Nous poursuivons notre couverture review de janvier avec SEASON: A letter to the future, qui a d'ailleurs pour lourde responsabilité de clore ce premier mois de l'année 2023 en arrivant sur PS4, PS5 et PC le 31. Après environ douze heures de jeu (le temps de tout faire a priori), nous sommes enfin à même de vous livrer notre verdict.
Pour Estelle, une page est sur le point de se tourner. Après avoir grandi dans un village logé au sommet d’une montagne, elle s’apprête enfin à le quitter. Il est grand temps pour elle de laisser derrière elle la sécurité de ce cocon paisible dont elle n’est jamais sortie jusqu’à maintenant, de partir à la découverte du monde avant l’arrivée de la prochaine saison, qui symbolise la fin d’une ère et l'avènement d’une nouvelle. Si sauter dans l’inconnu ne semble pas l’inquiéter outre mesure, il lui faut néanmoins abandonner sa mère, qui l’élève seule depuis le décès accidentel de son père des années plus tôt. Alors que le moment des adieux se rapproche, Estelle doit tout d’abord choisir les quelques souvenirs qui vont servir de base à la création du talisman qui la protègera des dangers de ce monde étrange dans lequel elle vit. Enfin, étrange, il l’est surtout pour nous, qui n’en connaissons absolument rien. Au fil des découvertes, on en apprend un peu plus sur les raisons qui ont poussé ce petit village à s’isoler du reste du monde, un mal incurable semblant s’abattre sur la population depuis bien longtemps. On a beau trouver à ce monde des similitudes avec le nôtre, on plonge tout autant dans l’inconnu qu’Estelle quand elle enfourche enfin sa bicyclette pour partir à l'aventure. Passé et présent lui seront contés par les environnements qu’elle traversera, les divers objets qu’elle y dénichera mais aussi via les quelques personnes qu’elle pourra croiser. SEASON: A Letter to the Future est résolument tourné vers une certaine forme d’introspection, vers une nostalgie pour un monde qui nous est pourtant étranger, tout cela dans une ambiance calme et apaisée également teintée d'une indéniable mélancolie. Malgré la menace qui pèse sur la vallée où elle finira par être portée après quelques tours de roues, Estelle prendra le temps de s'imprégner de l'essence même de ce nouveau lieu, d'y rencontrer certains de ses habitants et de découvrir de petits morceaux de leur histoire et de leur héritage.
SEASON: A Letter to the Future n'est clairement pas un titre comme les autres. Si l'on pourra assez facilement le ranger dans la catégorie des walking simulators ou des jeux d'aventure dits narratifs, il prend la forme d'un véritable carnet de voyage, au sens propre comme au figuré. Ainsi, au sein des mécaniques de gameplay, on va être amené à personnaliser le travel book de la jeune femme à l'aide des clichés et des enregistrements audios que l'on aura pris, mais aussi de divers croquis et dessins que nos interactions avec le monde auront débloqués. Rien n'oblige à y passer excessivement de temps, chaque page ne demandant que quelques éléments pour être "validée", mais il est tout à fait possible de fignoler son carnet à l'extrême, de le rendre totalement unique et d'en faire le témoin de sa propre expérience. Dans une certaine mesure, cela rappelle un peu l'approche de Firewatch avec les clichés que l'on pouvait prendre au cours de l'aventure et dont on pouvait demander le développement réel en fin d'aventure. Ici, les développeurs canadiens de Scavengers Studios ne vont pas aussi loin que ceux de Campo Santo, puisqu'ils ne vous proposeront évidemment pas de vous faire parvenir une version papier de votre carnet de voyage à la fin, mais si l'aspect logistique n'avait pas été aussi compliqué, cela aurait été une manière parfaite de boucler la boucle. Très clairement, on aurait adoré que cela soit possible, mais notez bien que nous n'émettons guère de critique sur ce possible rendez-vous manqué. C'est juste que nous nous sommes tellement pris au jeu de l'élaboration de ce road book, au point d'en être même assez fiers à la fin, que nous n'aurions pas dit non à ce genre de petit bonus (pour lequel nous aurions facilement pu mette la main à la poche d'ailleurs). Mais trêve de rêveries, l'idée de l’édition collector personnalisée restant du domaine du pur fantasme, revenons sans plus attendre au road trip très intimiste que nous propose SEASON: A Letter to the Future.
Quand Estelle quitte la maison familiale, on nous apprend assez vite comment va se dérouler l'aventure et quels seront les systèmes mis en place par Scavengers Studios. L'appareil photo et le dictaphone équipé d'un micro tiennent une place prépondérante dans l'expérience, mais chaque lieu traversé contient un certain nombre d'interactions possibles, d'objets à récolter, de documents à lire, la plupart déclenchant des commentaires de l'héroïne, qu'elle pourra d'ailleurs ajouter à la liste des éléments qui serviront à agrémenter son carnet. À chaque zone découverte, son emplacement dans ce dernier, votre tâche consistant à le remplir au fur et à mesure pour "enregistrer" la fin de cette ère que vous êtes en train de vivre. La mission d'Estelle est de laisser une trace de ce qui a existé, un témoignage pour le futur, que les souvenirs puissent continuer à être partagés et qu'ils perdurent par delà les saisons. Une belle allégorie sur le devoir de mémoire que les développeurs illustrent par le biais de nos découvertes et de nos rencontres. Car en effet, comme nous l'évoquions déjà plus haut, Estelle finira par croiser quelques habitants de ce monde à l'abandon, des personnages dont le parcours très touchant ne devrait pas vous laisser insensible, le doublage en français québécois tout en retenue leur donnant une touche à la fois exotique et émouvante. On croisera par exemple un petit garçon qui nous proposera une visite guidée des environs, ou encore une vieille artiste désabusée et un brin résignée sur l'avenir. Scavengers Studios a évidemment construit son monde en créant plusieurs zones d'intérêt uniques où l'on pourra en apprendre plus sur les évènements passés ou sur la communauté de la vallée et leurs us et coutumes. On s'y déplace à pied ou en vélo en fonction des distances à couvrir, mais quel que soit le moyen de locomotion, le jeu nous invite à prendre notre temps, à contempler et admirer les splendides paysages tout en nous imprégnant de leur ambiance, des sons de la nature ou des carillons laissés par les habitants. Toutes les haltes ne sont certes pas obligatoires pour faire progresser l'histoire, mais elles sont néanmoins plus que conseillées pour en profiter comme il se doit. SEASON: A Letter to the Future ne se consomme surtout pas en ligne droite, il faut savoir apprécier tous les chemins de traverse et autres zigzags qu'il propose.
Vous le savez, l'Unreal Engine est aussi bien capable du pire que du meilleur. En témoignent à la fois la belle brochette de bien jolis jeux qui tournent grâce à lui que ceux qui souffrent de divers problèmes techniques, dont le désormais célèbre souci de compilation des shaders. La bonne nouvelle, c'est que SEASON: A Letter to the Future n'en est a priori pas victime et qu'il nous offre un visuel vraiment splendide dans son genre. La mauvaise, c'est que les performances de la version PC à laquelle nous avons eu accès sont restées assez inégales en fonction des endroits traversés. Dans la grosse majorité des zones plus linéaires (celles qui séparent le village d'Estelle de la vallée et celle qui clôt l'aventure), le framerate n'a jamais spécialement peiné à maintenir les 60 fps, à pied comme à vélo. En revanche, dans celle, plus ouverte, de la vallée, qui offre plus de liberté en termes d'exploration, le bilan est déjà nettement plus mitigé. C'est évidemment bien dommage car c'est très clairement là que vous passerez le plus de temps, mais cela se ressent surtout lorsque l'on voyage à bicyclette, et encore une fois, bien que relativement fréquent, ce n'est jamais systématique. On remarque donc bien des saccades ou des baisses de framerate de temps à autre, mais cela finit toujours par s'arranger. Comme ces ralentissements (ou un léger stuttering occasionnel) persistent dans les zones concernées même quand on y revient plus tard, on peut semble-t-il exclure le problème de compilation des shaders. Bizarrement, baisser la résolution du jeu ou les paramètres graphiques ne semble pas permettre d'améliorer drastiquement les choses, du moins dans notre expérience. N'ayant pas pu essayer les versions Playstation, nous ne pouvons pas vous dire comment elles se comportent, mais sachez tout de même que ces petits désagréments techniques ne viennent heureusement pas gâcher l'expérience globale. Dans un ensemble aussi poétique et paisible, cela se remarque indéniablement, et on aurait préféré être épargnés de ce genre de désagréments, mais maintenant que l'abcès est crevé, on va pouvoir s'intéresser à tout le reste.
Si l'appréciation de la proposition visuelle d'un jeu revêt toujours une grande part de subjectivité, permettez-nous malgré tout de clamer haut et fort que nous trouvons SEASON: A Letter to the Future absolument magnifique, aussi bien graphiquement qu'artistiquement. Les décors sont très fournis en détails, ce que le style tout en aplat ne vient jamais impacter négativement. On a l'impression de voyager au sein d'artworks peints à la main, avec un rendu qui n'est pas sans rappeler la bande dessinée. Le léger pop-up n'est pas trop intrusif, même s'il se remarque forcément un peu, et les différentes heures de la journée sont parfaitement retranscrites, avec pour une fois une gestion de la luminosité et de l'obscurité assez crédible en fin de journée et de nuit. Les panoramas que l'on découvre sont vraiment magiques pour la plupart, nous invitant à sortir l'appareil photo pour immortaliser l'instant et le consigner dans notre carnet de voyage. Les animations sont elles aussi assez remarquables, bien que tout ne soit pas non plus parfait à ce niveau pendant les phases de gameplay (Estelle attrape son vélo comme par magie par exemple, et on a souvent l'impression que le personnage glisse au sol plus qu'il ne marche). Pour tout vous dire, on a presque retrouvé la magie du travail de Jordan Mechner dans le premier Prince of Persia ou The Last Express. C'est logiquement plus notable pendant les séquences cinématiques, mais cela passe aussi très bien dans les phases de gameplay. Côté univers musical, SEASON: A Letter to the Future reste assez sobre. On entend à l'occasion quelques mélodies, notamment via des souvenirs que l'on découvre, mais d'une manière générale, le jeu nous laisse nous imprégner de son ambiance par le biais des bruitages environnants : le bruit du vent, de l'eau, des carillons balancés par la brise, des oiseaux, etc. Une approche assez minimaliste qui sied parfaitement au sentiment de paisible solitude qui accompagne Estelle dans son voyage. Le doublage est disponible en anglais ou en français, et si nous le trouvons un peu différent dans son interprétation d'une langue à l'autre, il fonctionne très bien dans les deux cas.
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Je me le prendrais surement un de ces jours :)
Merci pour la review.
Merci pour la review en tout cas.