Sous ce nom mystérieux se cache un concept de jeu à plusieurs imaginé par Sony, où la manette peut être remplacée par le téléphone (ou la tablette) de chacun des participants. Plus variée que l'on pourrait le croire, la gamme de titres compatibles va du simple party game (SingStar Celebration, Qui es-tu?, ou Knowledge is Power) à l'expérience narrative interactive. C'est le cas de Planet of the Apes: Last Frontier et Hidden Agenda, dont nous allons vous parler ici, pour ouvrir comme il se doit cette porte vers de nouveaux horizons vidéoludiques.
Au regard des ambitions de convivialité et de partage voulues par le concept même de PlayLink, il est assez surprenant de trouver des films interactifs dans l'offre de Sony. Les deux aventures reposant essentiellement sur les choix du jouer/spectateur, l'expérience multijoueur se transforme assez rapidement en série de votes qui vont diriger les intrigues dans des directions parfois différentes de celle que l'on souhaite. Nous pensons donc que, contrairement à des titres comme Qui es-tu?, SingStar Celebration ou Knowledge is Power, qui requièrent la présence d'autres joueurs, Last Frontier et Hidden Agenda sont avant tout des expériences à vivre seul. D'une part, on y gagne fortement en immersion, et d'autre part, dans le cas de Hidden Agenda notamment, la progression ne se voit pas parasitée par des questions posées aux participants qui n'ont rien à voir avec ce qui se passe à l'écran ("qui gère le mieux la pression parmi vous ?").
L'histoire de La Dernière Frontière se situe entre le film de 2014 (La Planète des singes : L'Affrontement) et de 2017 (La Planète des singes : Suprématie), alors qu'un groupe de singes s'est réfugié dans les Rocheuses pour éviter de prendre part au conflit avec les hommes. Isolés et affamés à cause du manque de gibier, les primates espèrent pouvoir trouver de quoi chasser sur les terres qu'ils occupent, mais la situation s'annonce difficile. Une faction d'humains, qui ne soupçonne pas la présence de singes dans les environs, essaie également de survivre tant bien que mal, alors que les ressources s'amenuisent de jour en jour et que l'inquiétude grandit au sein de la communauté. Vous vous en doutez, quelque chose va amener les deux groupes opposés à se rencontrer, la tournure que prendront les événements dépendant des choix que vous serez obligé de faire. Le principe du "jeu" est aussi simple que limité, puisqu'il s'agit juste de cliquer sur votre téléphone en optant pour l'une des décisions que l'on vous demande de prendre, voire parfois d'appuyer (ou non) sur une touche (virtuelle) à l'écran. À la manière des QTE non obligatoires de Mass Effect, on pourra par exemple décider de faire feu, de ne pas engager les hostilités, ou d'essayer d'intervenir pour empêcher l'inévitable. Les décisions prises pourront avoir une incidence immédiate ou plus lointaine, voire même peut-être ne rien changer au déroulement de l'aventure. L'entrée en matière se veut assez lente (et ennuyeuse), pour mieux présenter les différents personnages on l'imagine, mais les choses commencent un peu à prendre forme dès la fin du premier chapitre. Difficile à ce stade de savoir si le scénario tient suffisamment la route pour accrocher jusqu'au bout, mais on doute toutefois du potentiel de rejouabilité de l''aventure tant l'interactivité est limitée par le concept lui-même.
Visuellement, l'ensemble demeure assez terne, la faute à une direction artistique très avare en couleurs qui s'explique sans doute par l'ambiance de fin du monde très déprimante voulue par les développeurs de The Imaginarium. Techniquement, l'Unreal Engine nous a moyennement convaincus ici, avec des problèmes de pop-up qui choquent davantage que dans un jeu classique, puisque l'on a uniquement affaire à un enchaînement de cinématiques au lieu des habituelles phases de gameplay où l'on peut réellement diriger un personnage. Ces problèmes d'affichage arrivent essentiellement au tout début de certains plans, mais ils n'en sont pas moins visibles. Le format cinémascope a beau permettre d'économiser quelques ressources, nous avons également noté de menus accrochages du framerate dans certaines scènes, qui n'ont bien évidemment aucune incidence sur la jouabilité. La qualité d'image nous a aussi un peu déçus, la faute à un affichage assez flou dans l'ensemble. La Dernière Frontière propose heureusement des visages bien modélisés du côté des singes, qui se rapprochent beaucoup de leurs équivalents cinématographiques. Si leurs corps velus ne sont pas les plus impressionnants qui soient, l'ensemble fonctionne et l'on reconnaît bien les différentes races au premier coup d’œil. Les visages des êtres humains, en revanche, ne sont pas assez détaillés et manquent clairement d'expressivité. Les regards sont encore trop vitreux, comme si les personnages étaient des êtres totalement désincarnés. Si la "jouabilité" ne pose aucun problème, il nous est toutefois arrivé de devoir relancer une scène parce que notre téléphone n'affichait pas le bouton virtuel sur lequel appuyer pour réagir rapidement lors d'une séquence d'action. Un bug que l'on espère isolé. Autre bémol, nous avons rapidement constaté que le "jeu" ne tient pas forcément compte de nos choix, en nous imposant des séquences en dépit de notre refus d'y participer à la base. Si cela se répète trop souvent, inutile de dire que l'intérêt du titre en prendra pour son grade.
Derrière ce titre, il y a Supermassive Games, les développeurs à qui l'on doit le surprenant Until Dawn. Si vous vous souvenez des mois qui ont précédé la sortie de cette exclusivité narrative de la PS4, vous devez vous rappeler que nous étions loin d'être convaincus par ce que nous avions pu en voir sur les différents salons du milieu. Pourtant, malgré un contexte teen movie bien éloigné de nos âges vénérables, le jeu avait su nous convaincre grâce à son habile utilisation de la mécanique de l'effet papillon, qui donnait une belle leçon de game design aux productions Telltale (et à celles de David Cage diront certains). On retrouve ici la même approche, avec une autre appellation, puisque c'est cette fois le "ripple effect" qui est mis en avant. Par "ripple effect", on entend la propagation des ondes sur la surface de l'eau, et donc dans le cas qui nous intéresse, les conséquences liées à une action ou une décision d'un personnage. À l'inverse de La Dernière Frontière, Hidden Agenda met directement le joueur/spectateur dans le grand bain, en le plaçant aux trousses d'un dangereux tueur en série sur le point d'être arrêté par la police. Comme dans Until Dawn, on se retrouve à suivre différents personnages et points de vue, dans le but de démêler une histoire qui se veut plus complexe et alambiquée qu'il n'y paraît. Condamné à mort après des aveux en bonne et due forme, le mystérieux coupable se rétracte soudain, relançant l'affaire et les interrogations qui l'entourent. Plus ludique que Planet of the Apes, Hidden Agenda ne se contente pas de nous demander de choisir des réponses. Lors de certaines scènes, il faudra en effet balayer l'écran à la recherche d'un nombre d'indices précis, le tout dans un temps limité. Bien sûr, passer à côté d'éléments clefs pourra avoir une incidence sur la suite. Des passages demandent aussi un minimum de réflexes, comme dans un QTE, à la différence près qu'il s'agit de faire glisser le pointeur à l'écran dans la zone adéquate pour réussir l'action. Enfin, dans le menu de l'application, des informations sur les indices trouvés et les conséquences obtenues sont consultables, ainsi que les fiches des différents personnages.
Sans aller jusqu'à dire que l'on retrouve là les codes d'un jeu vidéo classique, on se sent légèrement plus impliqué, et surtout moins passif que dans La Dernière Frontière. Grâce au soin apporté à la mise en scène, avec des angles de caméra judicieux qui imitent ce que l'on peut voir à la télévision ou au cinéma, on entre très vite dans la peau des personnages que l'on incarne. Pour ne rien gâcher, les visages de tous les protagonistes que nous avons croisés sont particulièrement réussis, tant dans leur modélisation irréprochable que dans la sensation de vie qu'ils dégagent. Les regards sont à ce titre nettement plus humains que dans La Dernière Frontière, ce qui permet de transmettre les émotions bien plus facilement ; comme les animations faciales ne viennent pas ternir le tableau, on se retrouve très rapidement immergé dans l'histoire et dans l'ambiance du "jeu". Encore une fois, nous ne pouvons pas vous donner notre sentiment global sur l'aventure, il faut donc en tenir compte en lisant tout ceci, mais Hidden Agenda nous semble beaucoup plus motivant à aborder d'entrée de jeu. Tout n'est évidemment pas irréprochable techniquement, les décors et les mouvements des personnages étant parfois plus proches de la génération précédente que de l'actuelle, mais l'utilisation intelligente des lumières, des différents effets spéciaux et le placement malin de la caméra font largement illusion. En ressort une impression bien plus positive que pour nos premiers pas dans l'aventure cinématique conçue par The Imaginarium. Si nous n'avons pas eu suffisamment de temps pour écouter la version française, il semble qu'elle soit malheureusement assez inégale, mais c'est surtout la synchronisation labiale qui laisse à désirer. Du côté de la version originale, c'est du très bon travail, ce qui devrait ravir tous ceux qui ne jurent plus que par elle, d'autant qu'il est tout à fait possible de profiter du sous-titrage français, comme dans n'importe quel film ou série.
Tous les commentaires (3)
La planète des singes m'intéresse.
Des que je retrouve ma connexion internet je me prends Hidden Agenda :)
A faire entre amis, ça doit être bien sympa.