Arrivé en même temps que le jeu fin octobre, le dernier né des éditions Third, The Heart of a Plague Tale, nous a été envoyé assez rapidement dès sa sortie. Las, l'afflux de sorties de ces deux derniers mois ne nous a pas laissé beaucoup le loisir de délaisser nos écrans et les jeux vidéo pour les pages imprimées de ce nouveau bouquin et le plaisir de la lecture à l'ancienne. Le calme étant revenu depuis une bonne semaine, nous avons enfin pu nous consacrer à ce bien bel ouvrage pour vous en faire un petit retour. De quoi alimenter Gamersyde avec autre chose que de la vidéo 4K haute qualité le temps d'une modeste critique, et qui sait, vous donner une option supplémentaire pour vos idées de cadeaux de Noël.
Après vous avoir parlé de A Plague Tale Requiem en long, en large et en travers il y a deux mois, quoi de plus logique que de nous plonger dans l'ouvrage consacré à la série d'Asobo. La petite pause littéraire made in Gamersyde que nous essayons de vous proposer aussi régulièrement que possible dès qu'un bon bouquin sur notre médium arrive en librairie. Derrière ce projet, on ne retrouve pas n'importe qui puisque c'est le bien nommé Benoît Reiner qui s'est chargé de suivre les équipes du studio bordelais pendant le développement de Requiem. Si ce nom ne vous dit rien, vous connaissez très certainement son pseudo, Ex Serv, qui s'est évidemment fait connaître pour ses guides sur les jeux From Software, débutés aux quasi balbutiements de la bulle jeux vidéo sur YouTube en 2011 (et même dès 2010 sur Dailymotion) avec celui sur Demon's Souls), et son passage à la rédaction de Gamekult entre 2014 et 2018. De notre côté, on le préfère nettement dans son rôle actuel d'influenceur aux multiples casquettes plutôt que dans celui du journaliste, obligatoirement moins libre de parler de ce dont il avait envie. Il faut dire qu'Ex Serv ne se contente pas d'être un simple YouTubeur ou streameur, il conseille aussi régulièrement les studios qui lui en font la demande en leur fournissant des retours précis sur leurs jeux en développement, comme Steelrising récemment par exemple. Ce Strasbourgeois hyperactif donne aussi ponctuellement des cours sur l'histoire du jeu vidéo dans une école de jeux vidéo en Belgique, anime un très chouette podcast (hautement recommandé) nommé Fin du Game avec les petits gars de Game Next Door, et enfin, endosse également de temps en temps son costume d'auteur pour le compte de Third Editions. Ainsi, The Heart of A Plague Tale (qui a même droit à une traduction en anglais) fait suite à son travail sur The Witcher 3 et Dead Cells chez le même éditeur. Vous le savez, nous sommes généralement très friands de leurs publications, et comme nous apprécions aussi énormément la série A Plague Tale, il était impensable de ne pas nous pencher sur ce nouveau bouquin.
Bordeaux, l'une des plus belles villes de France, a tout de même accueilli d'excellents studios de jeux vidéo français, à commencer par Asobo évidemment. Benoît Reinier commence d'ailleurs son livre par l'historique rapide de ce studio encore méconnu du grand public avant le succès critique de A Plague Tale et son incroyable travail sur Flight Simulator pour le compte de Microsoft. The Heart of A Plague Tale se voulant plus un livre centré sur les coulisses du développement qu'une analyse approfondie du jeu, de ses codes et de ses thématiques, il nous permet de suivre le chemin qui a mené à la création de cette licence ambitieuse. C'est une addition très intéressante au catalogue de l'éditeur, qui corrige en passant le défaut principal que nous pouvons trouver à ses publications habituelles. En effet, non content de nous raconter l'histoire du développement de Innocence et de Requiem, le livre de Benoît Reinier fait aussi office d'artbook et il est donc rempli de superbes illustrations issues du travail préparatif sur les deux jeux. Mine de rien, cela égaie grandement la lecture, d'autant que le format choisi pour le livre (220 x 310 mm) est tout à fait adapté à l'intégration de belles images, celles-ci pouvant être parfaitement mises en valeur. Tout juste peut-on regretter parfois la manière dont la pagination a parfois été organisée, quand un artwork couvrant deux pages vient couper une phrase non terminée avant de la laisser reprendre juste après. Un défaut bien mineur il faut le reconnaître, mais comme cela a pu nous gêner en une ou deux occasions, nous préférions le mentionner. En dehors de cela, la présentation est vraiment très réussie, de même que la couverture cartonnée, ce qui donne l'impression d'avoir en main un très joli bouquin. Pour ne rien gâcher, la qualité du papier est excellente et on sent bien que l'éditeur ne lésine jamais quand il s'agit de choyer ses lecteurs. Bon, attention cependant, le format du livre ne le rend pas aussi pratique à feuilleter au fond de son lit douillet que leurs autres publications.
Le style est aussi agréable que naturel, jamais pompeux, et les différentes étapes du développement évoquées intéressantes, même pour celui et celle à qui les coulisses du jeu vidéo ne sont pas totalement inconnues. On y apprend la manière dont le projet de départ a évolué, les doutes qui ont assailli l'équipe à certains moments clefs, les raisons qui ont motivé la suite et chaque pan du processus de développement a droit à son petit passage dédié dans le livre. Ainsi, on apprend même la manière dont ont été choisies les voix originales (anglaises), les difficultés liées à leur enregistrement pour Requiem, et bien sûr, comment s'est déroulé le travail d'Aurélien Piters (sound designer) et d'Olivier Derivière (compositeur), que nous avions d'ailleurs tous deux reçus pour un live à l'occasion de la sortie d'Innocence. Le rôle de l'éditeur Focus y est également abordé, ce qui n'est pas si souvent évoqué dans les livres de ce genre, où l'accent est souvent plus mis sur les créatifs et les auteurs. Avec son découpage en trois parties (et ses 192 pages), la lecture n'est aucunement chronophage et on la dévore en quelques jours avec un réel plaisir. L'absence de décryptage approfondi tel que l'on peut en voir dans d'autres ouvrages chez Third (on vous conseille d'ailleurs en passant celui sur la série Silent Hill et celui consacré à Fumito Ueda, riches et captivants) n'est absolument pas un défaut dans le sens où la série A Plague Tale s'y prête sans doute un peu moins. Benoît Reinier ne passe évidemment pas sous silence tout le travail de recherche historique, les concessions faites au réalisme dans l'intérêt du jeu et la manière dont Asobo est parvenu à insérer sa fiction fantastique dans une certaine forme de réalité, mais il s'attarde plus sur la genèse des deux jeux et c'est une excellente chose selon nous. À une époque, on avait parfois le droit à des DVD de making-of ajoutés en bundle de certaines éditions de jeu (on pense évidemment à Silent Hill 2), aujourd'hui, on a la chance de pouvoir découvrir tout ce qui se passe "behind the scenes" sur papier de manière bien plus détaillée. Les éditeurs et les studios de développement n'ouvrant pas toujours facilement leurs portes, c'est tout de même une sacrée chance de pouvoir avoir accès à toutes les informations partagées par Ex Serv.
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