’arrivée de la suite du jeu sur les autres machines de l’époque, le bon vieux Musi exprimait encore toute son amertume pour le premier volet. Le second épisode ayant reçu un accueil encore plus froid en 2012, la messe était dite pour la mascotte de Disney… Près de douze ans plus tard pourtant, voici un retour que l’on n’attendait pas. Epic Mickey Rebrushed se redonne en effet une seconde chance de convaincre.
Pour remettre un peu les choses en place, laissez-nous vous rappeler les bases de l'intrigue. Si, enfant, vous lisiez assidûment Mickey Parade ou Le Journal de Mickey, le plus célèbre personnage de Walt Disney doit vous apparaître comme malin, responsable et parfaitement capable de se tirer des plus mauvais pas. Si sur ce dernier point, le héros de cette aventure épique sera plutôt en accord avec vos souvenirs, la cinématique d’introduction vous le montera bien plus imprudent et maladroit que dans les bandes dessinées de votre enfance. Comme Alice, c'est en traversant le miroir que Mickey va sceller son destin, en pénétrant dans le laboratoire du magicien Yen Sir, qui avait créé une sorte de Disneyland de substitution pour les personnages oubliés par la firme. Hélas, l’imprudence de Mickey va précipiter ce monde dans la désolation… Sans même que le cultissime rongeur ne réalise réellement la portée de sa bêtise, il saisit en effet un pinceau pour s’essayer aux joies de l’autoportrait, mais finit par donner naissance à un monstre. Une action qui entraîne la maladresse de trop, puisque Mickey renverse une bouteille entière de diluant magique sur la maquette de ce Disneyland alternatif. Se faisant, il se rend non seulement responsable du dépérissement précipité de cet univers oublié, mais il déclenche également une cascade d’événements qui va sceller son propre avenir. Avant d'être mis face à ses responsabilités cependant, Mickey va commencer par les fuir, en retraversant le miroir pour rentrer chez lui au plus vite et oublier toute cette malencontreuse histoire. Pas vu, pas pris, du moins le pensait-il.
Bien des années plus tard, Mickey a totalement oublié l’incident, et a donc poursuivi une carrière que l’on sait aujourd'hui riche et prolifique. Mais c'était sans compter sur les créatures maléfiques qui s'étaient entre-temps répandues dans ce que les habitants de ce lieu nomment désormais les Terres Désolées. Mickey se retrouve donc rapidement aux mains d’un terrible savant fou qui entend bien lui voler son cœur. Un boss mécanique plus tard, le héros aux grandes oreilles rencontre Gus, un gremlin (pas de ceux qui ne doivent ni être mouillés, ni nourris après minuit ou exposés à une lumière trop vive), qui lui somme de les aider et de retrouver la trace d’Oswald, premier héros de Walt Disney tombé dans l'oubli après le succès retentissant de Mickey. De quoi faire naître un fort ressentiment dans le cœur du personnage déchu, qui, on l’apprendra bien assez tôt, garde cependant un bon fond malgré tout. Comme vous pouvez le constater, l’intrigue et l’univers avaient été particulièrement travaillés à l'époque, et le choix de mettre en scène un monde inquiétant, frappé par la décrépitude, était pour le moins audacieux dans un jeu Disney. Dommage en revanche qu'en dehors de l’introduction, totalement doublée elle (comme dans l'original), cette nouvelle version du jeu n’ait pas eu la bonne idée d'intégrer des voix pour toutes les séquences cinématiques. Ces dernières, généralement présentées en 2D dans un style visuel franchement réussi, y perdent quelque peu en impact émotionnel et en immersion. On imagine que cela manquait déjà un peu en 2010, le défaut ayant été réparé dans la suite du jeu, qui incluait bien un doublage intégral (en français qui plus est). Une occasion manquée pour ce remaster, même si la priorité était ailleurs.
Maintenant que le gameplay n’est plus contraint de se reposer uniquement sur la Wiimote et la détection de mouvements, les problèmes de maniabilité de la version originale n’ont enfin plus lieu d'être. La caméra étant devenue totalement manuelle, comme dans tous les jeux en 3D de ce genre, on se déplace enfin sans pester toutes les cinq minutes. Certains diront que cela ne fait que donner raison aux joueurs qui pensaient à l'époque que l’absence d’un portage sur Xbox 360 et PlayStation 3 était une énorme erreur. Mine de rien, cette simple amélioration rend cette nouvelle version du jeu bien plus fréquentable. Pas que cela transforme Epic Mickey en jeu de plateforme incontournable bien sûr, mais grâce au joli lifting graphique opéré pour l'occasion, le voyage n’est pas désagréable pour un sou fétiche. Avant d’arriver à Mean Street, qui fera dès lors office de hub duquel on partira vers les différents univers, Epic Mickey nous propose tout d'abord de découvrir ses différentes mécaniques au travers de zones linéaires qui mélangent phases de plateforme et combats. Même si Mickey n’est équipé que d’un simple pinceau pour se défendre, il peut aborder les affrontements de deux manières : en aspergeant les ennemis de peinture, il devient possible de les amadouer et de les rendre amicaux, en optant pour le diluant, l’issue du combat est bien plus radicale pour les pauvres créatures, dans le sens où elles sont alors totalement effacées de la réalité dans laquelle elles évoluent. Cette dichotomie, on la retrouve aussi dans les choix que Mickey se doit de faire, dans sa façon d’agir vis à vis des autres, ou même du monde lui-même, ce qui influence la manière dont les habitants des Terres Désolées le voient en tant que héros choisi par Disney. Cette liberté, qui se retrouve d'ailleurs jusque dans les moyens de résoudre les problèmes qui se présentent à nous, c’était l’une des grandes ambitions de Warren Spector pour le projet original. Le créateur de Deus Ex souhaitait en effet laisser au joueur une certaine latitude, tout en l’obligeant à assumer les conséquences de ses actes.
Pour celui ou celle qui tient la manette, cela se remarque dans la manière dont les PNJ se comportent, dans leur démarche, plus légère et guillerette quand ils sont heureux et en confiance. Les bonnes actions de Mickey se traduisent également au travers de la musique qui résonne dans les rues de Mean Street, comme un écho des sentiments de la population. Des petits détails, certes, mais qui donnent l'impression d'avoir un réel impact sur l’univers dans lequel on évolue. Si tout le monde n'y sera pas sensible, on vous avoue que tous ces personnages désœuvrés ont eu quelque chose de touchant, et que les aider dans leurs déboires fut finalement assez motivant. On n'aurait toutefois pas dit non à des modèles de personnages plus variés, les clones étant régulièrement de mise pour peupler les zones habitées. Si Mickey n’est pas obligé de tuer tous ses adversaires, il est tout de même bien forcé de faire usage du diluant sur les ennemis mécaniques, dont le point faible n’apparaît qu’une fois que l’on a fait disparaître leur carcasse de métal. Cette version Rebrushed apporte aussi quelques nouveautés en termes de mouvements. En effet, Mickey peut désormais sprinter pour se déplacer plus rapidement, mais il est également capable d’utiliser un dash au sol pour éviter les charges ennemies, et lancer une attaque d’écrasement au sol quand il bondit dans les airs. Très honnêtement, en dehors du sprint, très pratique pour éviter de perdre du temps inutilement, nous n’avons pas trouvé que les autres mouvements s’avéraient indispensables. S’en passer ne rend pas les affrontements plus délicats, malgré une légère modification des comportements des ennemis, qui visait justement à inciter le joueur à se servir du dash. On apprécie cependant l’effort de proposer ces nouvelles possibilités, car cela permet au moins de varier les manières d’agir. Les niveaux en 2D, qui faisaient office d’intermèdes pendant les écrans de chargement du jeu original, sont évidemment de retour, mais ont eux aussi fait l’objet d’une légère refonte pour permettre au joueur de les retraverser quand bon lui semble via le cinéma de Mean Street. Ces séquences hommages aux vieux dessins animés mettant Mickey en scène sont donc à voir comme des raccourcis qui séparent Mean Street des autres environnements (OsTown, Tomorrow City, Ventureland et la Maison Hantée), ou entre chaque zone qui les compose. Ces passages assez courts sont toujours simples d’accès, avec des bonus à récupérer au prix de quelques acrobaties : les E-tickets qui servent de monnaie dans le jeu, mais aussi les deux bobines de film qui s’y trouvent à chaque fois - et qui sont nécessaires pour obtenir des récompenses auprès de l'Ouvreur. À noter que Rebrushed autorise enfin de passer ces séquences une fois qu’on les a terminées une fois, moyennant quelques E-tickets. Compte tenu des allers-retours réguliers que certaines missions secondaires obligent à faire, ce n’est clairement pas un mal.
Ces quêtes annexes demandent toujours de récupérer divers objets, soit en revenant dans des environnements déjà traversés (Mean Street, OsTown, le village des pirates ou le marais), soit en fouillant de fond en comble les zones qui composent chacune des destinations principales avant de les quitter. Certains seront d’ailleurs peut-être un peu frustrés de se rendre compte qu’il leur manque un item parce qu’ils n’ont pas été assez méticuleux dans leurs recherches. Heureusement, il reste toujours la possibilité de les acheter dans certaines boutiques de Mean Street, à prix d’or en revanche. Sachez aussi que dans les choix que le jeu demande de faire pour l’intrigue principale, on influe parfois sur la destinée des personnages croisés. En donnant par exemple à un pirate épris d’amour le bon ou le mauvais objet, cela aura des conséquences différentes, mais d'autres actions influeront aussi sur l'avenir du couple. On sent bien ici toute la volonté de l’équipe originale de donner au joueur le sentiment de vivre une aventure personnalisée. On reste bien évidemment loin de ce qu’il est possible de faire dans un RPG, mais l’intention est louable, et avec ses deux fins, disons que cet Epic Mickey était assez original sur ce plan pour un jeu de plateforme. Il en allait de même avec la mécanique de peinture/diluant, qui ne servait pas uniquement pendant les combats, mais aussi durant l’exploration, pour faire apparaître ou disparaître des plateformes, des mécanismes ou des pans de mur entiers. N’allez cependant pas croire que vous allez être libre d’effacer la totalité du monde qui vous entoure, les zones interactives demeurent bien définies d’avance, mais cela incite quand même à être bien attentif pour les dénicher. Avec l’habitude, on repère facilement les parois qui peuvent potentiellement cacher des E-tickets ou un objet clef, mais la mécanique fonctionne d’autant mieux qu’elle s’intègre parfaitement dans la narration. Il y a forcément une certaine routine qui s’installe après quelques heures, ce malgré l'introduction des croquis, trois pouvoirs que Mickey peut utiliser pour certaines interactions ou contre les ennemis (la télévision, par exemple, les occupe un moment ou permet d'activer certains mécanismes électriques). Le jeu dispose d’une durée de vie confortable (d’une douzaine à une quinzaine d’heures), mais la crainte que nous avions de voir le jeu la gonfler artificiellement en nous obligeant à nous acquitter de moult quêtes annexes pour obtenir les étincelles d’énergie nécessaires à l’activation des mondes suivants s’est rapidement estompée. En effet, il est d’une part possible d’en acheter dans l’un des magasins de Mean Street pour les plus paresseux, mais de plus, quand on joue un minimum le jeu (en récoltant les bobines de film et en s’acquittant de quelques missions secondaires), on ne se trouve jamais à court quand vient le moment de débloquer la prochaine zone. Rebrushed ne corrige toutefois pas les faiblesses que l’on pouvait reprocher au jeu original, comme son level design assez peu inspiré (qui avait sans doute plus choqué sur Wii car la console accueillait également un certain Mario Galaxy), et les allers-retours trop nombreux qu’il oblige toujours à faire.
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