Et s’il vous était donné le pouvoir de mourir pour revenir à la vie plus jeune, soit au moment où, volontairement ou non, vous aviez trépassé pour la première fois ? C’est sur ce postulat en forme de casse-tête annoncé que s’ouvre le deuxième volet des aventures de John Yesterday, un homme à l’identité trouble, mais qui pressent que la perte de mémoire qui accompagne chacune de ses renaissances le protège malgré tout d’un passé que nul n’aimerait ressasser.
La première bonne idée de cette suite est ainsi de se concentrer, bien plus que ne l’avait fait l’épisode précédent, sur l’histoire de ce héros inouï, que l’on dit né il y a plus de 500 ans d’un père aussi importun qu’inattendu : Satan. Tout au long de la dizaine d’heures que promettent cette fois les aventures de John et de son amie Pauline – le premier opus se bouclant en cinq heures montre en main –, on n'aura de cesse, au gré des différents chapitres, de suivre en parallèle d’une enquête contemporaine, la découverte progressive des raisons obscures qui, voilà un demi-millénaire, jettent une lumière bien noire sur l’étrange pouvoir dont les deux protagonistes sont désormais tous deux affectés. A cet égard d’ailleurs, et pour tâcher d’en révéler ici le moins possible pour ceux d’entre vous qui ne connaissaient pas encore cette série, il est vivement conseillé d’avoir joué préalablement à la première aventure pour profiter pleinement du scénario concocté par les vétérans du jeu vidéo hispanique.
Le titre est en effet le dernier né des auteurs de la série Runaway, concurrent direct dans les années 2000 de Broken Sword (les chevaliers de Baphomet), et qui avait alors su marquer l’esprit des joueurs avec cette recette aussi simple que celle du quatre-quart : une réalisation graphique accrocheuse, des personnages charismatiques, un scénario travaillé et des énigmes bien pensées. Or, de ce point de vue, Pendulo Studio signe peut-être enfin son grand retour, car l’épisode précédent ne pêchait pas seulement par la brièveté de sa durée de vie ; de ce défaut principal en découlait deux autres : une histoire peu aboutie et un degré de difficulté qui, s’il n’était pas particulièrement élevé, accusait tout de même une tendance à faire pester le joueur sur la résolution d’énigmes qui n’en n’étaient pas vraiment (par exemple, je regarde dans la poche d’un imperméable pour n’y découvrir qu’un seul objet, alors qu’une seconde fouille devait finalement en révéler un second).
Cette fois, les puzzles se veulent à la fois plus logiques et plus intéressants, l’amélioration du système de combinaison d’objets n’y étant certainement pas étrangère. Le talent des Espagnols tient ici en partie à la manière qu'ils ont eu de renouveler un genre que l’on croyait inexpugnable : l’idée, aussi simple que géniale, consiste à combiner des objets qui, une fois sélectionnés, apparaissent en 3D afin que l’on puisse les examiner sous toutes les coutures, et en découvrir éventuellement les secrets. Vient ensuite le moment de les associer eux-mêmes, soit à d’autres objets, soit à des indices glanés à l’occasion d’une conversation ou d’une exploration des lieux. Si l’on peut regretter quelques errements quant à la localisation et l’exploitation de certaines zones d’intérêt, on excusera volontiers ces approximations pour retenir surtout l’ingéniosité du gameplay.
Cette audace, on la retrouve aussi dans la réalisation graphique, dans un style très BD, jusque dans l’usage des bulles au soutien de monologues intérieurs ou de conversations, souvent très matures ; oui, le désir ou la peur de devenir père risque de conduire un homme maladroit à interroger celle qu’il aime sur son cycle menstruel… Il est toutefois dommage que les voix prêtées aux personnages ne fassent pas toujours honneur à la personnalité (forcément) complexe de ces derniers - en particulier pour John, peu inspiré. Il est dommage, également, que le "super-pouvoir" (ou la "super-malédiction", comme on voudra) de nos deux héros soit si peu exploité, ce surtout quand l’entrée en scène de Pauline augurait du meilleur à cet égard.
Pour en revenir à John, sans doute l’amnésie accompagnant ses résurrections a-t-elle contraint les scénaristes à devoir se polariser sur la neutralisation d’un effet secondaire qui risquait de rendre l’histoire redondante, pour privilégier au final un scénario qui se tient de bout en bout, et qui réservera, à n'en point douter, certaines surprises aux plus perspicaces d’entre vous. Quitte même à en oublier de respecter l’équilibre des ingrédients de la recette, les énigmes proposées manquant un peu de challenge. Rien de bien grave cependant, la qualité générale du titre justifiant d’y abandonner une trentaine d’euros, que ce soit sur PC, PS4 ou Xbox One. Bienvenido a casa Pendulo !
Tous les commentaires (1)