Crossing Souls emmène le joueur dans les années 80, pour y suivre les aventures d'une joyeuse bande de copains grimés de jolis pixels colorés. On vous invite donc à enfiler vos Adidas Nastase et vos t-shirts fluos pour découvrir notre verdict sur le jeu de Fourattic et admirer notre vidéo capturée sur Nintendo Switch.
Crossing Souls, c'est avant tout la mise en image d'une nostalgie vibrante pour les années 80 et toute la pop culture qui s'y rattache. En plaçant son histoire au début de l'année 1986 dans une petite ville de Californie, le studio espagnol Fourattic entend bien nous faire replonger directement dans tous les films de cette période, ces longs métrages cultes qui ont survécu au passage du temps en se transmettant aux générations suivantes par le prisme de l'écran de télévision familial. Les Goonies, Stand by Me, Retour vers le Futur, Poltergeist, Ghostbusters, les références sont si nombreuses qu'il nous faudrait un article dédié pour en faire la liste exhaustive. Les rabat-joie du quartier viendront sans doute vous dire que l'on frise parfois l'overdose, mais comme souvent avec ce genre de personnes, ils auront tort aux yeux des autres. D'autant que les clins d’œil ne s'arrêtent pas à la seule sphère cinématographique puisqu'en bon jeu vidéo qu'il est, Crossing Souls n'oublie pas non plus de rendre hommage aux grands classiques du médium, qui font désormais aussi partie de l'histoire. Éléments du décor, collectibles à découvrir, personnages avec lesquels interagir pour remplir des quêtes annexes totalement désintéressées, tous les moyens sont bons pour nous rappeler que l'on va vivre une aventure hors du commun avec une bande de copains amateurs de BMX. Chris est le “chef” de cette fine équipe, et lui et ses amis vont se retrouver confrontés à des dangers dont ils ne soupçonnaient pas l'existence. Si l'ambiance générale du jeu ne verse jamais dans le glauque de Stranger Things, autre hommage appuyé à cette glorieuse période de l'enfance, Crossing Souls ne se pare pas pour autant d'une narration cousue main par Walt Disney. Il y sera donc bel et bien question de drames, ce qui ne surprendra finalement personne quand on sait à quel point les thèmes de l'amitié et du sacrifice vont souvent de paire.
Au delà de sa dimension narrative affichée, la particularité de Crossing Souls est de vouloir offrir une expérience longue et variée, qui donnera l'impression d'avoir participé à une véritable épopée. Le titre débute comme un jeu d'aventure, le héros est libre d'arpenter son quartier, puis la ville, à la recherche de ses camarades, tout en observant les habitants et en les aidant quand ils en font la demande. L'ambiance est rapidement posée, le calme et la joie de vivre qui se dégagent de la petite bourgade invitent à prendre son temps pour explorer chaque recoin, même si ce satané orage de la veille ne présage rien de vraiment bon pour la suite des événements. Mais avant que les choses sérieuses ne commencent pour de bon, il va d'abord falloir réunir toute la petite troupe, Chris ayant une fois de plus pour tâche de retrouver son petit frère Kevin, qui semble être du genre à faire tourner ses parents en bourrique (normal pour un Kevin nous direz-vous, n'est-ce pas Zorgalouf ?), il fait le tour de la ville pour passer prendre les autres membres de la bande. Matt est le geek de service, petit génie des sciences, Big Joe, le rondouillard costaud sur lequel on peut toujours compter, et Charlene/Charlie, la fille indépendante qui ne se laisse pas marcher sur les pieds et doit gérer un père alcoolique qui lui mène la vie dure depuis la disparition de sa mère. Un casting qui respecte à la lettre le cahier des charges de bien des histoires de l'époque, mais qui n'entend pas juste faire office de simple clin d'œil. En effet, qui dit personnages multiples dit caractéristiques distinctes et donc possibilités diverses en termes de mécaniques de jeu. D'autant qu'il est possible de passer de l'un à l'autre des héros en culotte courte en un seul clic.
Cette complémentarité des personnages ne manquera pas de rappeler l'excellent The Lost Vikings, sorti sur Super Nintendo en 1992 et développé par un petit studio qui deviendra plus tard un certain Blizzard Entertainment. L'approche est cependant légèrement différente, puisque le jeu de Fourattic ne demande pas de diriger chacun des personnages indépendamment les uns des autres. À la manière d'un JRPG, les déplacements se font avec un seul d'entre eux, les autres apparaissant à ses côtés à chaque fois que la narration reprend du service. Il reste malgré tout nécessaire de faire bon usage de cette complémentarité pour progresser dans certains tableaux. Chris est le seul de la bande à pouvoir sauter, grimper ou renvoyer des projectiles avec sa batte de baseball. Matt peut léviter quelques secondes grâce à ses turbo-baskets modifiées, mais c'est aussi le seul de l'équipe qui possède une arme à distance. Big Joe ayant les plus gros bras du lot, il possède une jauge de santé plus grande, frappe bien plus fort que ses petits camarades et peut aussi déplacer des objets lourds en les poussant. Charlie manie le fouet la corde à sauter à la perfection, glisse comme personne, et peut également se projeter d'une zone à l'autre en se servant de sa corde comme d'un élastique. Enfin, Kevin, lui, se contente juste de faire des pets et des bulles avec son chewing-gum, mais il faut bien un maillon faible dans une équipe. Pas vrai Choco ? Chacun dispose de plus d'une capacité d'esquive (assignée au stick droit), pour aborder au mieux les combats et les boss qui vont se présenter à eux. Des affrontements qui permettent aussi de faire usage de sortes de grenades flash, pour aveugler les ennemis, ou même de bombes à retardement, qui pourront aussi servir à dégager certains passages obstrués. En cas de petit coup de mou, et si les petits cœurs lâchés par vos adversaires ne suffisent pas, une sucette et ça repart !
Les affrontements contre les boss surviennent assez régulièrement au cours de l'aventure et ils peuvent parfois prendre une forme un peu plus originale, comme lorsqu'il est demandé de mémoriser une séquence musicale basée sur les couleurs (seuls les plus vieux et les vrais savent). D'une manière générale, ces séquences ne demandent pas une dextérité exceptionnelle une fois que l'on a assimilé les différentes attaques et les mouvements du boss, mais nous gardons tout de même un assez mauvais souvenir de l'avant dernier boss, qui réunit un peu tous les défauts du jeu en une séquence. Assez illisible à cause de tout ce qu'il s'y passe, et même parfois de certains éléments de décor, ce combat s'est avéré assez pénible, notamment quand, après une chute dans la lave, le jeu avait la bonne idée de nous faire réapparaître sur une plate-forme qui venait pourtant tout juste de disparaître. Manque de dextérité de notre part ? Peut-être, mais nous pensons tout de même que certaines choses sont à revoir dans cet affrontement, qui contrebalance ses errements en ne faisant perdre les morceaux de cœurs qu'à petite dose (ce qui n'est peut-être pas un hasard quand on y pense...). Crossing Souls ne fait cependant pas uniquement la part belle aux combats, les énigmes ayant elles aussi leur place dans l'aventure. Pour la plupart, elles sont plutôt bien intégrées dans la progression, et ont la bonne idée de ne pas trop tenir le joueur par la main. Il est d'ailleurs possible que celle de la mine vous retienne un peu plus longtemps que les autres, mais on vous rassure, tout reste à la portée du commun des mortels. Il en va d'ailleurs de même pour les phases de plate-forme, qui se corsent peut-être juste un peu inutilement sur le dernier tiers (la faute aux save points éloignés), et donnent un peu l'impression de traîner en longueur sans que l'on sente une réelle justification à cela.
Tournant sous Unity, Crossing Souls affiche une plastique bien en accord avec la période à laquelle il veut rendre hommage. Pour autant, n'allez pas croire que ce soit là une bonne excuse pour proposer des décors pauvres en détails, bien au contraire ! Qu'il s'agisse de la petite ville de Tajunga, de ses environs ou des complexes bien gardés que traversera la petite bande, la modélisation de chaque élément a fait l'objet du plus grand soin. Les ambiances variées des différents lieux traversés sont très bien retranscrites, ce qui permet d'ailleurs de repérer en un battement de cils les (nombreux) clins d’œil disséminés un peu partout. Conséquence logique, l'impression de vivre une grande aventure est permanente, et tant pis si le scénario part parfois un peu dans tous les sens. Seul véritable reproche à faire concernant l'aspect graphique du titre, le manque de lisibilité qui en résulte parfois, notamment à cause de perspectives mal gérées qui peuvent venir perturber la lecture de l'environnement, ceci pouvant occasionner quelques chutes malencontreuses. Quand cela arrive, difficile de ne pas émettre quelques grognements de frustration, mais on finit par s'y faire et s'en accommoder. Il en va d'ailleurs de même pour les petits problèmes de maniabilité que nous avons décelés, avec un changement de personnage parfois capricieux lors des phases de plate-forme, des sauts qui ne sortent pas toujours au moment où il faut dans l'urgence, ou bien encore Chris qui refuse de s'accrocher au lierre grimpant alors qu'il est poursuivi et n'a pas le droit à la moindre erreur. Malgré quelques passages plus frustrants qu'ils n'auraient dû l'être, Crossing Souls parvient à conserver ce charme très eighties que son univers, sa direction artistique et sa bande originale (fruit de la collaboration entre Timecop1983 et Chris Köbke) lui insufflent avec brio.
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