Décidément, les anciennes gloires du passé ont la dent dure. Les Chevaliers de Baphomet Reforged a en effet décidé d'investir les consoles actuelles et de revenir faire un petit tour sur PC à partir de demain jeudi. En attendant la sortie, on vous propose de vous plonger dans les quelques lignes qui suivent pour découvrir ce que nous en pensons.
À la sortie des Chevaliers de Baphomet sur PS1 fin 1996, j'avais tout juste 20 ans, mais déjà une longue expérience dans le jeu vidéo. Une expérience en partie gagnée au travers d'un genre phare pour tout aventurier vidéo-ludique des années 80, le point and click. Eh oui, quand on a eu la chance de grandir à l'époque de l'âge d'or du jeu vidéo, de croiser des machines aussi emblématiques que les Amstrad ou autres Atari ou Amiga, on a automatiquement le souvenir de quelques épopées fantastiques remportées à la pointe de la souris : Indiana Jones et la Dernière Croisade, Loom, Monkey Island, Maniac Mansion, Operation Stealth, Croisière pour un Cadavre, King's Quest, Space Quest, et bien sûr Lure of the Temptress. Pourquoi bien sûr ? Tout simplement parce qu'on doit ce très beau jeu d'aventure à une équipe de développeurs talentueux : Revolution Software. Et c'est justement Revolution Sotware, porté par un Charles Cecil très motivé, qui nous a offert sur un plateau les premières aventures de George Stobbart.
En dépit d'un accueil critique excellent et d'un vrai succès auprès des joueurs, il me faut avouer qu'à l'époque, je n'avais jamais dépassé le stade de la version d'essai. Plusieurs explications à cela : tout d'abord, il m'était difficile d'accepter l'idée qu'on puisse jouer à un point and click à la manette, et il n'était pas question d'investir dans une souris compatible pour retrouver un confort optimal. Ensuite, contaminé que j'étais par le pouvoir de la 3D et le nouveau visage de l'aventure sur console (Tomb Raider, Resident Evil), le jeu de Charles Cecil revêtait un aspect quelque peu désuet à mon goût, cela même si on avait rarement vu aussi réussi dans le genre depuis les superbes jeux PC VGA 256 couleurs. Difficile en effet à cette époque de revenir à ces préceptes de jeu que l'on considérait déjà presque comme anciens, alors même que de nouveaux horizons s'ouvraient. Beaucoup, comme moi, avaient donc cédé à l'appel de ces sirènes technologiques et avaient manqué le rendez-vous avec le touriste américain le plus sympathique de l'histoire du jeu vidéo.
L'évolution du marché a d'ailleurs largement confirmé cette tendance quelques années plus tard, quand Charles Cecil a dû se plier aux exigences d'éditeurs convaincus que la 2D avait fait son temps. Contraint et forcé, le voilà donc obligé de proposer son troisième épisode en 3D, plus de sept ans après la sortie du premier volet. Suivra un quatrième opus en 2006, toujours en 3D, avant la disparition pure et simple de la série. Mais c'était sans compter sur l'avènement du (presque) tout digital et de la réédition des gloires passées pour les faire découvrir à un nouveau public. Une tendance que certains voient plus mercantile et opportuniste qu'autre chose, mais qui permet néanmoins à ceux qui étaient passés à côté de titres cultes de se rattraper. N'oublions pas non plus que ce mode de distribution digitale autorise des studios comme Revolution à se lancer dans de nouveaux projets, sans forcément avoir à passer par des éditeurs de plus en plus frileux. C'est d'ailleurs grâce à cela que l'équipe de Charles Cecil a pu travailler sur plusieurs titres toutes ces dernières années.
Cette version Reforged apporte essentiellement une réactualisation des graphismes en 4K (qui a combiné les efforts des développeurs et de l'IA d'après Charles Cecil), mais laisse de côté tout le pan de l'histoire concernant Nico qui avait été ajouté à la version Director's Cut il y a bien dix ans de cela. Dans Reforged donc, l'histoire commence bien par le fameux attentat orchestré de main de clown (à prononcer à l'américaine pour plus d'effet) dans le café où l'insouciant Stobbart sirote un bon café au lait, et non plus par les séquences qui nous en apprenaient plus sur le personnage de Nico. Si vous n'avez pas joué à l'édition Director's Cut sortie sur PC, Nintendo DS et Android, vous y verrez peut-être un manque, mais honnêtement, ces passages, bien que sympathiques, ne changeaient pas radicalement la vision que l'on pouvait avoir de l’œuvre originale. Il fallait les voir comme un petit bonus sympathique pour les fans, rien de plus. La volonté derrière le projet Reforged était surtout de rendre hommage au jeu tel qu'il était sorti en 1996 et de moderniser un peu l'interface pour que les joueurs actuels puissent aussi bien en profiter à la souris (sur PC) qu'à la manette (sur les consoles). On préfère toutefois prévenir les fans les plus invétérés de ce premier volet, certains petits détails du jeu ont dû être modifiés car considérés aujourd'hui comme potentiellement raciste. Ainsi, pour vous donner un seul exemple, le vendeur de tapis ne l'est plus...
Grâce au travail apporté à la retranscription des décors en 4K, on retrouve avec plaisir les nombreux tableaux dessinés par Eoghan Cahill et Neil Breen, toujours très colorés, et rendant un bel hommage à la capitale française (en dépit des clichés, comme ces policiers habillés à l'ancienne), entre autres. Car Les Chevaliers de Baphomet propose aussi de voyager par delà les frontières de l'hexagone, de la Grande Bretagne à l'Espagne, en passant par la Syrie. Autant de destinations qui donnent lieu à des rencontres aussi décalées que drôles. Le jeu peut en effet compter sur une galerie de personnages réussis, avec juste ce qu'il faut de caricature pour poser leur personnalité. Amis comme ennemis vous gratifieront de dialogues remplis d'humour (les quelques références "culturelles" de l'époque devraient plaire aux plus anciens) et d'un doublage de qualité dans l'ensemble. Certes, les anglicistes tiqueront un peu en entendant des personnages supposés anglo-saxons massacrer la prononciation du nom Maguire, ou quand l'accent américain de Stobbart prend des sonorités quasi antillaises, mais les voix d'Emmanuel Curtil (Jim Carrey), Philippe Peythieu (Homer Simpson) ou le regretté Pierre Hatet (Christopher Lloyd dans Retour vers le Futur) demeurent, aujourd'hui encore, irrésistibles. Attention toutefois, époque oblige, tous ces comédiens ne lésinaient pas sur les accents et on imagine que, de nos jours, les oreilles les plus prudes s'en accommoderont moins.
Si retrouver toutes ces voix iconiques est un vrai plaisir nostalgique, on attendait tout de même une amélioration plus notable en ce qui concerne la qualité audio des doublages de l'époque. Comparé à la version Director's Cut, il nous semble qu'il y a tout de même du mieux sur la version originale, avec moins de souffle dans l'ensemble, mais impossible de ne pas entendre qu'il s'agit d'enregistrements très anciens, assez sourds, vestiges d'une époque où le jeu vidéo ne pouvait pas forcément mettre les mêmes moyens sur ce genre de détail malgré le support CD. Du côté de la VF, le rendu est hélas nettement plus nasillard, et donc forcément moins agréable. En l'absence des scènes supplémentaires de la Director's Cut, on évite au moins le contraste qui sautait aux oreilles entre les passages originaux et les quelques pistes ajoutées pour les nouvelles scènes avec Nico. Il était probablement impossible de faire mieux sans devoir refaire entièrement le doublage (avec des acteurs qui auraient pu être différents), ce qui aurait sans nul doute fait hurler les fans. Visuellement en revanche, grâce aux nouveaux détails intégrés dans les environnements depuis la version de 1996, le jeu arbore une mine superbe, que vous y jouiez sur un grand téléviseur, un moniteur, le Steam Deck ou la Switch (le travail sur l'interface permet aussi d'y jouer agréablement sur un petit écran). Il est même possible de passer instantanément aux graphismes originaux en appuyant sur un simple bouton, à la manière de Halo Anniversary, Monkey Island 1 et 2 ou la récente trilogie Tomb Raider remastérisée.
Tous les commentaires (8)
Je n'ai jamais eu l'occasion de le faire, ni les suites, et pourtant je connais les personnages avec les bandes annonce à l'époque et les tests magazine...
Après The Plucky Squire, je m'y mets. Il y a aussi L'Amerzone qui pointe le bout de son nez le mois prochain...
Je corrige. Ça serait bien que les équipes RP communiquent les prix en amont.
Ça me manque ce genre de pépites.
Malgré ça, de ce que j'ai lu, sur la version PC de 2010, la résolution restait d'époque (640x480), en full screen et malgré l'apport de textures HD, ça devait piquer les yeux. Certes, on gagne en confort ici, autant 30€ ça passe pour ce passage à la 4K bienvenu et le travail sur l'audio, 40€ aurait été trop élevé.
Par contre, je ne comprendrais toujours pas cette nécessité de modifier l'oeuvre originale pour que ça colle à notre société actuelle. Mais ça, c'est une autre histoire... :vieuxcon: