Aujourd'hui sur Gamersyde, on vous embarque dans notre Delorean et on vous emmène faire une petite balade dans le passé, en commençant par l'année 1989, date à laquelle la Master System de SEGA a accueilli le cultissime Wonder Boy: The Dragon's Trap. Vingt-huit ans plus tard, le jeu de Ryuichi Nishizawa revient grâce aux petits Français de Lizardcube, et c'est une réussite, pour peu que vous gardiez en tête qu'il s'agit avant tout d'une expérience rétro, dans un bien bel emballage graphique et sonore.
Wonder Boy: The Dragon's Trap, c'est tout d'abord l'histoire de Book, jeune garçon bien décidé à occire un terrible dragon pour ramener la paix sur le royaume. Tout commence dans le deuxième volet de la série, intitulé Wonder Boy in Monster Land, à la fin duquel le héros découvre que le dragon est en fait un robot. Alors que l'on pensait les aventures du valeureux blondinet terminées, le troisième opus vient modifier le dénouement de l'épisode précédent en y ajoutant une malédiction, qui s'abat sur Book une fois le dragon vaincu. Transformé à son tour en reptile cracheur de feu, l'intrépide jeune garçon va devoir découvrir un moyen de retrouver son état normal. Si aujourd'hui, cette mise en situation narrative peut paraître bien désuète à une époque où le jeu vidéo propose des intrigues plus étoffées, il n'en faut finalement pas plus pour motiver le joueur à traverser les différents environnements de The Dragon's Trap. Expérience rétro jusqu'au bout des ongles, ce remake du jeu sorti sur Master System en 1989 (puis en 1991 sur PC Engine et TurboGraphx, avant d'atterrir sur Game Gear en 1992) n'a pas pour but de proposer une relecture de l'original. On y retrouve donc tout le contenu à l'identique, à quelques exceptions près, puisque les contraignantes pierres de charme ont désormais disparu et que le positionnement des ennemis est parfois un peu différent.
Des améliorations ont néanmoins été faites sur l'ergonomie des commandes, pour fluidifier le gameplay et éviter des allers-retours intempestifs dans le menu. On pense par exemple au changement d'items qui peut désormais se faire via la touche LB/RB (L1/R1), tout en continuant de se déplacer. En procédant ainsi, vous courrez cependant le risque de vous faire toucher puisque le jeu ne passe plus en pause. Pour les néophytes, ces items, que l'on ramasse aléatoirement une fois les ennemis tués, servent de projectiles pour vous donner des moyens supplémentaires de survivre à l'adversité. Si la première transformation (en dragon/lézard) permet de cracher du feu, les autres devront "se contenter" des diverses épées achetées dans les boutiques. De fait, les boules de feu, tornades, éclairs, boomerangs et flèches (très pratiques contre les nuages en colère) deviennent beaucoup plus importantes pour progresser. Toujours dans cet esprit de rendre l'expérience de jeu moins obscure, les statistiques des divers équipements sont maintenant clairement précisées, et de petits indices ont été ajoutés dans leur descriptif quand ils profitent d'un effet supplémentaire - comme le fait de pouvoir briser certains blocs, ou d'en créer, quand il ne s'agit pas d'une incidence sur le type d'objets lâché par les ennemis. Autre petit détail, l'achat d'une arme, d'une armure ou d'un bouclier n'oblige plus à entrer dans le menu pour s'en équiper. Une action automatique bien logique aujourd'hui, dont on comprend aisément l'implémentation dans ce remake.
Pour ceux qui ne connaîtraient pas Wonder Boy: The Monster's Trap, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que le titre mélange des éléments de jeu de rôle avec de la plateforme et de l'action. Le héros gagne donc en puissance au fur et à mesure de l'aventure, à condition de récolter suffisamment d'argent pour investir dans de nouvelles pièces d'équipement, et de trouver les coffres renfermant des cœurs supplémentaires pour augmenter sa barre de vie. La nature non linéaire du jeu était plutôt rare à l'époque de sa sortie, d'où le fait que la série Wonder Boy ait largement contribué au développement du genre Metroidvania. En effet, en sus de l'amélioration des statistiques du héros, chaque boss vaincu amène le personnage principal à changer de forme pour accéder à de nouvelles zones auparavant inatteignables. Après le lézard, qui ne peut tenir un bouclier mais est capable de se baisser en contrepartie, c'est la souris qui permet au joueur de s'aventurer dans la forêt, grâce à son abilité à se coller sur certaines surfaces. Ensuite, c'est l'apparence de piranha qui ouvre de nouveaux chemins, non parce que les autres formes ne peuvent circuler sous l'eau, mais parce que la transformation en homme poisson permet alors de nager librement et de passer certains obstacles autrement infranchissables. Viennent ensuite le tigre, dont le coup d'épée plus ample s'avère très efficace contre bien des ennemis, et le faucon, qui ajoute la voie des airs à la panoplie déjà bien complète du héros maudit. Si le jeu impose ces transformations pour rendre la progression possible, des salles plus ou moins cachées autorisent une "mutation contrôlée" pour faciliter le backtracking dans certaines zones.
Si nous parlions de non linéarité un peu plus haut, c'est parce qu'en dehors du début de l'aventure, plus dirigiste, il est tout à fait envisageable de se frotter à certaines parties du monde avec n'importe quelle forme. Bien sûr, impossible d'explorer le galion englouti sans prendre l'apparence de l'homme poisson, mais dans une majorité des cas, rien ne vous oblige à découvrir les zones dans un ordre préétabli. Le côté pervers de la chose est que certains passages deviennent automatiquement plus corsés si vous n'avez pas découvert suffisamment de cœurs, ou que votre armure ne vous protège pas correctement des coups adverses. Ceci étant dit, comme tout est question de timing et d'adresse, il est tout à fait possible de vous en sortir sans avoir obtenu certains items, tout particulièrement si le loot est de votre côté. L'aspect aléatoire des objets abandonnés par les ennemis en agacera sans doute plus d'un, mais c'est aussi ce qui fait tout le sel de l'aventure. Cœurs de récupération (partiels ou, quand vous êtes chanceux, complets), élixirs de résurrection (pour éviter un retour au village une fois mort), armes de jet ou argent, votre karma influencera largement votre expérience de jeu. Heureusement, certains équipements vous permettront d'augmenter les chances de récupérer des cœurs, des projectiles, ou des pièces sonnantes et trébuchantes. Reste qu'il faut malgré tout accepter l'idée que le jeu peut devenir frustrant quand, suite à un saut mal calibré, on retombe sur un ennemi, qui nous renvoie sur un autre, etc. On a beau ne pas perdre un cœur entier à chaque contact (et c'est heureux), cela peut vite devenir énervant - surtout lorsqu'il s'agit d'un boss qui a décidé de vous faire surfer sur son vomi un jet de flammes vertes...
Plus qu'un titre à l'intérêt quasi historique, Wonder Boy: The Dragon's Trap 2017, c'est avant tout un incroyable travail de rénovation de l'œuvre originale. C'est bien simple, au petit jeu des comparaisons, ce remake, pourtant essentiellement développé par deux personnes, est sans doute le plus impressionnant qu'il nous ait été donné de voir à ce jour. Le passage de la version Master System émulée à le refonte graphique de Ben Fiquet montre la teneur du travail abattu, rien que sur l'aspect visuel. La vision du graphiste du jeu ne trahit jamais la direction artistique de la version Master System, bien que celle-ci y apporte tout de même une bonne touche personnelle. Inspiré aussi bien par l'école de la bande dessinée franco-belge que par les mangas, Ben Fiquet a été obligé de respecter certaines contraintes, la version originale devant être accessible à tout moment. Il ne fallait donc pas que la taille des modèles diffère des sprites de l'époque, ce qui a certainement demandé un travail de recherche assez titanesque. On imagine que l'on parviendra bien à trouver quelques grincheux pour critiquer le nouveau style des personnages, mais en ce qui nous concerne, c'est une très grande réussite. D'autant que l'arrivée de ces nouveaux graphismes s'accompagne également d'animations plus détaillées, qui vont même jusqu'à donner l'impression d'une maniabilité moins flottante. Certains sauts demeurent un peu hasardeux au départ, comme quand il faut passer par dessus les têtes de gargouille cracheuses de feu, mais en dehors de cela, le jeu gagne en précision. Cela est assurément aussi dû aux réglages qui ont pu permettre d'affiner la jouabilité du titre, mais ce qui est sûr, c'est que l'impact visuel de ces nouvelles animations est indéniable.
Pour parfaire le tout, il ne fallait bien évidemment pas négliger la bande originale de Shinichi Sakamoto, devenue culte avec bien d'autres mélodies de l'époque 8 bits. C'est à Michaël Geyre qu'est revenue cette lourde tâche. Compositeur issu d'une famille de très nombreux musiciens sur cinq générations, c'est sa rencontre en 1998 avec Omar Conut, l'autre développeur à l'origine du projet, qui a été décisive dans son implication dans le remake, près de 20 ans plus tard. Pour une première incartade dans le milieu du jeu vidéo, ce musicien très polyvalent s'est attaqué à un défi assez conséquent, mais il n'a fort heureusement pas failli. En incluant des vrais instruments à corde, à vent et à percussion - parfois peu conventionnels d'ailleurs -, et même de l'accordéon, Michaël Geyre est parvenu à donner une couleur particulière à chaque morceau. Les mélodies ont beau être connues et parfaitement reconnaissables, l'atmosphère qu'elles distillent apporte une nouvelle fraîcheur à l'expérience de jeu, tout en respectant totalement les environnements dans lesquels elles sont jouées. Une vraie prouesse que l'on peut d'autant plus apprécier en passant d'une bande son à l'autre, puisque les nouveaux arrangements respectent aussi le tempo original. Petit bonus pour les habitués du jeu, les thèmes des boss et des donjons, qui étaient réutilisés à l'identique sur Master System, ont fait l'objet de plus de variations. Si ce sont souvent les musiques que l'on retient dans un jeu vidéo, il ne faut pas non plus oublier le travail de Romain Gauthier, compositeur responsable du sound design dans The Dragon's Trap. Son approche du remake est intéressante dans la mesure où il ne s'est pas contenté de tout modifier pour que le résultat soit plus en accord avec notre époque, mais il a aussi souvent intégré les sons originaux en filigrane pour conserver l'âme de la version de 1989.
Tous les commentaires (12)
Je passerai mon tour.
C'est comme pour Yokai Layle, j'ai lu ici que certains étaient horripilés par les gloussements bizarroïdes des PNJ.
Or, les fans - ceux-là même qui ont financé le jeu sur KS - souhaitaient absolument réentendre ces voix débiles, ils eussent été fort déçus pour ne pas dire scandalisés qu'elles ne fussent pas au rendez-vous ! :)
Quand on s'attaque à des remake ou revival de ce type, la fidélité est donc tout aussi synonyme de respect que de "sécurité".
Excellent test comme d'habitude !
La mouture Switch est parfaite, rien à déclarer, elle tourne fabuleusement bien, je referais un second run en difficile (je l'ai fini en normal) par contre le level design d'époque risque d'en rebuter pas mal, aussi joli qu'il soit il reste un jeu de 89 comme le souligne Drift, mais encore une fois c'est le pied pad en main.
Bourru> Yooka n'est pas un remake mais un hommage. Il peut donc se passer de reprendre certains travers -comme les cam un peu foireuses-. Et puis surtout, c'est pas le fait que les perso baragouinent qui est désagréable mais le sound-design de ce baragouinement. Celui d'Animal Crossing ne me faisait pas cet effet ^^.