La preview positive suivie d’une version finale décevante, on nous a déjà fait le coup, mais cela n’aura pas été le cas pour Syberia: The World Before, que nous avons terminé pas plus tard que le weekend dernier, juste à temps pour vous donner notre avis dès la levée de l'embargo. On vous propose de vous expliquer tout cela dans une review soigneusement rédigée et une vidéo commentée dans un style un peu moins formel que d’habitude.
Après plusieurs aventures qui l'ont menée bien loin de chez elle, Kate Walker ne semble pourtant pas prête à rentrer chez elle et à se poser une bonne fois pour toute. Les événements du précédent volet l'ont de toute façon conduite dans une mine de sel, dans laquelle elle est retenue prisonnière et contrainte aux travaux forcées. C'est dans cet enfer qu'elle s'est liée d'amitié (et même plus) avec une certaine Katyusha Spiridonova, ancienne membre d'un groupe de punk rebelle que le gouvernement de son pays ne voyait pas d'un très bon œil. Mais si Kate reste sans le moindre doute le personnage principal de ce nouvel épisode, ce n'est pas avec elle que s'ouvre l'aventure, mais avec une jeune pianiste vagerane du nom de Dana Roze, dont elle va suivre les traces sans relâche. La difficulté de la tâche réside dans le fait que Dana a dû traverser les horreurs de la Seconde Guerre Mondiale et que Kate ne sait pas ce qu'il est advenu d'elle, ni même si elle est encore en vie. Le jeu commence donc en 1937, à l'aube du conflit, dans la sublime cité de Vaghen, au moment où la jeune musicienne s'apprête à jouer l'hymne de la ville sur la grand place en compagnie d'automates confectionnés par Hans Voralberg. Une magnifique séquence qui pose merveilleusement bien l'univers imaginé par Benoît Sokal, qui nous aura malheureusement quitté avant de voir le bout du projet. Si la vie semble encore très paisible au tout départ, les premiers signes d'un futur sombre se dessinent déjà, les jeunesses de l'Ombre Brune, l'organisation fasciste qui va faire basculer le monde dans la guerre totale, menaçant déjà la tranquillité de la communauté juive dont Dana fait partie. L'inquiétude plane, les commerçants vagerans sont d'ores et déjà victimes d'attaques gratuites et de pressions, mais Dana reste concentrée sur son objectif, devenir une grande pianiste grâce à l'Académie de musique de la ville. Parallèlement, on suit bien évidemment l'héroïne habituelle de la série, Kate Walker donc, en 2005. Enfin, la première fois qu'on la retrouve, en bien fâcheuse posture, c'est encore l'année 2004, mais après sa fuite de la prison dans laquelle elle est retenue, on la retrouvera un an plus tard dans la ville de Vaghen. Pour une raison que l'on taira pour ne vous dévoiler que quelques bribes de l'intrigue, Kate sera obnubilée par la recherche de Dana, à laquelle elle s'accroche au lieu de se résigner à rentrer à New-York pour répondre à l'appel de sa meilleure amie Olivia Foster. Ainsi, on va suivre à la fois l'évolution de son enquête, mais également tout ce qui a pu arriver à la jeune pianiste par le biais de rencontres ou la découverte de documents qui s'occuperont de narrer les événements à Kate. Grâce à cela, on reviendra donc régulièrement dans le passé pour incarner Dana (ou d'autres personnages d'ailleurs), mais tout ce que le joueur découvrira, Kate l'apprendra en même temps. Parfois, il sera possible d'alterner entre les deux époques en appuyant sur la touche Lb/L1 de manière à résoudre des énigmes du présent en explorant les mêmes lieux dans le passé. Pour que cela soit cohérent au niveau du récit, Kate s'appuie toujours sur des témoignages qu'on a pu lui apporter ou sur des archives récupérées dans lesquelles se trouvent toutes les informations dont elle a besoin pour venir à bout des puzzles. La bonne idée, c'est qu'au lieu d'obliger le joueur à lire des pages et des pages de données, il lui propose de fouiller la zone avec le personnage de Dana, et donc de jouer. Syberia: The World Before n'abuse jamais de ces séquences, qui surviennent à plusieurs moment de l'aventure sans devenir systématiques.
Pour le reste, cet épisode fait dans le classique et dans l'efficace, tout en insérant parfois de courts passages un peu originaux pour proposer un peu de variété. On suit donc les deux héroïnes dans leur époque respective, on rencontre de nombreux personnages avec lesquels on discute, avec parfois le choix d'une réponse plutôt qu'une autre (sans réelle incidence sur le déroulement de l'histoire en revanche), on explore de nombreuses zones différentes, même si l'on revient aussi à plusieurs reprises dans certaines pour les besoins du scénario. Les énigmes, puisque nous en parlions précédemment, s'intègrent toujours parfaitement à la progression. Elles n'opposent jamais une grande résistance au joueur, mais dans le même temps, elles sont suffisamment intéressantes pour un procurer la satisfaction que l'on attend de ces séquences en général. Microïds Paris continue d'intégrer des sortes de mini-QTE pour simuler les interactions physiques entre les personnages et les objets : maintenir la gâchette droite pour les tenir tout en déplaçant le stick gauche dans un sens, marteler le bouton A (ou Croix) pour une action qui demande plus de force, etc. La force de ce nouveau Syberia, c'est d'offrir une certaine variété dans les types d'énigmes (et d'avoir le bon goût de n'imposer aucun taquin - notre bête noire dans les jeux d'aventure d'il y a quelques années, ne nous demandez pas pourquoi). Les solutions sont toujours logiques, certains mécanismes que l'on doit à Hans Voralberg sont même assez ingénieux et jamais on ne se retrouve bloqué à cause d'un puzzle trop tiré par les cheveux. Mine de rien, cela veut dire que la progression est toujours fluide et que le rythme, bien qu'assez lent, se veut constant et bien mené. Du coup, assez logiquement, la douzaine d'heures nécessaires pour terminer l'aventure reflète bel et bien la durée de vie réelle du jeu en ligne droite. Aucune perte de temps résultant d'une énigme trop complexe demandent s'y passer des heures pour gonfler artificiellement le temps de jeu, même si votre compteur final pourra différer si vous avez moins pris le temps que nous pour bien tout fouiller de fond en comble. Bien sûr, les habitués du genre pourront peut-être regretter le manque de réel challenge, mais le temps des solutions tirées par les cheveux des jeux LucasArts est depuis longtemps révolu après tout, et encore une fois, cela ne nuit absolument pas au plaisir de jeu. Pour revenir à l'histoire en elle-même, nous avons apprécié son approche plus intimiste, ses personnages attachants et le traitement des évènements qui s'y déroulent. Contrairement à Syberia III, qui nous mettait face à des vilains très caricaturaux, The World Before n'a besoin d'aucun autre némésis que l'Ombre Brune, une menace qui n'est finalement pas tant incarnée par un protagoniste précis que par l'idéologie qu'elle véhicule. Peut-être que cela ne sera pas du goût du tous bien sûr, mais pour nous, tout a nettement mieux fonctionné du côté de l'écriture des différents personnages, qui sont de plus excellemment doublés en français.
Et la VF parlons-en ! Nous l'avions déjà évoqué lors de notre preview vidéo, mais nous avons vraiment été agréablement surpris par sa qualité, surtout après un Syberia III très inégal à ce niveau. Pour commencer, il faut tout de même saluer les efforts de Microïds sur le casting, qui s'appuie non seulement sur des voix très connues, mais qui est lui aussi d'une impressionnante variété. On ne s'attendait pas à entendre autant d'acteurs et d'actrices différents dans un médium où on donne généralement plusieurs rôles aux mêmes personnes pour gagner du temps et de l'argent. Ici, ce ne sont pas moins de vingt-et-un comédiens et comédiennes qui se sont prêtés à l'exercice, et en dehors de quelques passants un brins caricaturaux (et donc très jeu vidéo dans l'esprit), ils délivrent tous une performance particulièrement convaincante qui est pour beaucoup dans la réussite de cet épisode. On vous propose de découvrir la liste complète ci-dessous, mais vous entendrez les voix d'Angelina Jolie, Julia Roberts, Matt Damon (ou Jin Sakai), Martin Short, Kevin Costner, Jena Malone (ou Kognedur dans Dragons), Margot Robbie, le joker de Heath Ledger, Benedict Cumberbatch, Salma Hayek, Seiya (ou Vegeta), et ce ne sont que quelques exemples ! Dans un jeu qui repose autant sur les dialogues, inutile de dire que le choix de soigner le doublage était plus que judicieux. En plus de cette VF aux petits oignons, on peut compter sur l'excellente bande originale du non moins célèbre Inon Zur, compositeur aussi humble que talentueux ayant travaillé sur des titres cultes comme Fallout 3, Fallout New Vegas, Fallout 4, le Prince of Persia de 2008 (qu'on adore), les deux premiers Dragons Age, et bien sûr tous les Syberia depuis le second volet. Le thème principal de ce nouvel épisode (qui est en fait l'hymne de Vaghen) est parfait et revient sous différentes formes, mais toutes les autres compositions sont vraiment excellentes. Inon Zur s'est adjoint les services de la jeune pianiste américaine Emily Bear et du Budapest Film Symphony en Hongrie. Le résultat, c'est une bande originale très touchante qui fait le lien avec le travail de Benoît Sokal de la plus belle des manières, en ajoutant beaucoup d'émotion par le biais de mélodies inspirées de la musique classique européenne. À notre sens, c'est cette association parfaite entre directions artistique et musicale qui rend l'atmosphère du jeu si particulière et si marquante.
Et voici justement le moment venu d'évoquer le rendu visuel de The World Before. Avant d'en dire tout le bien que nous en pensons, évoquons tout d'abord ses limitations. Le jeu ne pouvant s'appuyer sur les budgets démesurés des grosses productions AAA, la modélisation des visages et les animations faciales restent un peu sommaires, même si cela ne les empêche pas de transmettre des émotions. Autant certains personnages s'en sortent plutôt bien, autant pour d'autres, c'est un peu moins convaincant, sans que cela ne soit non plus vraiment préjudiciable quand on est habitué aux jeux narratifs dans la veine de Life is Strange. Les connexions entre les mains des protagonistes et les objets qu'ils tiennent sont aussi assez approximatives (on pense par exemple au téléphone, qui n'a d'ailleurs bizarrement pas de fil visible), certaines cinématiques plus tournées vers l'action sont un peu mollassonnes malgré l'utilisation de la motion capture, et les animations de course sont également un peu raides. Des défauts assez communs dans ce genre de productions, mais qui pourront parfois avoir un léger impact sur l'immersion dans quelques scènes. De même, on note çà et là des textures trop peu détaillées sur des objets ou décors que l'on peut pourtant observer de près. C'est dommage, mais cela n'enlève heureusement rien aux efforts consentis pour réaliser les superbes décors et ambiances du jeu. La ville de Vaghen est magnifique, et même les passages en pleine nature sont réussis. La caméra est généralement bien placée pour les mettre en valeur, même s'il arrive qu'elle s'égare un peu parfois quand on décide de revenir sur ses pas. Quoi qu'il en soit, nous n'avons jamais trouvé que cela affectait la jouabilité. On imagine bien que les plus jeunes, moins habitués aux angles de vue prédéfinis, pourront avoir un peu de mal avec les changements de caméra, mais très honnêtement, tout est plutôt bien géré à ce niveau. Nous adorons également tout le soin apporté aux cinématiques qui nous montrent nos déplacements en tramway, l'occasion d'admirer l'ingéniosité dont a fait preuve Sokal pour créer ces machines capables de se transformer à la volée pour monter les pentes montagneuses ou traverser les étendues d'eau. Dernier point à aborder, même en 1440p avec une RTX 2080 Ti, le framerate descend parfois autour des 30 images par seconde (lors de certains plans pendant les cinématiques ou, plus rarement, en phase de jeu quand de nombreux personnages sont affichés à l'écran). The World Before n'étant pas un jeu d'action, c'est moyennement grave, surtout si vous possédez un écran G-sync, mais on espère quand même que cela sera résolu par un patch dès que possible.
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ps: C'est vraiment joli en plus pour ne rien gâcher.
PS : si j’ai jamais joué aux autres épisodes de la licence c’est grave ?